Ce 11 avril 2023, l’Académie des Technologies présentait son avis “pour le développement de productions industrielles de panneaux photovoltaïques en France et en Europe”. Elle y présente un bilan de l’état actuel de la chaîne de production mondiale de panneaux solaires.
Savez-vous que la Chine fabrique toujours la très grande majorité des panneaux solaires ? Le pays domine en effet à 80% la chaîne des composants de ces panneaux. En 2021, la production mondiale de modules était de 175 gigawatts (GW). Si l’Europe était un acteur industriel significatif dans le secteur du photovoltaïque jusqu’aux années 2010, elle ne représente plus que 0,9% de la production mondiale de panneaux solaires. Pour rapatrier en France et en Europe une partie de cette production, l’Académie des Technologies a publié le 11 avril 2023, dans le cadre du plan France 2030, sa note sur “le développement de productions industrielles de panneaux photovoltaïques en France et en Europe”.
En France, les objectifs de développement consistent à passer d’une capacité installée de 13 GW d’énergie solaire en 2021 à 100 GW en 2050. Il faudra alors installer annuellement 3 GW d’énergie solaire sur les trois prochaines décennies. Selon les informations de PV magazine, d’ici à 2030, l’Union européenne souhaiterait avoir une capacité de production de modules solaires suffisante pour répondre au moins à 40 % de la demande annuelle prévue dans le cadre des initiatives REPowerEU et Green Pact. Ces objectifs visent l’installation de 600 GW de capacité solaire à cet horizon, contre près de 210 GW fin 2022. Pour atteindre les objectifs européens, il faudrait donc installer près de 50 GW par an dont au moins 20 GW produits localement. Le développement d’une telle production locale nécessitera une action très volontariste en Europe, avertit l’Académie.
Une industrie européenne des panneaux solaires à muscler
Si l’industrie du photovoltaïque se trouve très majoritairement en Chine, elle n’est pas pour autant inexistante en Europe. Pour produire des panneaux solaires européens, la note souligne l’importance de mettre en place des politiques interventionnistes et de protection. Ces mesures doivent aider au développement des entreprises existantes et à l’émergence de nouveaux acteurs. Elles passent, par exemple, par des achats locaux des États, des crédits d’impôts ou des projets d’aide au développement.
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L’Académie des technologies préconise : “L’Europe doit se doter sans attendre de moyens de production significatifs pour l’amont de la chaîne de production des cellules silicium. Il s’agit de la production du silicium, de son extraction, à sa purification, puis à la production de lingots et de monocristaux, et enfin leur découpe en galettes. Ceci nécessite un capex [des dépenses d’investissement, NDLR] important et de l’électricité peu coûteuse, les leaders en Europe se situant en Norvège”. Cela étant, dit ces mesures devront s’associer à “une politique européenne claire et stable pour l’énergie, associée à un prix compétitif de l’électricité”.
Afin de développer cette industrie, l’étude du cabinet McKinsey & Company, Building a competitive solar-PV supply chain in Europe, publiée le 13 décembre 2022, prévoit un investissement de 7,5 milliards d’euros au niveau européen. Cela représente moins de 40% du coût de l’EPR de Flamanville (19,1 milliards d’euros), selon les calculs de la Cour des comptes. Ces investissements permettraient d’atteindre une production européenne de 20 GW en 2025.
Des recommandations au niveau national
En France, l’Académie recommande l’industrialisation de technologies de pointe, comme les cellules à hétérojonction ou TOPCon. Ces deux types de cellules diffèrent par les types de matériaux agencés autour de la galette de silicium. Elles permettent un meilleur rendement des cellules et donc une production d’électricité plus importante.
Les autres recommandations de l’avis portent sur l’assemblage, l’installation et l’entretien des panneaux, ainsi que sur la recherche. Car en parallèle de la fabrication des panneaux, il est primordial de développer une industrie de la maintenance des infrastructures. Celle-ci nécessite des fabricants de composants, des intégrateurs et assembliers, des installateurs et des gestionnaires de fermes photovoltaïques. Enfin, il faudra maintenir l’effort de recherche et développement. “Les technologies continuent à évoluer et le secteur est très concurrentiel” explique l’avis.
L’argument de l’électricité décarbonée
La note souligne que les panneaux solaires actuels reposent à 95% sur des technologies utilisant des galettes de silicium. Le silicium est obtenu à partir du quartz ou du sable. Puis, il est fondu pour former des lingots, avant d’être découpé en galettes. Ce sont ces galettes, ou wafers, agencées avec d’autres matériaux, qui forment les cellules photovoltaïques. Or, la purification et la transformation du silicium nécessite de chauffer le matériau à 1414 °C afin qu‘il atteigne son point de fusion.
“La production chinoise s’effectue à partir d’électricité fortement carbonée, rappelle l’Académie des technologies dans son avis. Les panneaux photovoltaïques y sont fabriqués avec une électricité qui contient en moyenne 600 gCO2/kWh”. Par comparaison, en 2018, la production d’électricité en Europe s’élevait à 317 gCO2/kWh. Pour cette même année, la production française en émettait moins de 100 gCO2/kWh. Afin de diminuer les émissions de la fabrication des panneaux solaires, l’Académie rappelle l’importance de recourir à de l’électricité décarbonée. Celle-ci serait produite à partir de sources renouvelables, ou de nucléaire.