Le Grand Défi des entreprises pour la planète dévoile ses 100 propositions pour enclencher la bascule écologique des entreprises françaises. Comment transformer les entreprises et les préparer au « tsunami » à venir des règlementations environnementales ? Trois propositions s’attaquent notamment à la comptabilité et au partage de la valeur créée afin de replacer l’entreprise « au service de l’intérêt général », selon les cofondateurs du mouvement.

L’urgence écologique et climatique impose une transformation en profondeur du monde et de l’entreprise. Alors que TotalEnergies a annoncé le 8 février un bénéfice net de 19,5 milliards d’euros en 2022, le Grand Défi des entreprises pour la planète a dévoilé ce jeudi 9 février ses 100 propositions. L’objectif de cette association qui a travaillé pendant un an? Que les entreprises répondent au défi écologique, climatique et social, de sorte que leurs activités rentrent dans les limites planétaires.
Une « convention citoyenne pour les entreprises »
Suite aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat, Virginie Raisson-Victor, géopolitologue et prospectiviste et Jérôme Cohen, président fondateur d’Engage ont été frappés par l’écart existant entre ces propositions et la prise de conscience de l’urgence écologique par les chefs d’entreprises. « Il faudrait faire une convention citoyenne pour les entreprises parce que sinon, j’ai peur qu’ils ne s’emparent jamais des mesures qui ont été proposées », a alors soufflé Virginie Raisson-Victor à Jérôme Cohen.
L’idée lui a plu. « Nous avons tiré au sort 120.000 entreprises, puis retenu 100 délégués. Parmi eux : des dirigeants, des salariés et des actionnaires », résume Jérôme Cohen. Ils développeraient des « propositions applicables pour toutes les entreprises afin de transformer l’économie », se rappelle-t-il.
Une démarche qui veut faire la différence
Le Grand défi des entreprises pour la planète espère faire un maximum de bruit et enclencher une vraie bascule du monde économique. « Nous ne voulons absolument pas avoir un simple livre blanc dont les propositions dormiraient dans un placard, martèle Jérôme Cohen.Pour éviter cet écueil, nous avons impliqué le maximum d’acteurs, notamment des entreprises et réseaux d’entreprises, afin qu’ils reprennent un maximum de nos propositions et servent de caisse de résonance. » Au total, une centaine de partenaires prennent part à l’aventure.
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Pour que les entreprises s’emparent des propositions et être à la hauteur du défi, il fallait les impliquer au maximum. Virginie Raisson-Victor l’assure : « Ce sont des propositions transformantes de l’économie définies et votées par des entreprises. Elles replacent l’entreprise là où elle était avant sa financiarisation, c’est-à-dire qu’elle redevient un acteur de l’intérêt général. Dans le cadre du Grand Défi, on parle d’ailleurs plus de prospérité économique, humaniste et régénérative que de croissance verte. À partir du moment où on préserve et régénère le capital écologique, l’entreprise pourra s’inscrire dans la longue durée. »
Miser sur les bons exemples pour impliquer au maximum
Le Grand Défi reprend à son compte des propositions structurantes qui rencontrent pourtant pas mal de résistances sur le terrain. Une proposition vise par exemple à affecter 10% du résultat net de l’entreprise à un fonds de réserve écologique non distribuable. Il serait destiné à financer sa transition écologique. « Un certain nombre de mesures sont déjà en place ici ou là : l’idée est de s’appuyer sur ce qui existe pour montrer que c’est possible », partage Virginie Raisson-Victor.
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Une autre proposition vise à développer la comptabilité triple capital à l’horizon 2030. Autrement dit, la comptabilité prendrait aussi en compte la performance sociale et environnementale de l’entreprise. Ce changement profond permettrait de dépasser les intérêts liés à la seule performance économique. Une troisième veut faire évoluer les pratiques de versement des dividendes pour intégrer les performances extra-financières. La part des bénéfices ainsi attribuée à chaque actionnaire serait conditionnée à l’atteinte d’objectifs liés à cette triple performance. Le Grand Défi se donne pour objectif que la moitié des entreprises de taille intermédiaire et des grands groupes prennent en compte des objectifs environnementaux d’ici 2025 lors du versement des dividendes à leurs actionnaires.
Se préparer au « tsunami » qui vient
Au-delà des propositions de transformation internes, le Grand Défi veut s’attaquer à la compétitivité des produits et services moins polluants. Entre autres, il propose de baisser le taux de TVA pour les produits dotés d’un bon score environnemental et souhaiterait généraliser le « passeport produit » à partir de 2025 pour les ventes entre entreprises et à partir de 2030 pour les ventes à destination du grand public. Ce passeport exigerait sur l’emballage l’affichage de « la composition, provenance et zone de fabrication des 5 composants principaux » et indiquerait « les substances chimiques dangereuses ». La totalité des infos seraient accessibles en lignes pour tous les produits.
Ces propositions de bascule ne feraient qu’anticiper un éventail législatif en préparation. Virginie Raisson-Victor en est convaincue : « Beaucoup de dirigeants n’ont pas encore conscience de ce qui se prépare au niveau législatif, que cela soit la directive CSRD [sur le reporting de durabilité des sociétés, ndlr], le devoir de vigilance et d’autres textes sur les questions environnementales. C’est un véritable tsunami qui arrive sur les entreprises. Finalement, un certain nombre de propositions du Grand Défi ne sont en fait que des mesures d’anticipation. La réalité les rendra dépassées d’ici quelques années . »