Le Conseil d’État vient de rendre sa décision sur l’affaire Grande-Synthe. Contrairement aux demandes de la commune et des ONG, le Conseil n’a retenu aucune pénalité financière contre l’État. Cependant, il laisse jusqu’au 30 juin 2024 au gouvernement pour redresser la barre.
Le Conseil d’État a rendu sa décision à propos de l’affaire Grande-Synthe ce mercredi 10 mai. « Il est enjoint à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre avec la trajectoire de réduction de ces émissions », stipule la décision. Elle devra justifier de mesures suffisantes d’ici le 30 juin 2024, et transmettre au Conseil d’État, dès le 31 décembre 2023, un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité.
Le Conseil d’État ne retient pas d’astreinte financière
Le Conseil d’État estime ainsi que les mesures prises par l’État depuis juillet 2017 pourraient ne pas suffire à atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Signé en 2015, celui-ci engageait la France à baisser ses émissions de gaz à effet de serre de 40% d’ici 2030, par rapport aux niveaux enregistrés en 1990. Le Conseil d’État juge ainsi qu’ « il n’est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisse être effectivement respectée ». Néanmoins, il n’a finalement pas retenu d’astreinte financière, demandée en avril 2022, par la commune de Grande-Synthe, et les ONG l’ayant rejointe.
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Dès janvier 2019, la commune de Grande-Synthe avait saisi le Conseil d’État pour contraindre la France à respecter ses objectifs. Plusieurs ONG, ainsi que les villes de Paris et Grenoble avaient soutenu cette action. Grande-Synthe étant “particulièrement exposée aux effets du changement climatique”, le Conseil d’État avait reçu la plainte.
Un nouveau désaveu pour les ONG et une décision encourageante du point de vue de l’État
Pour l’association Notre affaire à tous, cette décision prouve le manque d’action du gouvernement dans la lutte contre le dérèglement climatique. “C’est un désaveu pour le gouvernement : le Conseil d’État constate de nouveau l’insuffisance des politiques climatiques mises en place par l’État depuis sa condamnation en juillet 2021”, note l’association dans un communiqué de presse. « L’idée n’est pas de dire que l’État ne fait rien du tout, mais de dire que ce qui est fait est largement insuffisant« , réagit Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à Tous, auprès de l’AFP, à l’annonce de la décision du Conseil d’État.
De son côté, le gouvernement voit ce jugement d’un bon œil. Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, estime que cette décision « ne remet pas en cause l’action du gouvernement« , mais « confirme que nous devons poursuivre nos efforts« , rapporte l’AFP. « La France agit, et continuera encore d’accroître ses efforts« , a également assuré Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.
Des mesures insuffisantes pour le Conseil d’État
Pour le Conseil d’État, les mesures listées par le gouvernement dans son mémoire du 4 mai 2022 montrent “qu’un certain nombre de mesures ont bien été prises depuis le 1er juillet 2021, avec un budget alloué à leur financement et, plus largement, à la transition écologique et énergétique”. Cependant, il relève également l’avis du Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans sa décision. En effet, dans un rapport de 2022, le HCC “estime qu’il existe un risque avéré que l’objectif de réduction pour 2030 ne soit pas tenu”. La décision voit donc les mesures du gouvernement en demi-teinte.
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Le Conseil d’État rappelle également les résultats de la simulation du CITEPA. Celle-ci estime que les mesures prises par le gouvernement permettraient, au mieux, d’atteindre une baisse de 38 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030. Des mesures supplémentaires de la part du gouvernement sont donc encore nécessaires pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris.
Dans son communiqué, le Conseil d’État appuie sur “la nécessité d’accélérer la réduction des émissions dès 2024”. Ce rappel est d’autant plus important compte tenu de la perspective de nouveaux objectifs adoptés par l’Union européenne pour 2030. Le paquet « Ajustement à l’objectif 55 » ajusterait en effet l’objectif à 55 % et non 40%. Le gouvernement a donc jusqu’au 30 juin 2024 pour amplifier ses mesures. Elles devront diminuer beaucoup plus fortement les émissions de gaz à effet de serre.