Des élus du Rassemblement national et le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau proposent de couper tous les financements publics aux énergies éoliennes et solaires pour miser sur le tout nucléaire. De quoi faire bondir le monde de l’énergie : même en relançant massivement le nucléaire, abandonner les énergies renouvelables conduirait à dépendre toujours plus des énergies fossiles.

C’est une tribune qui a court-circuité le débat public. Plusieurs élus Les Républicains (LR), à commencer par Bruno Retailleau, le chef du parti et également ministre de l’Intérieur, annonçaient jeudi 3 juillet dans Le Figaro vouloir « rebâtir un parc nucléaire et stopper le financement des renouvelables. » Si le parti entretient depuis des années un discours méfiant vis-à-vis du solaire et de l’éolien, ses dirigeants semblent récemment avoir franchi un cap dans le rejet de ces modes de production d’énergie décarbonés.
Une semaine plus tôt, l’examen à l’Assemblée nationale de la Loi Grémillet sur la simplification économique dans le domaine de l’énergie fut d’ailleurs le théâtre d’une scène ubuesque. Les députés LR, pourtant dans le même gouvernement que les macronistes, ont fait voter avec l’appui du Rassemblement national un moratoire pour geler tous les projets de construction de renouvelables en cours. Une loi finalement rejetée par les votes de gauche et le bloc central, avec la clarification d’un clivage : sur les questions énergétiques, le président des Républicains Bruno Retailleau défend des positions bien plus proches de celles de Marine Le Pen que de celles d’Emmanuel Macron.
Aucun scénario crédible sans énergies renouvelables
En déplacement dans l’Aveyron, le président de la République lui-même a d’ailleurs levé le ton contre son ministre de l’Intérieur, sans jamais le nommer. « Si on a des ministres qui s’occupent de tout, ça ne s’appelle plus un gouvernement », a martelé le chef de l’État, réaffirmant le soutien aux renouvelables, et appelant « chaque ministre » à « s’occuper des affaires pour lesquelles il est nommé ». Les critiques les plus acerbes sont toutefois venues du monde de l’énergie. Dans une tribune publiée dans le média libéral L’Opinion, Jules Nyssen, président du syndicat des énergies renouvelables, a appelé à « arrêter de raconter n’importe quoi », et dénonce des propositions « irréalistes » et « climatosceptiques ».
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Pour apaiser le débat, il est toujours bon de se référer à RTE, le gestionnaire du réseau de transport électrique. Dès 2022, il modélisait plusieurs scénarios réalistes de production électrique d’ici 2050 pour décarboner l’économie. Selon les industriels du secteur, même dans le scénario le plus ambitieux en matière de développement nucléaire, cette source d’énergie « ne parviendra à répondre qu’à 50% des besoins en électricité des Français ». Dans une trajectoire qui ne s’affranchit pas du réel, pour fournir assez d’énergie décarbonée, il faut donc atteindre au grand minimum 70 gigawatts (GW) de puissance solaire installée en 2050, soit sept fois plus qu’en 2020. Et 43 GW d’éolien terrestre, soit 2,5 fois plus qu’en 2020.
Le prix des renouvelables en chute libre
« Et ce serait bête de s’en priver. Le prix de production de l’électricité renouvelable est en chute libre depuis des années », soutient Yves Marignac, expert énergie et nucléaire et porte-parole de l’association négawatt. Selon une étude de l’Ademe de 2024, la production d’un mégawattheure (MWh) d’éolien terrestre était en 2022 de 59 €. Une baisse de 40 % par rapport à 2012. Pour le photovoltaïque au sol, c’est encore plus impressionnant : 70 € par MWh, soit une réduction de 78 % en 10 ans. À titre de comparaison, les prix du renouvelable sont maintenant comparables avec l’énergie nucléaire existante, autour de 60 € par MWh. Et surtout bien inférieurs au « nouveau nucléaire » en train d’être construit, dont plusieurs estimations estiment le prix au-delà des 100 € le MWh.
« Si on abandonne les énergies renouvelables, on se prive de la révolution qui est en cours et on se rend complètement dépendant aux énergies fossiles et aux pays qui les détiennent », détaille Yves Marignac. En 2024, la France est devenue le premier importateur européen de gaz naturel liquéfié russe, alors que le gouvernement n’arrive pas à faire voter depuis 2023 une loi de programmation pluriannuelle de l’énergie.