Par un accord commercial, l’Union européenne s’est engagée à acheter sur trois ans 750 milliards de dollars d’énergie venant des États-Unis, majoritairement du pétrole et du gaz de schiste liquéfié. Ce désastre sur le plan écologique voit l’émergence d’un grand gagnant : Donald Trump.

« Le plus grand accord économique de l’histoire. » Dimanche 27 juillet, le président des États-Unis Donald Trump ne cachait pas sa satisfaction devant les journalistes. En menaçant l’Union européenne (UE) de droits de douanes exorbitants, il a réussi à faire plier une Europe désorganisée pour obtenir un accord extrêmement favorable à la première puissance mondiale.
L’UE a ainsi accepté d’acheter sur trois ans 750 milliards de dollars d’énergie américaine (644 millliards d’euros). C’est-à-dire du pétrole, du gaz naturel liquéfié et du combustible nucléaire. L’objectif est de « remplacer le gaz et le pétrole russe et garantir l’approvisionnement en énergie de l’Europe », a précisé la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen après sa rencontre avec le président des États-Unis.
Fuir Poutine pour tomber dans les bras de Trump
« Mais ce que propose cet accord, c’est de passer d’une dépendance à la Russie à une dépendance aux États-Unis », remarque Sophie Meritet, maître de conférences à l’université Paris Dauphine et experte sur les questions d’énergie. À titre de comparaison, depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a plus de trois ans (février 2022), l’Union européenne a acheté pour 212 milliards d’euros d’énergie fossile à la Russie, selon le Centre pour la recherche sur l’énergie et la qualité de l’air (Crea).
Sur une période de temps comparable de trois ans, l’accord conclu avec Donald Trump prévoit de dépenser trois fois ce montant en pétrole et en gaz américains. « Cela va au-delà du simple remplacement des hydrocarbures russes. L’Union européenne se rend complètement dépendante des Etats-Unis sur le plan énergétique, et met en danger ses engagements écologiques », souligne Sophie Meritet.
Le gaz de schiste de l’oncle Sam
La Commission européenne vient tout juste de proposer un nouvel objectif qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’UE de 90% d’ici 2040 par rapport à 1990. Mais si l’Europe respecte l’accord avec les États-Unis, alors ses émissions ne peuvent qu’augmenter. La faute à la composition du gaz américain : il est majoritairement produit à partir de gaz de schiste, qui est de 1,5 à 4 fois plus émetteur que le gaz dit ‘naturel’ produit par la Russie ou les Émirats Arabes Unis selon une étude parue en 2018.
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Pour atteindre ses objectifs écologiques, l’UE doit réduire sa consommation d’hydrocarbures. Mais cet accord envisage au contraire d’augmenter son approvisionnement. Pour la chercheuse Sophie Meritet, c’est la preuve que « pour les dirigeants européens, la priorité, ce n’est pas le réchauffement climatique. C’est la sécurité d’approvisionnement en énergie, puis la compétitivité des entreprises. Les questions écologiques n’arrivent qu’en troisième position. »
Des questions restent sans réponse
Pour le Réseau action climat (RAC) qui regroupe de nombreuses associations écologistes en France, il s’agit d’une soumission énergétique. « Les Etats-Unis représenteraient 60% des importations énergétiques européennes, peut-on lire dans un communiqué. Face à l’impérialisme fossile de Donald Trump, réaffirmons la priorité d’aller au plus vite vers une société peu consommatrice d’énergie et productrice d’énergies renouvelables. »
D’autant que plusieurs points restent à élucider. Quel pétrole pourra acheter l’Europe ? Certes, les États-Unis sont les premiers producteurs de pétrole au monde, mais c’est avant tout du pétrole lourd. Or ce dernier est peu utile à l’Europe car en le raffinant, on obtient peu d’essence pour les voitures, au contraire du pétrole léger. Des questions se posent également sur le combustible nucléaire que l’Europe compte acheter, et qui pourrait intéresser la France : les Etats-Unis ne sont pas de grands producteurs d’uranium. Ils en importent même en vastes quantités pour leurs centrales nucléaires. Que pourra donc acheter la France ?
Du pétrole de Trump en échange de sa souveraineté
Du côté de Donald Trump, c’est une immense victoire politique. Ces dernières années, que ce soit sous l’administration Trump ou l’administration Biden, les Etats-Unis ont massivement investi dans l’extraction de pétrole et de gaz et veulent conquérir des marchés pour écouler leurs productions. L’Union européenne, plus grand marché économique du monde, lui ouvre ses portes sans opposer de résistance, même s’il faut maintenant que les Etats européens ratifient cet accord.
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Pour le corps politique français, visiblement tenu à l’écart des négociations, c’est un choc. L’ensemble des partis politiques ont dénoncé l’accord, à commencer par le Premier ministre François Bayrou (Modem) qui a évoqué un « jour sombre » pour une Europe qui se « résout à la soumission ». Pour Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), « tout a été cédé à Trump », et il appelle à une posture de « non-alignement vis-à-vis des États-Unis ». Du côté de Marine Le Pen (Rassemblement national), on dénonce un « fiasco économique et moral ».
Pour préparer la réponse française, une réunion au ministère de l’Économie se tiendra mercredi 30 juillet en présence des syndicats patronaux et des filières impactées par les droits de douane. Contacté, le gouvernement n’a pas voulu s’exprimer sur l’impact écologique de l’accord commercial.