Le One Planet Polar Summit, premier sommet consacré aux glaciers et aux pôles, se tiendra à Paris du 8 au 10 novembre. Alors que la réunion annuelle de la Commission pour la conservation des ressources marines antarctiques vivantes s’est conclue sur « des progrès modestes”, les associations de défense de l’Antarctique attendent beaucoup du sommet international.
Le One Planet Polar Summit, consacré à la cryosphère, se tiendra à Paris à partir du 8 novembre 2023. Les scientifiques et les dirigeants débattront des mesures à tenir pour essayer de préserver les terres de glace. Cette nouvelle rencontre suit la réunion annuelle de la Commission pour la conservation des ressources marines antarctiques vivantes (CCAMLR). Elle s’est tenue du 16 au 27 octobre 2023 à Hobart, en Australie.
Si cette commission, qui rassemble 37 États, a pour objectif de “préserver les ressources marines vivantes de l’écosystème marin de l’Antarctique”, la réunion s’est soldée par « des progrès modestes” , selon la Coalition pour l’Antarctique et l’océan Austral (ASOC) qui œuvre à la conservation de l’Antarctique. Il y a pourtant urgence à agir alors que l’association rappelle que l’Antarctique a connu des “derniers mois extrêmes” tant du point de vue du climat que de la biodiversité. La glace de mer de l’Antarctique a encore atteint un nouveau record historique de plus faible étendue.
Des progrès mesurés pour les aires marines protégées de l’Antarctique
Pour protéger l’Antarctique, les négociations tournent autour de la création d’aires marines protégées (AMP). Pour le moment, il n’en existe que deux en Antarctique. La première se situe sur le plateau sud des îles Orcades du Sud. La seconde, quant à elle, se trouve dans la mer de Ross. Inaugurées en 2009 et 2016, elles couvrent respectivement 94 000 km² et 2,06 millions de km².
Aucune nouvelle AMP n’a été créée depuis, et ce malgré les différents dossiers à l’étude. « Ce qui est décevant, c’est l’absence d’action pour établir le réseau d’AMP que la CCAMLR s’était engagée à créer en 2011”, explique Andrea Kavanagh, directrice du travail de conservation de l’Antarctique et de l’océan Austral pour le projet Pew Bertarelli Ocean Legacy, citée dans le communiqué de l’ASOC. “Depuis sept ans, la CCAMLR ne fait que retarder les désignations d’AMP. Il est clair que ses membres n’exigent pas autant de science pour maintenir les pêcheries ouvertes qu’ils n’en exigent pour garantir des protections pourtant si nécessaires pour protéger cette région spectaculaire et les animaux qui y vivent« , regrette-t-elle.
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Malgré ce manque de décisions concrètes, les propositions d’AMP prennent de l’ampleur. Trois projets sont actuellement en cours de négociations par la CCAMLR. Ceux-ci sont relatifs à la création d’AMP pour l’Antarctique orientale, pour la péninsule Antarctique et pour la mer de Weddell. Lors de la réunion de la CCAMLR, la Norvège a proposé d’ajouter une zone de 720.000km² à cette dernière. Actuellement, 2,15 millions de km² de l’océan Austral sont protégés par la CCAMLR. Si tous les projets d’AMP se concrétisaient, cela représenterait “plus de 4,5 millions de km² d’océan en Antarctique, une superficie plus vaste que celle de toute l’Union européenne” précise l’ASOC. Cependant, ces propositions sont pour l’instant bloquées par “quelques pays membres”, indique l’association.
La mesure de conservation du krill renouvelée
Les AMP ont pour but de protéger la biodiversité marine et de réguler les activités maritimes humaines. En Antarctique, l’un des objectifs principaux des AMP est de protéger le krill. Ce petit crustacé, à la base de la chaîne alimentaire, est une véritable pierre angulaire de l’écosystème antarctique. « Avec l’accord d’associer la désignation de l’AMP dans la péninsule Antarctique avec la gestion actualisée de la pêche au krill, les membres veilleront à ce que tous les services essentiels fournis par le krill à la planète, y compris la séquestration du carbone, restent intacts. Ils veilleront également à ce que le niveau de population du krill se maintienne à un niveau sain afin que ses prédateurs puissent aussi le rester”, détaille Andrea Kavanagh.
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En effet, lors de cette réunion la CCAMLR a décidé de renouveler sa mesure relative à la capture du krill. Adoptée en 2022, celle-ci fixe un pourcentage de capture maximal dans quatre zones de l’océan Austral. Selon l’ASOC, la pêche industrielle du krill s’est multipliée par quatre ces quinze dernières années. Les quantités pêchées sont alors passées de “104.728 tonnes en 2007 à 415 508 tonnes en 2022, à mesure que des navires plus grands et plus sophistiqués se sont ajoutés à la chasse”, précise le communiqué.
Des mesures de protection de l’Antarctique ralenties
Les mesures de protection de la biodiversité n’avancent pas assez vite pour les associations. En effet, l’’opposition de quelques membres de la CCAMLR ralentit les mesures concrètes pour la protection des sites vulnérables. Et pour cause, ces mesures passent majoritairement par la restriction des activités de pêche.
Selon Greenpeace internationale, les mesures de protection sont pourtant également bénéfiques à la pêche sur le long terme. « Les intérêts à court terme […] des pêcheries continuent de primer sur les besoins de conservation à long terme. Si nous ne parvenons même pas à protéger des zones de reproduction clés pour les poissons, ce qui correspond aux objectifs internationaux de protéger au moins 30 % de l’océan d’ici 2030, ainsi qu’à la croissance de nouvelles populations de poissons, une perspective pourtant intéressante pour l’industrie de la pêche, alors nous mettons en danger non seulement les écosystèmes antarctiques, mais aussi le bon sens« , déclare Jehki Härkönen, conseiller en politique océanique chez Greenpeace International.
Le One Planet Polar Summit : une seconde chance pour des mesures concrètes
Du 8 au 10 novembre 2023, au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, se tiendra le One Planet Polar Summit. Ce rendez-vous se présente comme le premier sommet consacré aux glaciers et aux pôles. Il réunira des scientifiques et dirigeants de plus de quarante nations autour du sujet de la protection de la cryosphère. “J’espère vraiment que ce sommet marquera le début d’une ère d’action accélérée en matière de conservation qui aille au-delà de la fonte des glaces antarctiques« , déclare Claire Christian, directrice exécutive de l’ASOC.
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De son côté, la France souhaite voir la coalition “Ambition on melting ice« , soit “Ambition sur la fonte des glaces”, s’élargir lors de ce sommet. Fondée lors de la COP27 et comptant déjà vingt États membres, le but de cette organisation est “d’assurer que les impacts irréversibles et dévastateurs à l’échelle globale de la perte de la cryosphère sont compris à la fois par les dirigeants politiques et le public”. La France compte rejoindre la coalition lors de ce sommet et espère pouvoir “en doubler le nombre ou pas loin pour avoir entre 30 et 40 pays« , a indiqué Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur chargé des pôles et des enjeux maritimes lors d’une présentation à la presse.