Face la contamination de l’environnement par les Pfas, l’Anses propose une stratégie de surveillance adaptée à leur toxicité et à leur présence dans les différents milieux. L’agence pointe aussi le manque de données sur ces « polluants éternels ».

Après avoir dressé un état des lieux de la contamination aux composés per- et poly- fluoroalkylés (Pfas), l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) s’est attelée à identifier les plus préoccupants pour définir une stratégie de surveillance prenant en compte à la fois leur toxicité et l’ampleur de leur présence dans l’environnement et les produits de consommation. Cette expertise a fait l’objet d’un avis et de deux rapports, publiés ce mercredi 22 octobre.
Les Pfas constituent une famille vaste et hétérogène de plus de 4 000 composés chimiques, extrêmement résistants et utilisés dans de nombreuses applications industrielles (textiles, revêtements antiadhésifs, produits phytopharmaceutiques…). Leur persistance dans l’environnement leur vaut le surnom de polluants éternels. Selon l’étude de biosurveillance Esteban 2014-2016, de Santé publique France, 100 % de la population française est contaminée aux Pfas, avec des conséquences potentielles sur la santé.
« Parmi les milliers de composés Pfas, peu d’entre eux sont recherchés et documentés, exception faite des quelques substances intégrées dans les dispositifs de contrôle réglementaires« , constate l’Anses dans un communiqué. Quatre Pfas sont en effet surveillés dans les œufs, les produits carnés et les produits de la pêche (parmi lesquels le PFOA et le PFOS dont l’usage est désormais restreint), tandis que la directive sur l’eau potable prévoit la recherche obligatoire de 20 Pfas par les agences régionales de santé à compter du 1er janvier 2026.
Pas de donnée française sur les expositions professionnelles
À partir de 2 millions de données, 142 Pfas ont été recherchés dans différents « compartiments » : l’air, les poussières, les sols, les aliments, les organismes vivants, les milieux aquatiques, les eaux de boisson et les produits de consommation (comme les cosmétiques et les textiles), en population générale et en population professionnelle.
Les données de biosurveillance de la population générale montrent que les moyennes des teneurs en Pfas dans le sang sont du même ordre de grandeur que celles mesurées au niveau européen chez les enfants et les adultes, avec des niveaux moyens inférieurs aux seuils existants pour les PFOS et le PFOA. Le manque de données françaises est en revanche flagrant concernant l’air, les sols, les poussières, mais aussi pour les expositions professionnelles, pour lesquelles elles sont inexistantes.
Près de 250 Pfas catégorisés
À partir de ce bilan et de données complémentaires, l’Anses a mis au point une méthode ayant permis de catégoriser 247 Pfas en fonction de deux critères : leur présence dans les différents compartiments et leur toxicité (cancérigène, mutagène, reprotoxique, perturbateur endocrinien…), en vue de leur surveillance. « Nous sommes loin du compte par rapport à la grande famille des Pfas », a reconnu Matthieu Schuler, directeur général délégué du pôle Sciences pour l’expertise de l’Anses, lors d’un point presse. « Mais nous progressons. »
L’Anses a classé ces Pfas en fonction de trois approches de surveillance. La surveillance dite pérenne concerne ainsi les Pfas les plus préoccupants, requérant une surveillance étroite. Cela concerne notamment une vingtaine de Pfas à surveiller dans différents sous-compartiments alimentaires, comme l’alimentation infantile et les produits transformés. Tandis que la surveillance exploratoire, plus ponctuelle, vise à mieux caractériser des Pfas insuffisamment documentés, comme le TFA (le plus petit des Pfas) dans l’air, les sols, les poussières et tous les sous-compartiments alimentaires. La surveillance localisée concerne les sources de contaminations anciennes ou actuelles à investiguer, comme les sites industriels.
Aux pouvoirs publics de s’emparer de ces recommandations
Ces recommandations s’adressent aux pouvoirs publics et aux différents acteurs concernés (employeurs, responsables d’activités émettrices ou utilisatrices…), à qui il appartient d’adapter leurs stratégies de surveillance. Selon l’Anses, « il est prioritaire d’agir à la source en limitant les émissions de l’ensemble de cette grande famille ». C’est l’objet de la restriction européenne en cours d’instruction par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).
En France, une loi adoptée en février, mise en œuvre au 1er janvier 2026, interdit la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant des Pfas (cosmétiques, produits de fartage pour les skis…). Un plan d’actions interministériel a été défini en 2024.