Ce mercredi 7 décembre 2022, TotalEnergies s’est retrouvée face à six ONG françaises et ougandaises au tribunal judiciaire de Paris dans le cadre du projet EACOP. L’entreprise française doit réponse à des accusations de graves manquements à son devoir de vigilance. L’affaire porte sur son méga-projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie.
Une nouvelle audience en première instance a eu lieu, ce mercredi 7 décembre, dans le cadre du recours en justice lancé en 2019 par les Amis de la Terre France, Survie et quatre associations ougandaises contre TotalEnergies. Elles estiment que l’entreprise française manque à son devoir de vigilance concernant son méga-projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie.
Décision attendue le 28 février
L’audience qui a commencé vers 9h30 au tribunal judiciaire de Paris, est le résultat d’un long combat mené par les ONG.“Cela fait plus de trois ans que nous avons engagé cette bataille judiciaire contre Total. En Ouganda et en Tanzanie, la situation ne fait qu’empirer pour les communautés locales », explique Juliette Renaud, responsable de campagne aux Amis de la Terre France. Selon elle, les communautés subissent depuis plusieurs années des violations de leurs droits fondamentaux en raison de l’accaparement de leurs terres lié au développement du méga-projet pétrolier de Total.
Finalement, vers midi la date de la décision tombe. Pour les ONG, il faudra attendre un peu plus, le 28 février 2023 exactement. Selon les Amis de la Terre, TotalEnergies n’a pas voulu communiquer sur ses opérations. « Comme dans leur défense à l’écrit, les avocats de Total ne nous disent quasiment rien sur ce qu’il se passe en Ouganda et en Tanzanie, pour répondre à nos accusations, qui sont bien concrètes. Ils tentent surtout d’échapper à cette nouvelle loi », estime l’ONG. Selon Ophélia Claude, l’avocate de Total, au travers de cette action, les associations essayeraient d’imposer leur vision « maximaliste » de la loi devoir de vigilance. Elle estime que l’action ne viserait en réalité pas les activités de Total en Ouganda.
Le projet EACOP, késako ?
Pour rappel, l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), le projet de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie, est un tuyau chauffé à 50°C sur 1.443 km. Il se situe entre les réserves pétrolières de l’Ouganda et le port de Tanga en Tanzanie. Il s’agit également du plus grand pipeline chauffé au monde. C’est aussi l’équivalent de 34 millions de tonnes de CO2 émises par an selon l’ONG Afiego, l’IDI et la société BankTrack. Un chiffre bien supérieur à ce qu’annonce Total dans ses études. Et une incompatibilité avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
Ce que veulent les ONG
Dans leur assignation, les six organisations françaises et ougandaises demandent aux juges d’enjoindre à Totalenergies à mettre en conformité son plan de vigilance avec la loi. Le tout en y faisant figurer tous les risques d’atteintes graves associés aux projets Tilenga et EACOP ainsi que les mesures de vigilance adéquates à développer face à ces risques.
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Ces organisations veulent, à titre conservatoire, que les travaux afférents aux projets Tilenga et EACOP soient suspendus. Les ONG espèrent également que ces mesures de vigilance, y compris des mesures d’urgence, soient mises en œuvres. Un communiqué de Survie évoque notamment « le versement immédiat des compensations » et « des distributions de nourriture pour les communautés privées de leurs moyens de subsistance ».
Selon Pauline Tétillon, co-présidente de Survie, “la loi devoir de vigilance, malgré ses lacunes, a le pouvoir de contraindre Total à faire cesser les violations des droits humains causées par ses activités et à prendre des mesures concrètes pour prévenir les risques majeurs à venir ». L’ONG espère que la décision à venir ira dans ce sens et que les juges prendront la mesure de l’urgence.