Christophe Béchu a annoncé mercredi 27 septembre que la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique et pour réemploi des bouteilles en verre resteront volontaires. On vous résume cette lutte d’influence qui fait rage pour garder les bouteilles… au centre de tri !

La lutte d’influence sur la consigne pour réemploi du verre et pour recyclage des bouteilles en plastique fait rage depuis 2019. Ce débat a été amplifié ces derniers mois avec l’ultimatum donné par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC). Cette loi demandait au gouvernement de se prononcer en 2023 sur la mise en place ou non de dispositifs de consigne pour recyclage ou réemploi.
Les collectivités locales et la plupart des recycleurs dans le plastique n’en voulaient pas. En revanche, les ONG œuvrant dans la lutte contre la pollution plastique et les entreprises de l’économie sociale et solidaire du réemploi l’attendaient de pied ferme. Finalement, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique vient de donner raison aux premiers. Il n’y aura donc pas de « consigne généralisée au 1er janvier prochain », a-t-il assuré, devant les professionnels de la gestion des déchets aux Assises des Déchets à Nantes ce mercredi 27 septembre.
Pas d’obligation de consigne sur le court terme
En conférence de presse, il a ensuite précisé que cette annonce concernait également la consigne pour réemploi du verre. « On ne fait pas la généralisation et l’obligation », confirme-t-il. La consigne pour réemploi ou pour recyclage se déploieront donc « de façon volontaire ». Cela vient préciser les propos de l’ancienne secrétaire d’État à l’écologie, Bérangère Couillard, de juin 2023. Elle avait annoncé la place d’une consigne sur les emballages en verre pour les produits alimentaires, comme les bouteilles, pots à yaourt et bocaux « d’ici à deux ans ». Il avait alors pu sembler que cette consigne serait généralisée. En effet, la secrétaire d’État avait stipulé que les plus gros distributeurs auraient pour « obligation » de reprendre les emballages consignés. Mais ce ne sera pas le cas. Pour être très clair, Christophe Béchu assure que « la consigne pour le verre n’est pas plus obligatoire que la consigne pour le plastique ».
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Si le ministre reconnaît que beaucoup de pays européens ont mis en place la consigne et qu’ils ont souvent des taux de collecte élevés (14 pays l’ont mise en place), ce ne serait pas l’unique solution pour y arriver. Pour appuyer son propos, il prend comme exemple le cas de la Belgique « qui est à 92% de collecte sans consigne ». Pour autant, le ministre invite à poursuivre les études sur la consigne, « en particulier sur sa potentielle régionalisation ». « Si nous restions en retard […], la question de de sa mise en place se poserait forcément à nouveau », prévient-il.
Onze leviers à la place de la consigne
L’Europe souhaite un taux de collecte de 77% pour les bouteilles en plastique en polyéthylène téléréphtalate (PET) pour 2025. Il s’agit notamment des bouteilles d’eau et de soda classiques. L’objectif s’élève à 90% pour toutes les bouteilles de boisson d’ici 2029 (350.000 tonnes en 2021). Contre 62 % pour ces bouteilles aujourd’hui.
Mais ce taux cache de très fortes disparités très fortes au niveau local. Ces taux de collecte « vont de 40% pour l’Ile-de-France à 82% pour la Bourgogne-Franche-Comté ». Cela signifie donc qu’il y a « des interco[munalités] à 90% et d’autres à moins de 30% ». Pour avoir « des bases comparables des performances des communes » et instaurer un système de bonus – malus, le ministre annonce « lancer des campagnes annuelles de caractérisation des déchets de chaque intercommunalité ».
Plus globalement, le ministre dit préférer l’activation des onze leviers de performance identifiés par l’Ademe dans son rapport « Prospective sur les leviers (hors consigne) d’amélioration des performances de la collecte sélective » publié en juin 2023. L’agence y identifie neuf leviers pour la collecte des bouteilles à domicile et quatre pour la consommation hors-foyer. Citons par exemple l’extension des consignes de tri, le respect du décret 5 flux qui oblige normalement les entreprises à trier leurs déchets, la tarification incitative des déchets et le développement de la collecte hors-foyer.

Des recycleurs et collectivités contre le retour de la consigne pour recyclage
Dès 2019, la fédération des entreprises du recyclage (Federec) et le Cercle national du recyclage (CNR) s’inquiétaient du déploiement de la consigne en vue du recyclage des bouteilles. Celle-ci créerait des circuits parallèles de collecte des bouteilles en plastique en vue de leur recyclage. Dans un communiqué, ils dénonçaient alors déjà « la fausse bonne idée de la consigne ». Et pour cause : les bouteilles en PET constituent la première source de revenus des centres de tri. Ces derniers ont été dimensionnés pour trier les bouteilles. Et ils ont été récemment modernisés ou sont en train de l’être pour trier l’ensemble des emballages plastiques.
Depuis, le mouvement de contestation a pris de l’ampleur. En particulier, depuis le 24 juin 2023, une large coalition d’associations de collectivités locales (Association des maires de France, Intercommunalités de France, Villes de France, Départements de France…) et de recycleurs (Federec, Fnade…) appelaient « le gouvernement à acter le retrait du projet de consigne pour recyclage ». Lors de la concertation menée par le ministère de la Transition écologique, la fédération du commerce et de la distribution leur a apporté son soutien. Celle-ci craignait que la mise en place de grands dispositifs de collecte sur les parkings de supermarché se fasse au détriment d’une partie des commerces de proximité, ajoute Christophe Béchu. Le syndicat des eaux de sources et des eaux minérales naturelles a également montré sa ferme opposition au projet.
Dans la lignée de ses positions, Intercommunalités de France se félicite « de l’abandon du projet de fausse consigne sur les bouteilles en plastique » et « d’avoir enfin été entendue ». L’AMF et les Maires de France saluent aussi cet « abandon ». Les deux associations appellent toutefois à appellent à « une mobilisation de tous les acteurs en faveur d’un plan d’accélération de la prévention, du tri et du recyclage des emballages ».
À l’opposé, une coalition inédite de 13 acteurs réunissant notamment la Fondation Tara Océan, Aluminium France et Boissons rafraîchissantes de France dénoncent un « rendez-vous manqué ». Elles « exhortent l’Etat français à mettre en place un plan clair sur les moyens et la trajectoire des leviers de collecte sélective à activer dès 2024″.