Dans un nouveau rapport, l’ONG de défense des droits de l’homme Amnesty International décrit une « attaque ciblée et intentionnelle contre la justice climatique » et les défenseurs de l’environnement qui s’amplifie dans le monde entier. La France fait figure de mauvais élève, avec des partis et des responsables politiques qui prônent « le climatoscepticisme et la répression des libertés publiques », et une politique de maintien de l’ordre qui va jusqu’à mettre en danger la vie des militants écologistes.

« La France est le pire pays d’Europe concernant la répression policière des militants environnementaux. » En mai 2024, Michel Forst, rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations-Unies, décrivait ainsi au média Reporterre la situation particulière de la France. Depuis, la répression n’a fait que s’accentuer, conclut un rapport publié jeudi 3 juillet par Amnesty International.
Alors que les conséquences du réchauffement climatique n’ont jamais été aussi palpables, avec des vagues de chaleur infernales qui frappent la France hexagonale de plein fouet, c’est un atlas de « pratiques autoritaires » de l’État français et de mesures de maintien de l’ordre qui « violent les droits humains » des militants écologistes que met en lumière Amnesty International.
Des lois détournées pour viser les militants écologistes
Selon l’ONG, la criminalisation des défenseurs de l’environnement se fait par le biais de lois qui ne les visent pas, mais que les autorités détournent pour les cibler. C’est le cas de la loi « visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations » votée en 2019, aussi appelée « Loi anti-casseurs ». Elle permet d’arrêter et de poursuivre pénalement des manifestants pour la simple raison qu’ils dissimulent leur visage.
Pourtant, Amnesty International rappelle que le droit international protège la dissimulation de son identité. Une observation générale du Pacte international des Nations-Unies relatif aux droits civils et politiques mentionne que la dissimulation de son visage « peut faire partie des moyens d’expression d’une réunion pacifique ou être le moyen pour les participants d’éviter des représailles ou de protéger leur vie privée, notamment face aux nouvelles technologies de surveillance. »
Une loi contre l’islamisme radical utilisée pour réprimer les mouvements écologistes
Les militants écologistes sont la cible de nombreux autres appareils juridiques, alors qu’ils n’en sont pas la cible initiale. C’est le cas de la Loi séparatisme de 2021, qui veut « lutter contre l’islamisme radical ». Elle est utilisée pour faciliter le retrait de subventions publiques à des associations écologistes, notamment au mouvement Alternatiba en 2022 et 2023.
Cette loi a également élargi les motifs de dissolution de collectifs, ce qui a permis en 2023 à Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, de prononcer la dissolution du mouvement écologiste des Soulèvements de la terre. Une décision finalement annulée par le Conseil d’État.
Une diabolisation qui précède la répression
Pour Amnesty International, la prise de parole publique de personnalités politiques qui « diabolisent » les défenseurs de l’environnement et les scientifiques facilite leur répression. Un usage loin d’être réservé aux éditorialistes de CNews. Les termes « terrorisme », « écoterrorisme« , « terrorisme intellectuel » sont apparus dans les discours de ministres en exercice, notamment Gérald Darmanin et Marc Fesneau, ancien ministre de l’Agriculture.
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Délégitimés dans le débat public, les militants écologistes sont d’autant plus facilement réprimés par les forces de l’ordre. En février 2024, Michel Forst, rapporteur spécial sur les défenseurs de l’environnement aux Nations-Unies s’était rendu sur les lieux de manifestation contre la construction de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres. Il témoignait d’un harcèlement des forces de l’ordre contre les militants « écureuils » qui s’étaient installés dans les arbres pour les protéger. Par la « privation délibérée de sommeil par des membres de forces de l’ordre ». Par la « combustion de divers matériaux, l’allumage de feux, le déversement de produits a priori inflammables au pied d’arbres occupés par des « écureuils » par des forces de l’ordre« . Ou encore par « l’interdiction de ravitaillement en nourriture et les entraves à l’accès à l’eau potable » pendant plusieurs jours, mettant directement en danger la vie des militants.
Une privation d’information
Pour Amnesty International, la dernière tendance française de restriction des libertés fondamentales est la réduction de l’information et de la participation citoyenne. « Plusieurs lois adoptées ces dernières années pour ‘simplifier’ les procédures environnementales imposées aux entreprises ont fragilisé l’effectivité des droits à la participation et à l’information dans le cadre de projets industriels », détaille le rapport.
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De nombreuses réformes ont par exemple réduit le nombre et la qualité des enquêtes publiques, et ces derniers mois, les attaques se portent sur la Commission nationale du débat public. Cette autorité indépendante garante du droit à l’information et à la participation du public sur des projets et des politiques publiques ayant un impact sur l’environnement, comme les centrales nucléaires. En octobre 2024, des députés du Rassemblement national ont déposé une proposition de loi visant à la supprimer. Et en décembre 2024, le gouvernement a mis en consultation un projet de décret proposant qu’il ne soit plus obligatoire de la saisir dans le cadre de projets industriels. Une proposition rejetée par la suite par le Conseil d’État.
Soutenir plutôt que criminaliser la protection de l’environnement
Face à ces reculs alarmants du droit de l’environnement et des libertés fondamentales, Amnesty International dénonce une stratégie coordonnée. « La répression des défenseurs de l’environnement est au service d’une politique gouvernementale de reculs sur les questions climatiques et environnementales », peut-on lire dans le rapport.
L’ONG invite les autorités françaises à prendre des mesures d’urgence pour protéger les défenseurs de l’environnement et du climat et stopper leur répression en France et dans le monde. « Ce n’est pas seulement un sujet de débat qui est retiré, c’est notre futur », prévient le rapport.