La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (aussi appelée pêche INN) a pris ces dernières années des proportions immenses. Au sommet de l’ONU sur l’océan (Unoc-3) à Nice, la France veut se présenter comme le leader mondial de la lutte contre ce phénomène.

« Je n’ai pas peur de le dire, la pêche illégale tue. » La ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher ne mâche pas ses mots pour parler de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). La France est particulièrement touchée aux larges des côtes guyanaises, mais également dans les mers de France hexagonale. À l’occasion du sommet sur l’océan à Nice, elle organise un sommet des organisations régionales de gestion des pêches pour renforcer la lutte contre la pêche illégale, en mobilisant le droit international et européen. Retour en cinq chiffres sur un phénomène qui détruit les écosystèmes, alors que 800 millions de personnes dépendent de la pêche comme moyen de subsistance.
1 poisson sur 5 pêché illégalement
Environ 15 % des prises mondiales seraient illégales, selon un rapport spécial de la Cour des comptes européenne. Cela représente 26 millions de tonnes sur les 106 pêchées chaque année. C’est plus de sept fois plus que les prises françaises.
« En agissant contre cette menace, nous protégeons l’Océan dont dépend la survie de notre planète et de l’humanité », explique Sophie Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la mer. Cette pression n’est pas uniquement le fait de bateaux « pirates » ou sans pavillon. Ce peut être par exemple des personnes qui ne respectent pas les normes de pêche dans un secteur, et qui surpêchent des espèces sans le déclarer.
11 à 23 milliards d’euros dans le monde
C’est le préjudice économique entraîné par la pêche illégale au niveau mondial. Des sommes d’argent colossales qui alimentent les réseaux criminels, corrompent les gouvernements et permettent des phénomènes d’esclavage moderne, avertit la Fondation de la mer. Dans son rapport sur la pêche illégale, elle décrit des exemples flagrants de « crimes organisés », qui alimentent un « cycle de destructions environnementales et d’exploitations humaines ».
Afin de dissimuler leurs traces, ces réseaux développent des techniques de plus en plus complexes, comme celle du « blanchiment de poisson ». Ils profitent du transbordement, une pratique légale qui consiste à transférer les prises d’un bateau à un autre afin de rester plus longtemps en mer, pour rendre compliquée la traçabilité des cargaisons.
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82 pays signataires d’un accord international
L’accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (PSMA) est le seul accord international contraignant en matière de gestion des pêches. Entré en vigueur en 2016, il compte 82 pays signataires, dont la France au titre de ses territoires d’Outre-mer. Son objectif est d’empêcher les navires de pêche INN d’utiliser les ports d’autres États que ceux de leurs pavillons et d’y débarquer leurs captures.
La Chine a récemment rejoint ce traité. Un pas en avant même si le premier pays pêcheur au monde, avec 564 000 navires et environ 15 % de la pêche mondiale, continue à jouer avec ses propres règles. Une étude du Parlement européen publiée en décembre 2022 et de nombreuses enquêtes journalistiques montrent comment le géant asiatique participe activement à la pêche illégale.
En Guyane, la pêche illégale multipliée par deux en douze ans
En Guyane française, la pêche illégale a doublé en douze ans, selon un rapport co-rédigé en 2024 par l’Ifremer, le comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Guyane et WWF France. Des navires en provenance des pays voisins comme le Brésil, le Suriname et le Guyana viennent cibler les eaux françaises qui regorgent de populations de poissons en bonne santé. En moyenne, 54 bateaux étrangers illégaux pêchent chaque jour au large de la Guyane française, contre 20 bateaux français légaux.
Pour lutter contre ce phénomène, le Code rural et de la pêche maritime a été modifié le 26 mai 2025 par le Comité interministériel de la Mer. Il permet maintenant de faciliter la destruction des bateaux saisis pour pêche illégale. Une mesure dissuasive utilisée notamment par l’Indonésie, un des pays les plus touchés par le phénomène.
4 692 contrôles
En 2024, les autorités françaises ont mené 2 229 contrôles en mer et 2 463 contrôles au débarquement, selon le Bureau de contrôle des pêches. Dans environ 15 % des cas, une infraction a été relevée. La Zone économique exclusive très étendue de la France, la deuxième plus importante au monde après celle des États-Unis, rend toutefois extrêmement compliqué un contrôle total de ces espaces.