Engagé contre la crise climatique depuis 2018, l’activiste Hugo Viel partage dans son essai « Climat : Trop tard pour agir ? » son parcours militant pour montrer que “NON, il n’est pas trop tard pour agir” ! Entretien.

Entre 2018 et 2020, Hugo Viel fréquente les négociations internationales sur le climat à l’ONU et lors des COP, au sein de l’ONG CliMates. Aux côtés d’autres activistes, il organise la première grève mondiale pour le climat du 15 mars 2019. Il s’engage ensuite pendant huit mois dans une mobilisation citoyenne pour la campagne pour une Vraie Loi Climat et conseille Pierre Larrouturou pendant la Primaire Populaire. En septembre 2022, il intègre l’ONG 350.org en tant que chargé de campagne contre les bombes climatiques développées par l’industrie fossile. Dans son premier essai « Climat : Trop tard pour agir ? » (30 pages, 3,5 €) sorti aux Éditions de la Martinière le 10 mars 2023, Hugo Viel confie “ce que j’aurais aimé qu’on me dise et qu’on m’apprenne lorsque j’ai débuté mon engagement en 2018”. Natura Sciences l’a interrogé sur son engagement.
Natura Sciences : Qu’est-ce que cela signifie pour vous de s’engager contre la crise climatique et pour la justice sociale ?
Hugo Viel : Quand j’ai commencé à m’engager j’avais l’idée de donner du sens à ce que je faisais. La crise climatique est un accélérateur de tout ce qui ne va pas dans le monde : par exemple la famine, le manque d’accès à l’éducation ou encore à l’eau potable. Donc, s’attaquer au sujet de la crise climatique revient à s’attaquer à tout cela en même temps. C’est aussi pour ça, et comme ça, avec ces réflexions que j’ai commencé à m’engager.
In fine, quand on parle de crise climatique, c’est avant tout une question de droits humains, car la Terre sera toujours là lorsque nous serons partis. Les impacts de la crise climatique vont toucher toutes les personnes vivant sur la planète, et notamment les personnes les plus défavorisées. Voilà ce que signifie se battre pour la crise climatique.
Aujourd’hui vous êtes chargé de campagne chez 350.org, quels sont les combats que vous y menez ?
Ce qui m’a mené à 350 et aux campagnes actuelles, c’est la campagne menée contre Total et notamment contre le projet EACOP en Ouganda et en Tanzanie. J’avais vraiment envie de me mettre sur cette campagne. EACOP est un peu le projet symbole de Total et de tout ce que Total fait mal. On parle d’atteinte à l’environnement, à la biodiversité, d’un projet pétrolier qui va continuer à émettre énormément de gaz à effet de serre, et atteindre aux droits humains en Ouganda et en Tanzanie.
Dans le cadre de cette campagne, notre but est aussi de nous attaquer aux entreprises et aux soutiens de TotalEnergies. Ce sont eux qui permettent à la major pétrolière de continuer à faire ces projets. Aujourd’hui, l’une de nos grosses cibles est le Crédit Agricole et sa filiale Amundi, le premier actionnaire de Total. Le Crédit Agricole a financé Total à hauteur de 7 milliards d’euros entre 2016 et 2021. C’est le travail dont je m’occupe en ce moment, avec beaucoup de partenaires et une large coalition d’organisations, que vous pouvez retrouver sur StopEACOP.net. Mais aussi, et de plus en plus depuis un an, nous travaillons avec des centaines de bénévoles. Ils se mobilisent partout en France contre le projet EACOP et contre TotalEnergies.
En parlant d’engagement, vous ne mentionnez pas seulement le fait de protester et de manifester. Mais aussi de “construire, animer, embellir, aimer et imaginer un nouveau monde”. Par quelles actions passe cet engagement “positif” ?
Pour moi, cela passe par plusieurs choses. Cela peut passer par l’art, c’est-à-dire en diffusant des causes ou en luttant par l’art. Par exemple, je peux citer le collectif Minuit 12. Dans le cadre de la campagne contre EACOP, il a mis en place une chorégraphie devant la tour de Total Energies à la Défense. Les militants avaient réussi à véhiculer un message en faisant du beau et en dansant.
Dans la coalition contre EACOP, on retrouve aussi des associations de croyants. Des personnes qui, par leur foi, forment des cercles de prières. Ces associations arrivent à entrer en lien avec les personnes de chez Total d’une autre manière.
Un autre exemple est le mouvement Le Bruit Qui Court qui lie art et activisme. Ils avaient réalisé une chorégraphie à Châtelet, avec des centaines et des centaines de kilos de vêtements usés, qui a été vue des millions de fois.
Aujourd’hui, quand on parle de l’avenir on retrouve beaucoup d’imaginaires de fin du monde. Et donc, créer de nouveaux imaginaires, de nouvelles façons de voir le futur, nous aide à nous projeter dans un monde où nous serions sortis des énergies fossiles. Un monde où nous pourrions réussir à créer autrement que pour une certaine forme de cupidité, pour créer du beau, produire ce dont on a besoin et pas uniquement produire toujours plus.
Je dirais que c’est par l’art, par la création de nouveaux imaginaires mais aussi par la diffusion, l’éducation et la transmission que l’engagement peut se manifester. La fresque du climat, c’est pas de l’activisme à proprement parler mais pourtant elle fait partie des outils intéressants et importants qui permettent de diffuser une culture commune du changement climatique et de la manière dont il nous atteint.
Pour vous, quel rôle joue la science dans la lutte climatique ?
Je pense que la science est la base de notre action et permet de définir un concept de justice climatique. La science, les rapports du GIEC, le travail des scientifiques nous permettent d’affirmer aujourd’hui qu’il y a des responsabilités partagées mais différenciées sur la cause du changement climatique. C’est ce qui nous permet de dire que les zones qui seront les plus touchées par les catastrophes climatiques ne sont pas les zones qui ont le plus pollué historiquement.
La science est la base de notre action parce que l’entièreté du mouvement climatique se base sur ce que disent les scientifiques. Depuis 50 ans, le mouvement climat se base sur les rapports scientifiques et sur ce que dit la science. C’est pour cela que personnellement, j’ai peur mais que je pense qu’il n’est pas trop tard pour agir. C’est parce que j’écoute ce que dit la science, je lis les rapports du GIEC, j’écoute les conseils des scientifiques que je parviens à avancer. Parce que c’est cette connaissance là qui guide nos actions.
Vous évoquez dans votre livre votre envie d’intégrer l’ONU au début de votre engagement et d’y poursuivre votre combat en tant que diplomate ? Est-ce toujours le cas ?
Non, ce n’est plus du tout un objectif. J’ai assisté à plusieurs négociations internationales et je me suis rendu compte que, même si c’est un échelon important, ce n’était pas là où j’avais envie d’agir.
Pour moi, aujourd’hui, l’échelle internationale est celle de la coopération. C’est très important mais, de mon côté, j’ai envie d’être un peu plus sur des questions de politiques publiques et de changements concrets de la société dans laquelle nous vivons. C’est pour cela que je m’engage davantage à un niveau national, là où nous pouvons mettre des mesures en place.
Il y a quelques années, mon objectif était de faire, à la suite de mon master en énergie/environnement, un master en relations internationales mais je ne l’ai pas fait parce que ce n’était plus là que je voulais aller. Mes expériences chez CliMates et aux COP auxquelles j’ai assisté m’ont aussi permis de me rendre compte de cela.
Propos recueillis par Chiara Hagenlocher