Menacé, le dispositif des Zones à faibles émissions (ZFE), qui vise à améliorer la qualité de l’air en zones urbaines, a obtenu le soutien partiel du gouvernement ce lundi 12 mai. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, propose de garder obligatoires celles de Paris et Lyon, alors que les autres collectivités auront les mains libres pour se conformer aux critères européens de qualité de l’air.

« C’est un petit soulagement, mais c’est un soulagement quand même. » Françoise Shaetzel est vice-présidente écologiste de l’Eurométropole de Strasbourg et membre de l’Alliance des collectivités pour la qualité de l’air. Elle a bien cru que les Zones à faible émission (ZFE) allaient être définitivement supprimées. Ce dispositif consiste à interdire les véhicules les plus polluants dans les centres urbains pour diminuer la pollution.
En 2019, à leur lancement, la majorité macroniste soutenait les ZFE. C’était la clé de voûte d’un programme d’amélioration de la qualité de l’air dans les grandes villes. Mais le 26 mars dernier, une commission spéciale de l’Assemblée nationale a voté la suppression des ZFE à l’initiative des députés du Rassemblement national et des Républicains. Les élus de droite et d’extrême droite accusent ces zones de « ségrégation sociale territoriale », selon les mots de Pierre Meurin, député RN du Gard.
Une deuxième lecture à l’Assemblée nationale
Selon ces députés, les ZFE empêchent les personnes les plus précaires, n’ayant pas les moyens d’acheter un nouveau véhicule moins polluant, d’accéder aux centre-villes. Avec les élections municipales de 2026 en vue, le sujet est inflammable et la loi proposant l’interdiction devrait passer en deuxième lecture à l’Assemblée nationale autour du 30 mai.
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Pour préparer l’échéance, les collectivités, associations et scientifiques concernés par la qualité de l’air étaient réunis lundi 12 mai au ministère de l’Aménagement du territoire. « Ne cédons pas aux discours populistes qui n’offrent aucune alternative », a martelé Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, pour rassurer des élus qui ont énormément investi dans le mécanisme des Zones à faibles émissions, et ne veulent pas revenir en arrière.
Le gouvernement propose un compromis sur les ZFE
C’est notamment le cas de Patrick Ollier, président de la métropole du grand Paris (Les Républicains), et Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon (Ecologiste). « On ne joue pas avec la santé des Français. On a choisi l’outil des ZFE, on ne peut pas changer tout le temps et rogner sur la santé publique. Les débats autour de ce sujet sont d’une démagogie à toute épreuve », regrette l’édile lyonnais.
Dans une forme « d’en même temps », le gouvernement proposera un amendement pour rétablir les Zones à faibles émissions, mais face aux pressions de la droite et de l’extrême droite, les rendra facultatives. Seules les métropoles de Paris et de Lyon auraient l’obligation de les mettre en place. Les autres collectivités auront les mains libres pour instaurer des mesures permettant de respecter ces normes.
Quels seuils de qualité atteindre d’ici 2030 ?
En France, les politiques de réduction de pollution de l’air ont prouvé leur efficacité.« On voit par exemple une diminution de 68% de la concentration d’oxyde d’azote (NOX) entre 1990 et 2022, et une diminution de 64% pour les particules fines (PM10) sur la même période », expose Marc Durit, directeur exécutif du Laboratoire central de surveillance sur la qualité de l’air. Par rapport aux normes européennes en vigueur, seules cinq agglomérations de plus de 50 000 habitants ont vu des dépassements cette année. Paris, Lyon et Montpellier pour l’oxyde d’azote, et Mayotte et Marseille pour les particules fines.
Mais en 2030, les normes européennes vont devenir plus restrictives. Pour la plupart des polluants, les seuils acceptés réduiront de moitié. Pour les particules fines PM10, il faudra par exemple être en dessous de 20 microgrammes par mètre cube d’air (µg/m3), alors que la norme est aujourd’hui de 40 µg/m3. « Si on applique dès aujourd’hui les normes de 2030, on passe de 5 à 56 agglomérations en situation de dépassement sur au moins un des polluants », détaille Marc Durit.
“Ce n’est pas le moment de freiner”
Pour Patrick Ollier, président de la métropole du grand Paris, ce n’est donc « pas le moment de freiner ». Il regrette un manque de pédagogie au lancement des Zones à faibles émissions (ZFE), et surtout un manque de soutien aux collectivités de la part de l’Etat. « Les aides à l’achat de véhicules moins polluants ont drastiquement diminué ces dernières années. C’est pourtant essentiel pour inclure les foyers les plus défavorisés dans le dispositif. De même pour la surveillance automatisée à charge de l’Etat que l’on attend depuis six ans. Comment voulez-vous qu’on mette en place quelque chose d’utile ? », lance-t-il à l’intention d’Agnès Pannier-Runacher.
La ministre de la Transition écologique a déclaré entendre ces revendications, et a dit être favorable à un fléchage du leasing social, le dispositif d’aide à l’achat de véhicules moins polluants, sur les agglomérations qui déploient des ZFE. Une enveloppe de 150 millions d’euros sera débloquée pour les Plans climat-air-énergie territorial (PCAET), un outil qui permet de planifier localement l’amélioration de la qualité de l’air.
Selon Santé publique France, la pollution aérienne est à l’origine de 40 000 décès prématurés chaque année dans le pays, soit 7 % de la mortalité totale. En 2015, une commission d’enquête du Sénat estimait le coût économique annuel de la mauvaise qualité de l’air à 101 milliards d’euros.