Dans les Alpes, pour un euro investi dans une solution fondée sur la nature, environ 3 euros reviennent sous forme de services écosystémiques, selon une étude publiée dans la revue Cell report sustainability. Cette approche monétaire de la conservation de la nature vient confirmer d’autres travaux de recherche.

Restauration de cours d’eau en Autriche, mise en place d’espaces verts à Milan, végétalisation du bâti autour de Chambéry ou encore plantation de forêts… pendant trois ans, une équipe de chercheurs internationale a étudié l’impact économique de 83 solutions fondées sur la nature mises en place dans les Alpes, et ont publié leurs résultats dans la revue Cell report sustainability. “La valeur que ces solutions apportent à un territoire et à ses populations est immense”, confie Alberto Gonzalez-Garcia, chercheur au laboratoire d’écologie alpine de Grenoble et co-auteur de l’étude.
Donnez à la nature, elle vous rendra le triple
Pour chaque euro investi dans ce type de projet, 2,8 euros reviennent en moyenne au territoire. Un investissement de 225 millions d’euros a permis un retour d’une valeur de 639 millions d’euros pour les 83 actions. Afin d’obtenir ce chiffre, les scientifiques ont analysé le bénéfice que pouvaient apporter les services écosystémiques générés par la nature, c’est-à-dire les biens et services que la biodiversité rend aux populations d’un territoire.
Quatre services écosystémiques précis ont été étudiés. L’atténuation des vagues de chaleur, la régulation des inondations, la régulation du climat et la protection des paysages. “Nous nous sommes concentrés sur les services écosystémiques pour lesquels il existait déjà une méthode solide de calcul monétaire. Si on avait une méthodologie pour les autres services, ce chiffre de 3 euros pour 1 euro investi serait encore plus important”, souligne Alberto Gonzalez-Garcia.
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Les inondations, catastrophe la plus coûteuse
Dans le détail, le service écosystémique le plus rentable est de loin la régulation des inondations. 92 % de la valeur totale monétaire des solutions fondées sur la nature viennent de l’absorption et de l’évacuation des eaux lors des événements extrêmes. Pour chaque hectare de rivière restaurée, la prévention des inondations permet d’économiser en moyenne 1 750 000 €. Pour le même service, chaque hectare d’espace vert dans une ville préserve 1 150 000 euros de dommages.
“On ne se rend pas compte du coût des catastrophes naturelles pour nos sociétés. Et pour faire face à elles, il n’y a pas meilleur allié que des sols en bonne santé et des écosystèmes complexes. Si nous voulions atténuer les inondations sans la nature, en construisant des digues ou des canaux, le prix serait bien plus important et le résultat bien moins efficace”, explique Alberto Gonzalez-Garcia.
Pourquoi mettre un prix sur la nature ?
Le scientifique espagnol confie avoir longuement parlé avec des collègues de son pays suite aux inondations dévastatrices qui ont touché la région de Valence en octobre 2024. “Des événements comme ça, c’est impossible à arrêter, et ils seront de plus en plus fréquents avec le dérèglement climatique. J’aimerais bien savoir à quel point on aurait pu atténuer ces inondations si des solutions fondées sur la nature avaient été déployées massivement dans la région.”
La question de chiffrer les bénéfices de la protection de l’environnement fait débat depuis de nombreuses années. Même Alberto Gonzalez-Garcia, co-auteur de l’étude, avoue qu’il faut avant tout protéger la nature pour sa valeur intrinsèque. « On a tout de même besoin d’une langue commune avec l’origine du problème qui réside dans le fonctionnement économique », suggère-t-il.