Le Congrès Atec ITS France 2015 organisé par l’association ATEC ITS France, rendez-vous incontournable des acteurs de la mobilité intelligente s’est tenu les 27 et 28 janvier 2015 à Paris. A cette occasion, nous avons rencontré Jean Bergounioux, Délégué Général d’Atec ITS France. Il nous en dit plus sur ce qu’est la mobilité intelligente.
Natura Sciences : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter ce qu’est la mobilité intelligente?
Jean Bergounioux : Le fil conducteur de la mobilité intelligente est de fiabiliser et sécuriser les déplacements pour optimiser le temps, le budget et le confort de nos déplacements. Elle révolutionne les déplacements grâce aux technologies de l’information et de la communication. C’est un domaine en recouvrement à de nombreux métiers : l’automobile, les routes et voies ferrées, le transport public, les télécommunications…. Pour le grand public, l’aspect le plus visible de la mobilité intelligente est tout ce qui se fait aujourd’hui autour du Smartphone. Le téléphone portable permet d’avoir une information sur l’état du trafic vers votre destination ou sur les transports disponibles, à n’importe quel moment de la journée ou de votre déplacement. En cas d’incident, il vous indique comment changer de mode de déplacement.
Font aussi partie de la mobilité intelligente le télépéage, les pass sans contact comme Navigo en Ile-de-France et Oura ! en Rhône-Alpes, le GPS, les panneaux d’informations variables, les carrefours dits intelligents qui adaptent la durée des feux rouges en fonction du nombre de piétons ou à l’approche d’un tramway. Il reste encore des gains potentiels importants à faire dans la régulation du trafic, grâce notamment à plus d’automatisation en temps réel.
Cette mobilité dynamique est nouvelle. L’application routière en Ile-de-France Sytadin, par exemple, lancée par la Direction des Routes d’Ile-de-France vous envoie un SMS s’il y a une perturbation sur votre itinéraire quotidien. Beaucoup d’autres applications privées sont sur ce créneau. Notre association a évalué le poids du secteur de la mobilité intelligente à 4,5 milliards d’euros et à 45 000 emplois dans des centaines d’entreprises.
Natura Sciences : Sur quelles technologies repose cette nouvelle mobilité ?
Jean Bergounioux : Derrière ces applications, il y a de la complexité technique. Il y a des télécommunications, des systèmes d’informations, des capteurs dans les chaussées, des caméras de surveillance… Votre smartphone peut envoyer votre position, et à partir de cela on connaîtra votre vitesse de déplacement et quel mode de transport vous utilisez. Ces nouvelles générations d’applications travaillent sur ce que l’on appele les « traces » : le GPS de votre téléphone remonte votre position. Ces informations très générales sont anonymisées et agrégées avec celles des capteurs dans la chaussée, dans les carrefours ou dans le métro en fonction de votre mode de transport pour avoir une vision plus fine des conditions de déplacements sur un bassin de vie, permettre aux exploitants des systèmes de transports de mettre en œuvre des stratégies plus fines et aux usagers de mieux maîtriser leurs déplacements
L’enjeu pour l’usager est de passer de la mobilité subie, suite aux perturbations, à la mobilité choisie qui valorise le temps passé dans les transports. Cela me permet de faire la transition avec l’automatisation de la conduite dans l’automobile. Cette automatisation va permettre de faire rouler plus de monde dans moins de voitures, avec moins de bouchons et moins de pollution. C’est ce que l’on appelle la communication véhicule – véhicule et véhicule – infrastructure. Bientôt, elle deviendra opérationnelle dans certaines circonstances (autoroutes, embouteillages…) : la voiture décidera alors de sa vitesse en fonction de son environnement et de sa destination.
Natura Sciences : N’y a-t-il pas encore de nombreux freins réglementaires à l’émergence de la voiture automatisée ?
Jean Bergounioux : Il reste des problèmes réglementaires pour le moment, mais cela évolue. Les Pays-Bas et la Californie ont déjà fait évoluer leurs réglementations. Les premières appenlications, comme la voiture qui se gare toute seule dans les parkings, pourrait apparaître d’ici 2020.
Pour le reste, c’est le renouvellement du parc automobile qui est en jeu. Avant que ces applications soient largement répandues, il faudra bien attendre une quinzaine d’années.
Natura Sciences : Quel lien existe-t-il entre mobilité intelligente et route intelligente?
Jean Bergounioux : Avant de parler de mobilité intelligente, la technologie est apparue principalement par des systèmes basés sur l’infrastructure (panneaux à message variable, temps d’attente des transports publics…). La mobilité intelligente s’est vulgarisée avec l’apparition du Smartphone et des télécommunications. Dans le champs des systèmes de transports intelligents, il y a de la communication véhicule-véhicule, la communication véhicule-infrastructure, des systèmes basés purement sur l’infrastructure ou des applications basées sur les systèmes d’information et l’Internet.
La route intelligente, dite aussi de 5e génération sera constituée de matériaux de chaussée plus écologiques, de matériaux qui vont retarder le gel, produire de l’énergie… La route intelligente recouvre une infinité de technologies. Une partie de ces innovations s’inscrit dans la mobilité intelligente qui vise à fiabiliser et sécuriser votre déplacement.
Natura Sciences : Demain, le smartphone sera-t-il le seul maître à bord de l’automobile ?
Jean Bergounioux : Le smartphone est une interface. On ne sait pas au-delà d’une dizaine d’années quels genres de services les nouvelles technologies permettront d’offrir et à travers quelles interfaces elles le feront. La technologie du Smartphone a ouvert le champ des applications qu’il peut héberger. Il n’est pas impossible que d’autres types d’interfaces homme-machine puissent se développer.
Je ne suis pas un visionnaire, mais la première remarque que je peux vous faire, c’est que les constructeurs automobiles vivent une révolution majeure. Avant, une voiture, c’était d’abord un processus industriel : un châssis, des roues et un moteur. Les constructeurs basculent dans une démarche où ils vont voir la voiture comme une interface homme-machine. La continuité de la mobilité intelligente au cours de votre journée sera assurée dans votre véhicule par l’intermédiaire du téléphone mobile ou d’une autre interface.
L’automobile restera toutefois un domaine de technologies avancées bien plus larges que le smartphone, et le conducteur y restera acteur une grande partie de son temps de conduite ! Et les automatismes dont nous parlons seront activables et désactivables à sa propre initiative.
Je suis convaincu que la multi-modalité va continuer à se développer, changer notre rapport à la mobilité et au véhicule. La mobilité intelligente vous offrira grâce au smartphone, au développement de l’autopartage et d’autres services innovants, la possibilité de changer plus aisément de mode de transport au cours de votre déplacement, en fonction de contraintes externes (perturbations…) et de vos besoins personnels (imprévus, retard…). On parle de chaîne de mobilité vous permettant une prise en charge de votre déplacement d’un point A à un point B sur sa totalité et vous proposant les solutions adaptées à tout moment.
Propos receuillis par Matthieu Combe, fondateur de Natura-sciences.com