“La plus ambitieuse depuis 30 ans”. C’est de cette manière que le ministère de la Transition écologique présente la Stratégie Nationale Biodiversité 2030. Présenté ce 27 novembre à Matignon, ce plan présente de nombreuses mesures ambitieuses pour préserver la biodiversité française. Après trois années de rédaction, il est maintenant l’heure de passer à l’action.

“Nous faisons face à un constat alarmant : un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction”, a déclaré la première ministre Élisabeth Borne dans un communiqué présentant la Stratégie Nationale Biodiversité 2030 (SNB). En rédaction depuis 2019, ce plan, annoncé ce lundi 27 novembre à Matignon, a pour objectif de “stopper puis [d’]inverser l’effondrement de la biodiversité”.
Les 200 actions rassemblées en 40 mesures de la stratégie s’organisent autour de 4 axes. Les deux premiers se centrent sur les objectifs de la stratégie. Ils prévoient de “réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité” et de “restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible”. Les deux autres s’orientent vers la mise en place des différentes mesures, avec la “mobilisation tous les acteurs” et l’objectif de “garantir les moyens pour atteindre ces ambitions”.
L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et l’association Éco Maires saluent l’arrivée de ce plan dans leurs communiqués respectifs. Éco Maires qualifie ce plan de “volontariste et ambitieux, constitué de plus de 200 mesures opérationnelles et concrètes”. L’UICN quant à elle “souligne l’importance de cet engagement de la France”.
Deux nouvelles mesures très attendues
Cette stratégie pour la biodiversité présente deux nouveaux axes de protection très attendus par les associations. Tout d’abord, la mesure 24 de ce plan consiste à “maintenir et restaurer les prairies permanentes”. En effet, selon l’Office Français de la Biodiversité (OFB), les prairies “rendent de nombreux services – économiques, culturels, environnementaux – tant au niveau de l’exploitation agricole qu’au niveau du territoire”. Ces espaces doivent donc être préservés. La SNB prévoit notamment de “documenter les bénéfices des prairies pour la biodiversité et l’élevage, et les leviers participant à leur maintien au sein de systèmes d’élevage extensifs et résilients afin de les développer”. D’après l’UICN, 50.000 hectares de prairies disparaissent chaque année. Le comité français de l’ONG se réjouit donc de l’annonce de cette mesure.
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Le second axe de protection, également salué par l’UICN, porte sur la lutte contre la pollution sonore sous-marine. Cette nuisance “est une menace importante pour les mammifères marins” selon l’organisation. En conséquence, la SNB prévoit d’engager “une action de réduction de la pollution sonore sous-marine avec les compagnies maritimes et les activités récréatives dans les aires marines protégées”. Par exemple, dans le sanctuaire de Pelagos, en Méditerranée, les “compétitions d’activités nautiques à moteur” seront interdites dès 2024.
De nombreuses mesures pour la protection de la biodiversité
La SNB doit permettre le financement de projets des territoires. Ces projets traitent du diagnostic des enjeux, de la restauration et de la protection des espaces et des espèces. L’une de ces actions consiste en l’inversion de “la charge de la preuve”, explique le ministère. Actuellement, il est nécessaire de prouver qu’une activité est nuisible à l’écosystème pour que celle-ci soit interdite. Avec cette inversion, il existerait une liste d’activités humaines interdites automatiquement dans certaines zones. Il faudra alors démontrer que cette activité “n’a pas d’impact sur le territoire” pour que celle-ci soit autorisée.
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Protection des territoires, lutte contre les pesticides et la pollution plastique, renforcement des écosystèmes… Les mesures de cette stratégie sont nombreuses et variées. Dans sa présentation, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires met, par exemple, en avant leur volonté de réduire de moitié l’utilisation de produits phytosanitaires en France et de placer l’intégralité des glaciers français sous protection forte.
Recenser la biodiversité grâce à l’ADN environnemental
Pour être correctement implémentées, la plupart de ces mesures requièrent un recensement précis de la biodiversité française. Sur ce point, la SNB compte amplifier l’Atlas de la biodiversité communale. Ce projet, porté par l’OFB, permet aux communes de “connaître, préserver et valoriser leur patrimoine naturel”. Après un inventaire et une cartographie des espèces végétales et animales présentes sur le territoire, il s’agit d’intégrer les enjeux de biodiversité dans les démarches d’aménagement et de gestion.
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Dans le cadre de la SNB, cet outil a été amélioré grâce à l’utilisation de l’ADN environnemental. “La différence fondamentale que nous mettons en place c’est l’utilisation de la technologie. Aujourd’hui, l’ADN environnemental détecte des espèces qui ne sont pas détectées par les inventaires naturalistes”, explique le ministère de la Transition écologique. Cette technique consiste à analyser les traces ADN sur les échantillons provenant d’un milieu (eau, sol, fèces…). Les scientifiques sont ensuite capables de déterminer quelles espèces vivent dans ce milieu. Les Éco Maires appuient ce constat. “La préservation de la biodiversité ne peut se faire sans cartographie, sans suivi et sans implication des acteurs locaux. La diffusion plus large de cette démarche de recensement nécessite cependant d’intensifier le soutien financier aux communes pour sa bonne mise en œuvre”, détaille l’association.
Des financements conséquents à poursuivre
L’application de telles mesures nécessite néanmoins des financements importants. Le quatrième axe de cette stratégie, “garantir les moyens d’atteindre ces ambitions” prend également en compte le budget alloué à la SNB. Le gouvernement annonce consacrer “plus d’un milliard d’euros supplémentaires à la protection de la nature et de l’eau dès 2024”. Ce budget tire ses fonds de « lignes budgétaires multiples« . La gouvernement recense le Programme 113 – Paysages, eau et biodiversité (264 millions d’euros), le Fonds vert sur la renaturation et le recyclage des friches pour éviter l’artificialisation (400 millions d’euros) et les agences de l’eau (475 millions d’euros).
Éco Maires et l’UICN s’accordent sur le fait que ce budget représente “un effort louable à poursuivre”. En effet, l’UICN précise que les financements prévus devront être augmentés chaque année. De plus, comme prévu dans la SNB, l’organisation rappelle l’importance de la lutte contre les financements néfastes à la biodiversité. Ceux-ci s’élèveraient à 6 milliards d’euros actuellement.
Un plan ambitieux qui reste à mettre en place
Cette troisième stratégie nationale pour la biodiversité prend donc des objectifs ambitieux. “Pour chacune des 200 actions prévues, il y a un responsable, une administration dans l’État qui est une sorte de chef de projet de cette action en particulier. [Nous avons également créé] des indicateurs très spécifiques qui permettent de savoir si le “projet” visé par cette action a avancé ou pas”, explique le ministère.
Le gouvernement, Éco Maires et l’UICN s’accordent tous sur un autre facteur de réussite. Le déploiement de la SNB “reposera en particulier sur le partenariat entre l’État et les Régions, via leurs stratégies régionales biodiversité et la mobilisation des acteurs territoriaux à travers les COP régionales”, insiste le gouvernement. En effet, des mesures comme le Service civique Jeunes et Nature, le plan “Un arbre, un élève” ou les COP régionales, mobilisent fortement les acteurs nationaux et locaux dans cette stratégie. “La mise en œuvre de cette stratégie, ne pourra se faire sans la pleine collaboration des acteurs de terrain, notamment des élus locaux, en première ligne dans les territoires . Si la SNB fait preuve d’une ambition réelle, soulignons que la crise actuelle appelle à une forte accélération des mesures prises”, conclut Jean-Pierre Bouquet, président d’Éco Maires.