Depuis février, les automobilistes de passage par l’avenue Pasteur à Montreuil (93) ne se garent plus sur du bitume sur le bas côté. Désormais, les véhicules sont accueillis par de la grave (des cailloux fins), ou du gazon. Il s’agit d’une expérimentation menée par la mairie de l’Est parisien, pour favoriser l’écoulement de l’eau jusque dans les nappes phréatiques.

Que se passe-t-il avenue Pasteur, dans la ville de Montreuil, située à l’Est de Paris ? La trentaine de places de parking de l’avenue ont perdu leur revêtement de béton noir, au profit de gazon stabilisé et de grave claire (cailloux concassés). Il s’agit d’une phase de test pour végétaliser les zones de stationnement, initiative qui fait la fierté du maire Patrice Bessac (Parti communiste français).
“L’idée est toute simple : permettre à l’eau de pénétrer dans le sol et ainsi de nourrir les nappes phréatiques et les arbres alentour. Cela permet l’évolution vers des espaces publics plus soutenables pour le cycle de l’eau, moins réverbérants lors des chaleurs fortes et meilleurs pour la végétation environnante” présente l’élu à travers une publication sur les réseaux sociaux. Plus qu’esthétique, l’idée aurait donc une visée écologique. Pourtant, elle ne fait pas l’unanimité.
Bien que certains saluent l’initiative, d’autres s’en inquiètent. “Sur le principe c’est une bonne idée, mais les fuites de fluides de véhicules, huiles, essence, liquide en tous genres, tout ça va aussi atteindre la nappe phréatique avec l’eau et la polluer ?”, s’interroge une mère de famille montreuilloise. “Végétaliser d’aussi petits espaces, ça ne fera aucune différence…”, soupire un retraité. En commentaire sur la publication du maire, chacun y va également de son avis. “L’idée de récupérer les eaux pluviales est très bénéfique mais ce procédé n’est pas adapté. L’infiltration de l’eau détruira la chaussée” peut-on par exemple lire. Alors, débitumer les places de parking, bonne idée pour l’environnement ou fausse solution ?
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L’artificialisation des sols, cause du changement climatique
En France, 20.000 à 30.000 hectares sont artificialisés chaque année. Selon une étude publiée en 2019 par France Stratégie, au vu des tendances actuelles, 280.000 hectares de terres seraient artificialisés d’ici 2030, soit plus que la superficie du Luxembourg. “L’artificialisation des sols est aujourd’hui l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité”, assure le ministère de la Transition écologique.
Amandine Erktan est écologue du sol à l’institut de recherche pour le développement de Marseille. “L’artificialisation des sols est un des problèmes majeurs et c’est une question qu’il faut se poser. Donc pourquoi pas les parkings. Ce sont des zones qui prennent beaucoup de place, explique-t-elle au sujet des places débitumées à Montreuil. Cette initiative a plusieurs avantages. Tout d’abord, débitumer ces espaces permettra à l’eau de pluie d’être absorbée, évitant ainsi les inondations. Dans le cas des places recouvertes de pelouse, cela va aussi permettre un apport de matières organiques. Cela permettra aussi à la biodiversité de s’y développer. Le retrait du béton permettra aussi de réduire les températures l’été. Le sol aura ainsi une réserve en eau “verte”. Il s’agit de l’eau stockée dans les sols, assurant sa bonne humidification pour le développement des végétaux et micro-organismes. Elle empêchera les îlots de chaleur de se former”.
Toutefois, l’écologue du sol confirme le risque potentiel de cette solution. “Certaines fuites des véhicules pourraient polluer les sols. C’est le seul problème potentiel que j’imagine, reconnaît-elle. Mais vous savez, un sol recouvert de goudron est un sol mort et ce n’est pas plus avantageux pour l’environnement”.
Rendez-vous dans trois mois pour le bilan de l’expérimentation
Cette solution est aussi économique pour la municipalité. “Une place en goudron c’est environ 15.000 euros, annonce la mairie de Montreuil. Là, qu’elle soit en grave où en gazon, une place coûte deux fois moins cher, environ 7.000 euros”. La phase d’expérimentation, qui doit durer deux à trois mois, vise à voir comment ces matériaux résistent à l’épreuve de la ville. “On va voir si le projet est viable, s’il n’est pas trop compliqué en terme d’entretien, si ça ne crée pas des ornières…”, explique la mairie.
Si la ville valide l’expérimentation, elle étendra ce revêtement à d’autres places de stationnement et parkings de la ville. “On réfléchit aussi à produire nous même les matériaux de ces places afin de diviser de nouveau le coût financier et environnemental de cette technique”, précise la mairie. Le maire promet de présenter d’ici quelque mois un bilan de ces expérimentations.