Réunis en commission mixte paritaire, députés et sénateurs se sont entendus sur une version finale du projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Un texte attendu dans un contexte où le nouveau baromètre annuel Observ’ER pointe le retard de la France dans le déploiement des énergies renouvelables.

“La France ne respectera pas ses objectifs à 2023” pour le déploiement des énergies renouvelables électriques. Tel est le constat réalisé par l’Observatoire des énergies renouvelables Observ’ER dans son baromètre annuel. Publié mardi 24 janvier, le document s’appuyant sur les chiffres officiels (d’Enedis et EDF notamment) relève une progression insuffisante du parc d’EnR français en 2022. “La France n’est pas parvenue à respecter les feuilles de route. Surtout pour les deux principales filières que sont l’éolien et le photovoltaïque”, souligne l’étude d’Observ’ER, en charge du suivi du développement des énergies renouvelables dans l’Union européenne.
L’Hexagone est d’ailleurs le mauvais élève européen en ce qui concerne sa consommation d’énergies renouvelables. En 2020, leur part dans la consommation énergétique totale s’élevait à 19,1% selon Eurostat, alors que l’objectif fixé par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) de 2015 était de 23%. Outre-Rhin, l’Allemagne a fait preuve d’une politique plus performante. Ainsi, la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique allemand est passée de 7% à plus de 43% entre 2000 et 2021, selon une étude de l’association allemande des industries de l’énergie et de l’eau (BDEW). La France est par ailleurs le seul pays à ne pas avoir atteint les objectifs européens en matière d’énergies renouvelables.
Un projet de loi pour les énergies renouvelables qui divise
Ce rapport intervient au moment où députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire, ont trouvé un accord sur la version finale du projet de loi d’accélération des procédures administratives. Ce texte est censé faciliter le développement des énergies renouvelables en France. Il vise à respecter les objectifs fixés par Emmanuel Macron pour 2050. En ce qui concerne le photovoltaïque, le président souhaite multiplier par dix la capacité de production. Ainsi, il entend dépasser les 100 gigawatts (GW). Actuellement, la capacité installée en champ photovoltaïque est de 15,8 GW et devrait atteindre 20,1 GW fin 2023. En dépit de l’ambition affichée par le président, Observ’ER estime que ces objectifs semblent inatteignables sans changement majeur. Il révèle que “le secteur n’est toujours pas dans la bonne trajectoire”. L’Observatoire cite comme frein à ce développement les obstacles administratifs, la contrainte spatiale, ou encore l’acceptabilité des nouveaux projets par la population.
C’est pour cette raison que le gouvernement a lancé le projet de loi d’accélération des énergies renouvelables. Les acteurs du secteur accueillent positivement le projet de loi. “Cette loi doit permettre à la France de rattraper son retard eu égard à ses engagements européens. Et ainsi enclencher la dynamique d’ores et déjà prise par les autres pays. Elle permettra d’élargir les perspectives de développement pour le solaire. Notamment en donnant un cadre à l’agrivoltaïsme, en simplifiant les installations solaires situées à proximité des autoroutes et des voies ferrées, ainsi que celles en toiture et les ombrières de parking”, révèle le syndicat de l’Énergie Solaire Renouvelable (Enerplan) qui se veut optimiste. « La filière solaire est prête. Nous considérons qu’un objectif de 4 GW est tout à fait atteignable dès cette année 2023”, confirme Daniel Bour, président d’Enerplan. Toutefois, celui-ci appelle à rester vigilant. “Les objectifs de la loi ne peuvent être atteints que si d’importants moyens humains sont déployés dans les administrations”.
Le secteur de l’éolien souligne l’obligation de résultat nécessaire
Concernant l’éolien, le chef du gouvernement souhaite, d’ici 2050, déployer 50 parcs en mer pour atteindre une capacité totale de 40 GW. Sur ce point, le rapport réalisé en partenariat avec la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et l’Ademe se montre pessimiste. L’Observatoire souligne que “la progression actuelle n’est pas en phase avec le rythme demandé par la programmation pluriannuelle de l’énergie” sur la période 2019-2023, et que l’objectif officiel de 24,1 GW de capacités installées établi pour fin 2023 “ne sera pas atteint”. Le pays parvient en effet à peine à 20 GW à fin septembre 2022.
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Au sujet de la loi d’accélération des énergies renouvelables, l’association France Énergie Éolienne (FEE) “salue le travail parlementaire réalisé à l’Assemblée nationale et au Sénat ». L’association souligne également « l’obligation de résultat nécessaire pour aboutir à une réelle réduction de la consommation d’énergies fossiles, qui représentent encore 65 % du bilan énergétique national”.
Un renforcement du pouvoir de réglementation des conseils municipaux
La FEE salue particulièrement la proposition de mise en place d’une tarification par gisement “qui va inciter l’implantation dans des territoires encore peu dotés”. L’association approuve également la volonté du gouvernement de planifier l’espace maritime. “Celui-ci pourra mobiliser toute l’ingénierie de l’État pour concrétiser l’attribution des 11GW d’éolien en mer d’ici 2027”, explique la FEE.
Autre point fort du texte de loi, les élus locaux seront désormais placés comme coresponsables de la réussite de la transition et de la souveraineté énergétique, mais aussi de la sécurité d’approvisionnement de la France. “Il en va de l’intérêt général de réussir la mise en œuvre des mesures inscrites dans la loi, explique Anne-Catherine de Tourtier, présidente de France Energie Eolienne. En affirmant la co-responsabilité des élus locaux en matière de sécurité d’approvisionnement et de souveraineté, cette loi esquisse un modèle français de développement des énergies renouvelables. Ce modèle n’a pas d’autre choix que de réussir pour éviter des difficultés économiques et sociales majeures. La pénurie d’électricité a déjà coûté 0,4 points de PIB à la France en 2022 selon l’INSEE ».
Un contexte qui a impulsé ce texte de loi
Le contexte énergétique actuel a contribué à impulser cette dynamique, comme l’explique Pascal Sokoloff, directeur général de la FNCCR. “La crise de l’approvisionnement en électricité a été exacerbée par le conflit à l’est de l’Europe. Celle-ci a permis une prise de conscience générale du besoin d’indépendance énergétique nationale”, explique-t-il. Il reproche tout de même le “fossé entre les ambitions affichées [par le gouvernement] et la réalité du terrain” démontré par cette nouvelle édition de l’Observatoire.
Jules Nyssen, président du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER) s’est également exprimé au sujet du projet de loi. “Les EnR sont incontournables pour répondre aux défis auxquels la France doit faire face d’ici 2035. Il faut renforcer notre sécurité d’approvisionnement, notre compétitivité et notre résilience climatique. Il faut pour cela remplacer les énergies fossiles que nous continuons d’importer chaque jour. Ce projet de loi est une première étape importante, mais ce n’est qu’une étape”. La prochaine ? Le texte doit faire l’objet d’un vote devant les deux chambres du Parlement, avant d’être définitivement adopté.