Alors qu’elle dispose d’un fort soutien politique, la production d’énergie par géothermie n’arrive toujours pas à se remettre de la crise économique de 2008, 17 ans plus tard. Les industriels du secteur espèrent un soutien affirmé de l’État pour cette énergie renouvelable, alors que les subventions ont chuté ces dernières années.

« On est debout sur une mine d’or. En France, on utilise 1 % de nos capacités géothermiques. » Au salon de la géothermie qui prenait place à Biarritz les 19 et 20 juin, le Premier ministre François Bayrou ne manquait pas de superlatifs pour qualifier cette énergie renouvelable. « C’est l’un des combats de ma vie », répète-t-il à l’envie.
Les différents types de géothermie se servent de l’énergie emmagasinée par les sous-sols et les nappes phréatiques pour récupérer la chaleur. « Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il fasse grand soleil ou qu’il neige, à 100 mètres de profondeur la température moyenne est de 14°C et ne bouge pas », explique Damien Bonté, ingénieur de recherche pour le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Et plus on va au cœur de la Terre, plus la température augmente car on se rapproche du noyau terrestre en fusion.
Un potentiel sous exploité
En France, le potentiel de la géothermie est largement sous-exploité, selon l’Académie des technologies. Elle représentait en 2022 seulement 2 % de l’énergie renouvelable produite, alors même que l’ensemble des renouvelables constituaient la même année à peine 13,6 % du mix énergétique français. Loin derrière le nucléaire (36,6 %) et les produits pétroliers raffinés (30,3 %). La géothermie souffre notamment d’une déstructuration du secteur. Le Premier ministre le reconnait lui-même : « Il existe environ 100 professionnels en France, il faut passer à 1 000 ou 2 000. Des unités de formation initiale vont ouvrir : il en existe une à Lescar [à proximité de Pau, NDLR], deux autres arrivent à Beauvais et Marseille. »
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À l’heure où les politiques soutiennent de moins en moins les énergies renouvelables, en particulier le solaire et l’éolien, les industriels de la géothermie saluent l’engagement de François Bayrou en leur faveur. Ils craignent cependant que cela ne soit pas suivi des faits. « C’est clairement le Premier ministre le plus ‘géothermien’ depuis des années, glisse un représentant du secteur. Mais peut-être qu’il ne va pas rester très longtemps en place, et surtout nous attendons toujours la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, laissée en friche depuis 2023, sans laquelle rien ne pourra prendre d’ampleur. »
La géothermie en chute libre
La géothermie est unique dans le paysage des énergies renouvelables, car c’est la seule qui connaît une diminution significative de son déploiement ces dernières années. En 2008 selon l’Ademe, on installait 21 700 pompes à chaleur individuelles (qui vont au maximum jusqu’à 200 mètres de profondeur), alors qu’en 2024, seulement 2 700 nouvelles installations voyaient le jour. « La crise économique de 2008 est passée par là, et a entraîné une chute de la construction de logements neufs particuliers, cible privilégiée pour la géothermie individuelle », explique David Coutelle, président de la commission Géothermies du Syndicat des énergies renouvelables (SER).
Le secteur souffre aussi de la compétition avec les nouvelles pompes à chaleur aérothermiques (air-air), dont le montant initial d’investissement est beaucoup moins important, même si au long terme le prix de l’énergie produite par les deux modèles de pompes à chaleur est similaire. En 2023, le gouvernement déployait un Plan pour accélérer le développement des géothermies. Mais il n’a pas eu l’effet escompté, et le nombre d’installations de pompes à chaleur géothermiques continue de baisser chaque année.
Une filière dépendante des subventions
Comment expliquer cette incapacité de croissance de la filière ? La géothermie est pourtant appréciée de tous les partis politiques et ne connaît pas le clivage dans l’opinion publique, au contraire des éoliennes. Le problème est le même pour les particuliers et pour les installations industrielles beaucoup plus grandes, qui vont à plus de 200 mètres de profondeur : un investissement initial très important. Comptez entre 15 000 et 20 000 euros à débourser rubis sur l’ongle pour équiper une maison individuelle de 130 m2 selon l’Ademe. La géothermie a néanmoins besoin de très peu d’entretien pour fonctionner et, en moyenne au bout de 15 ans, l’investissement est remboursé. Mais aligner une telle somme initiale peut en intimider plus d’un.
Comme pour la filière nucléaire, qui comporte les mêmes caractéristiques d’investissement initial élevé, la filière géothermie est donc dépendante des subventions si le gouvernement veut un déploiement massif. L’État prend d’ailleurs déjà en partie en charge le coût des travaux via différents dispositifs comme MaPrimeRenov’, Habiter mieux ou un éco-prêt à taux zéro.
Des budgets coupés et gelés
Mais des rabotages successifs des dispositifs au fil des ans ont amoindri leur impact. Le dernier budget gouvernemental a significativement amputé MaPrimeRenov’, et a même « gelé » le Fonds chaleur de l’Ademe, qui s’adresse majoritairement aux projets de géothermie profonde, à plus de 200 mètres. Alors qu’il devait augmenter, il est finalement resté à 800 millions d’euros par an.
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« C’est bien trop peu si on veut sérieusement amplifier le déploiement de la géothermie », souligne David Coutelle, du Syndicat des énergies renouvelables. D’ici 2035 grâce à la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie, le lobby espère pouvoir tripler la puissance installée de géothermie, pour atteindre entre 14 et 18 térawattheures (TWh) de géothermie de surface (jusqu’à 200 mètres), et entre 8 et 10 TWh de géothermie profonde. Dans un rapport publié en 2024, l’Académie des technologies estime le potentiel total de la géothermie à 100 TWh d’énergie d’ici 2040 si l’État apporte un soutien fort à la filière. À titre de comparaison, les 57 réacteurs nucléaires français ont produit en 2023 320 TWh d’électricité.