L’AG 2023 de BNP Paribas se tiendra le 16 mai 2023. Alors que la Banque est la cible d’ONG écologistes depuis plusieurs semaines, elle annonce son désinvestissement de nouveaux champs pétroliers et gaziers. Cela est « une première marche », qui reste largement insuffisante, tranchent les ONG qui ont assigné la banque en justice en février dernier.
Alors que BNP Paribas tient son assemblée générale le mardi 16 mai 2023, la pression monte. Ces dernières semaines, Extinction Rebellion et d’autres organisations écologistes organisent des actions pour exiger l’arrêt du financement des énergies fossiles par la banque. Ce mercredi 10 mai, des dizaines de membres de l’ONG Scientifiques en Rébellion ont dénoncé, à leur tour, ce financement, dans dix villes de France.
C’est dans ce contexte que, ce jeudi 11 mai, BNP Paribas annonce cesser le financement à tout nouveau projet fossile. Dans un communiqué, la banque dévoile les modalités de mise en œuvre de son désengagement des activités d’exploration-production pétrolière et gazière annoncé le 24 janvier dernier. Bien que le groupe voit dans cette décision une avancée notoire, celle-ci peine, pourtant, à convaicre les militants écologistes.
Quels sont les engagements de BNP Paribas ?
« BNP Paribas n’accorde plus de financements dédiés au développement de nouveaux champs pétroliers ou gaziers, quelles que soient les modalités de financement », assure la banque. Autrement dit, elle ne financera plus directement ces projets. Cela dit, BNP Paribas pourra toutefois continuer à financer les entreprises qui les portent. D’ici 2030, l’objectif de réduction des financements de BNP Paribas est de 80% pour l’exploration-production pétrolière, 30% pour l’exploration-production gazière par rapport à fin septembre 2022.
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Voilà pourquoi ces annonces sont loin de convaincre les ONG écologistes. Et ce mécontentement ne date pas d’aujourd’hui. Le 23 février dernier, Oxfam France, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à tous avaient assigné en justice la banque pour non respect de son devoir de vigilance climatique, dans ce qu’elles nomment « L’affaire BNP Paribas, le procès d’un monde qui change ». Aujourd’hui encore, ces associations ont une exigence claire : que la banque renonce à tout soutien, direct et indirect, à l’expansion de toutes les énergies fossiles.
Dans un communiqué commun, les trois ONG de « L’Affaire BNP » qualifient le nouvel engagement de BNP Paribas « petit pas » qui « ne répond toujours pas au consensus scientifique ». En particulier, elles soulignent que l’annonce exclut uniquement les financements « directs » ou « dédiés » des projets, mais pas les entreprises qui les portent. Ainsi, BNP Paribas pourra continuer de faire des prêts, émettre de nouvelles obligations ou gérer le portefeuille d’entreprises comme TotalEnergies, qui développent de nouveaux champs d’énergies fossiles.
Quels sont les financements dénoncés ?
Dans son communiqué, BNP Paribas annonce un « arrêt programmé des financements consentis aux acteurs non diversifiés de l’exploration-production pétrolière ». Il ne s’agit donc pas d’un arrêt immédiat (la date d’effet n’est pas communiquée). Et la banque n’exclut pas non plus le financement des majors pétrolières et gazières dont l’activité est diversifiée.
Selon le rapport Banking on Climate Chaos, publié par plusieurs ONG en avril 2023, BNP Paribas a investi, entre 2016 et 2022, 166 milliards de dollars dans les énergies fossiles au niveau mondial, dont 64,2 milliards de financements aux entreprises développant les énergies fossiles. Cela la place au onzième rang mondial des banques qui financent le plus le secteur du charbon, du pétrole et du gaz. Sur la même période, il s’agit du quatrième plus grand soutien mondial à l’expansion fossile, le premier au niveau européen. « Non seulement BNP Paribas demeure la première banque européenne à financer l’expansion des énergies fossiles, mais c’est aussi la deuxième financeuse de grandes majors pétrolières et gazières, la première banque à financer Shell, Eni, BP et aussi le deuxième banquier de TotalEnergies », résume Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance.
En avril 2021, BNP Paribas a rejoint la Net Zero Banking Alliance (NZBA). Ce programme lancé par les Nations unies incite les banques à participer à la sortie des énergies fossiles. Cela ne l’a pas empêchée ensuite d’accorder, aux côtés d’autres banques, des prêts à Saudi Aramco, la société ayant les plus grands projets d’expansion pétrolière, et à TotalEnergies, rappelle Scientifiques en Rébellion. Selon Reclaim Finance, BNP Paribas a aussi aidé BP à émettre une obligation d’une valeur de 2,5 milliards de dollars le 9 février et a participé à l’émission d’un ensemble d’obligations d’une valeur totale de 4,5 milliards de dollars le 23 février pour Saudi Aramco. « L’engagement d’aujourd’hui n’aurait pas empêché BNP Paribas de participer à ses financements récents et de plusieurs milliards pour les géants BP et Saudi Aramco », réagit Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France, dans le communiqué des associations.
« Une politique à deux vitesses entre pétrole et gaz »
Les ONG dénoncent « une politique à deux vitesses entre pétrole et gaz ». En effet, BNP Paribas a explicité en janvier dernier son intention de « réserver ses financements dans le secteur gazier prioritairement aux centrales thermiques de nouvelle génération à bas taux d’émission ainsi qu’à la sécurité d’approvisionnement, terminaux gaziers et flotte de transport de gaz ».
Pourtant, l’agence internationale de l’énergie (AIE) souligne bien l’urgence qu’il y a à réduire la production pétrolière et gazière, et d’éviter tout nouveau projet d’énergie fossile. « Cela fait maintenant deux ans que l’agence internationale de l’énergie a projeté l’arrêt du développement de nouveaux projets de production pétrolière et gazière dans son scénario visant une limitation du réchauffement à 1,5°C, rappelle Lucie Pinson. Malgré la guerre en Ukraine, l’AIE a réitéré ce message dans son second scénario NZE, publié en octobre 2022. En plus, ce scénario projette l’arrêt de nouveaux terminaux méthaniers, d’importation ou d’exportation de gaz naturel liquéfié. »
Le 24 février 2023, 600 scientifiques, dont plusieurs co-auteurs des rapports du GIEC, ont publié une lettre ouverte dans L’Obs adressée au Conseil d’administration de BNP Paribas, en soutien à l’assignation en justice des ONG. Elle appelait « solennellement » les membres du conseil d’administration qui se sont engagés publiquement pour la sauvegarde de l’environnement et la défense des droits humains à demander au conseil d’administration qu’il « cesse de soutenir directement ou indirectement toute ouverture de nouveaux gisements d’énergies fossiles, et à en démissionner si cette mesure n’était pas adoptée ».