Un rapport publié par la Commission européenne analyse en détail la mise en œuvre des engagements écologiques de la France. Elle observe un sous-financement chronique, et alerte sur de possibles poursuites en justice qui coûteraient plusieurs milliards d’euros à l’État français, car les objectifs de l’Europe sont contraignants.

« Sur une note positive, la France obtient de bons résultats dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes. » Dans le dernier rapport de la Commission européenne sur la mise en œuvre de la politique environnementale, il faut creuser pour trouver des « bons points » accordés à la France. Gestion des déchets, restauration de la biodiversité, protection de sa population vis-a-vis des pollutions… Cette quatrième édition du rapport depuis 2016 souligne qu’il « existe des écarts entre l’ambition de la France et les mesures effectives ».
Pour respecter ses engagements européens concernant l’environnement, la deuxième économie de l’Union européenne devrait investir en moyenne chaque année 63,81 milliards d’euros (2,41 % du PIB) entre 2021 et 2027. Le financement prévu par la France est en moyenne de 42,7 milliards d’euros. Il manque donc 21 milliards chaque année, soit 0,8 % du PIB, pour être au rendez-vous. En valeur absolue, la France est le pire élève de l’Union européenne, mais en pourcentage de PIB, elle se trouve dans la moyenne de l’UE. Contacté, le ministère de la Transition écologique défend une « ambition climatique ambitieuse et cohérente » .
Des déficits d’investissement dans tous les pays d’Europe
Tous les pays sont en retard sur leurs promesses d’investissement. Il manque par exemple 20 milliards à l’Allemagne pour atteindre ses engagements (0,52% de son PIB) et 11 milliards à l’Espagne (0,8 % de son PIB). Face au sous-financement chronique de l’ensemble des pays de l’UE, la Commissaire européenne à l’environnement Jessika Roswal appelle à sortir d’une vision d’une protection de la nature vue comme un fardeau. « Investir dans la mise en œuvre du droit de l’environnement est un très bon rapport qualité-prix », insiste-t-elle. De récentes études scientifiques ont en effet montré que la protection des écosystèmes a le potentiel de rapporter des milliards d’euros aux États. En particulier par la prévention d’événements extrêmes comme les inondations.


La France à la traîne sur la gestion des déchets
Dans les points faibles de la politique environnementale française, la Commission européenne souligne la gestion des déchets. « La France risque de ne pas atteindre l’objectif de réemploi et de recyclage des déchets municipaux fixé pour 2025 », mentionne le rapport, qui remarque l’insuffisance des mesures prises comme la loi anti gaspillage (Agec) votée en 2020. La quantité de déchets produits suit la courbe du PIB, et depuis 2018, la France stagne autour de 350 millions de tonnes de déchets produits chaque année sur son territoire national.
Cet échec pourrait d’ailleurs attirer au pays des ennuis judiciaires vis-à-vis de l’Union européenne. Les objectifs de réduction des déchets sont contraignants, et une procédure d’infraction vise la France depuis juillet 2024. Le 17 juillet, la Commission européenne a même saisi la Cour de justice de l’UE d’un recours contre la France au sujet de ses exigences en matière d’étiquetage concernant les consignes de tri des déchets. Là encore, la France n’est pas seule. La majorité des pays européens sont dans le même cas et risquent des amendes.
Des efforts sur les pollutions atmosphériques, mais toujours insuffisants
Un autre engagement contraignant est la réduction des pollutions. Le rapport souligne « des progrès en train d’être accomplis » sur la qualité de l’air : la France a notamment de bons résultats sur l’oxyde d’azote (NOx) et le dioxyde de souffre (SO2). Mais dans certaines zones, la Commission européenne souligne des dépassements des valeurs limites fixées par la Commission européenne sur les particules fines (PM10) ou le dioxyde d’azote (NO2), et la pollution de l’air tue toujours chaque année 40 000 personnes, selon Santé publique France, soit 7 % des décès totaux.
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« Des mesures appropriées devraient être mises en place en vue de mettre toutes les zones de qualité de l’air en conformité dans les plus brefs délais », souligne le rapport. Reste à voir quels outils la France déploiera. En mai, l’Assemblée nationale a voté pour la suppression des Zones à faibles émissions (ZFE), principal outil déployé pour respecter les objectifs européens d’amélioration de la qualité de l’air. Leur avenir est plus qu’incertain, et pourrait conduire l’Europe à saisir la Cour de justice de l’Union européenne. En avril, le cabinet du ministère de la Transition écologique soulignait même que l’Europe pourrait voir la suppression des ZFE comme une « annulation d’engagement » de la part de la France, remettant en cause la réception de 3 milliards d’euros de subventions de la part de l’Union européenne dès 2025.
Les rapports se suivent et se ressemblent
La Commission européenne n’est pas la seule à pointer les faiblesses de la politique écologique de la France. Un rapport du Haut conseil pour le climat paru le 7 juillet montre que pour respecter ses engagements, la baisse des émissions de gaz à effet de serre de la France devrait être au moins deux fois plus rapide. Il observe en 2024 « un fléchissement incompatible avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 », alors que la France subit déjà des évènements extrêmes amplifiés par le réchauffement climatique comme les vagues de chaleur ou le cyclone Chido qui a ravagé Mayotte.
Le Haut conseil pour le climat réclamait enfin un « sursaut collectif urgent », mais face aux désastres à répétition, le gouvernement français ne fait que réduire son ambition écologique. À la recherche de 40 milliards d’euros d’économies pour le prochain budget, le Premier ministre François Bayrou a proposé mercredi 16 juillet la suppression de certaines agences sur l’environnement, ainsi que le gel d’enveloppes destinées aux politiques écologiques de la France. « Choisir une année blanche pour la transition écologique est non seulement absurde, mais dangereux », a réagi le Réseau action climat qui fédère de nombreuses associations environnementales.