Le surtourisme touche de plein fouet la France, pays le plus visité du monde. Pour le mesurer, la start-up Villes de rêve a pris des données de la plateforme de location en ligne Airbnb, à la fois cause et symptôme de la surfréquentation des centre-villes. Si les touristes prennent d’assaut Paris et la Côte-d’Azur, l’étude montre que d’autres territoires subissent beaucoup moins de pressions.

Dans le pays le plus visité du monde, y a-t-il des endroits qui ne souffrent pas du surtourisme ? En 2024, 100 millions de personnes sont venues sur le territoire français pour profiter des plages, des montagnes et des Jeux olympiques de Paris selon le baromètre des Nations unies. Si certains espaces pâtissent d’une surfréquentation, d’autres demeurent tout à fait accessibles sans rajouter de pression sur les habitants et les écosystèmes.
Un touriscore sur le modèle du nutriscore
Pour établir quelles communes sont les plus sur et sous-fréquentées, la start-up Villes de rêve s’est livrée à une expérience. Sur le modèle du nutriscore, elle a imaginé un touriscore, en partenariat avec le Collectif national des habitants permanents. Cette association cartographie les logements mis en location sur Airbnb, la plateforme en ligne de location temporaire, très utilisée par les vacanciers. En utilisant ces données, Villes de rêve a attribué à toutes les villes de plus de 10 000 habitants une note de A (vert, synonyme d’une pression touristique très faible) à E (rouge, signe d’un surtourisme prononcé).

Parmi les grandes villes (+ de 50 000 habitants), la Côte d’Azur voit rouge et concentre quatre des huit villes classées E (Cannes, Nice, Antibes et Marseille). Deux autres villes de Provence-Alpes-Côte-d’Azur rejoignent ce tableau (Avignon et Aix-en-Provence), tandis que Paris et Annecy complètent le top 8 des grandes villes les plus soumises au surtourisme.
Pour obtenir ce classement, quatre critères sont analysés. Le taux de logement mis en location dans les centre-villes, le nombre de petits logements transformés chaque année en logements Airbnb, le taux de loueurs professionnels (qui mettent en location plus de 3 logements) et le nombre de bars par km2.
Le surtourisme chasse les habitants des centres-villes
Le touriscore souligne comment le surtourisme transforme les villes. Dans le centre de Cannes, les logements consacrés à la location Airbnb constituent 32,5% de la totalité des biens. Un chiffre ahurissant : la deuxième ville qui affiche le pourcentage le plus élevé est Annecy, avec 24 %. Ce phénomène génère de nombreux troubles, à commencer par une hausse mécanique des loyers et une gentrification des centres à marche forcée. Paris, qui a mis en place ces dernières années des politiques pour limiter la généralisation de logements par Airbnb, se retrouve avec 13 % de logements en location sur la plateforme dans son centre-ville, un chiffre déjà très important.
La capitale se distingue pour sa part par la densité de bars et de restaurants. On en trouve 1191 par kilomètre carré. C’est le record en France, loin devant la deuxième ville, Toulon, avec 775 bars et restaurants par kilomètre carré. La moyenne des centre-villes étudiés ne s’élève pourtant qu’à 188 établissements par kilomètre carré. Pour les auteurs de l’étude, on assiste donc à une « hyperspécialisation économique » des centres-villes à destination du tourisme, qui chasse une partie des habitants et peut créer des nuisances sonores. La présence trop importante de bars et de restaurants nuit aussi à l’offre de commerces de proximité, ce qui impacte directement les habitants permanents.
Quels territoires sont les moins fréquentés ?
Dans le pays le plus touristique du monde, 20 % du territoire concentre 80 % de cette activité, souligne un rapport parlementaire de 2019. Si Paris et la Côte d’Azur affichent des chiffres spectaculaires, la plupart des villes françaises ont des scores qui montrent une absence de surtourisme. Côté grandes villes, Besançon, Le Havre et Saint-Etienne sont classées B. D’autres destinations historiques et touristiques comme Narbonne, Valence ou Beauvais rejoignent ce tableau des villes qui affichent un niveau de tourisme raisonnable.

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Pour les villes concernées, la situation reste dramatique et ne fait qu’empirer. Entre 2015 et 2025, la capacité d’hébergement pour le tourisme a ainsi drastiquement augmenté, passant de 3,97 millions à 5,3 millions de personnes. Une hausse à 90 % due à l’explosion de meublés touristiques à la location courte, sur lesquels Airbnb détient un quasi-monopole. « Le tourisme est un atout pour l’économie locale, mais il doit s’accompagner de garanties pour les résidents : encadrement de la location courte durée, protection du logement abordable, maintien des commerces de proximité. C’est à ces conditions que l’hospitalité pourra rester un pilier du modèle touristique français », soulignent les auteurs de l’étude.
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