La construction de l’autoroute Toulouse-Castres se poursuit. Suite à la réunion du 13 octobre, le gouvernement a décidé de poursuivre le chantier de l’A69. Ce projet est pourtant fortement décrié par les scientifiques. Près de 1.900 d’entre eux, à l’initiative du collectif Scientifiques en rébellion, ont signé, ce 4 octobre, une lettre ouverte s’opposant au projet.
C’est officiel, le gouvernement a décidé de poursuivre la construction de l’A69. Ce vendredi 13 octobre, le ministre délégué chargé des transports, les élus du territoire, les associations environnementales et les représentants du monde économique s’étaient réunis pour discuter de la poursuite du chantier. Avec ses 53 km, le projet d’autoroute reliant Toulouse à Castres (A69) vise selon les élus locaux à « désenclaver » le sud du Tarn. Plusieurs associations écologistes et de nombreux scientifiques décrient ce projet depuis son commencement.
Dès le 24 septembre, les plus de 200 scientifiques membres de l’Atécopol (Atelier d’Ecologie Politique de Toulouse) avaient détaillé les raisons de leur opposition à ce projet. “Dans ce collectif à l’expertise reconnue, pas un·e seul·e membre n’est favorable à la construction de l’autoroute A69. Pas un. Pas une. Il s’agit d’un rejet unanime”, introduit leur tribune. Dans une lettre ouverte, publiée le 4 octobre dans l’Obs, près de 1.900 scientifiques ont une nouvelle fois fait entendre leur opposition, à l’initiative du collectif Scientifiques en rébellion. Parmi eux, plusieurs auteurs du GIEC, membres du Haut Conseil pour le Climat et de l’Académie des Sciences, dont Valérie Masson-Delmotte. Voici les quatre principaux arguments scientifiques à retenir.
N°1 – Il y aura plus de voitures pour un gain de temps pratiquement inexistant
L’ouverture d’une nouvelle autoroute constitue une invitation à ce que davantage de voitures individuelles circulent. En plus, une vitesse plus élevée que sur l’actuelle nationale N126, engendrera plus d’émissions entre les deux villes. Les scientifiques soulignent que ces deux conséquences vont à l’encontre des mesures nécessaires pour atteindre les objectifs de l’ Accord de Paris et de la planification écologique.
Lire aussi : Planification écologique : transports, énergie, industrie… que retenir ?
Les scientifiques le rappellent : sur les autoroutes, “l’heure est à la réduction de la vitesse”. Plutôt que de construire une nouvelle autoroute, ils invitent le gouvernement à limiter la vitesse maximale sur autoroute à 110 km/h, comme le proposait la Convention citoyenne pour le climat. Cette mesure de sobriété est la plus efficace selon l’association négawatt pour réduire la consommation de carburant des voitures et les émissions de gaz à effet de serre associées.
Cette mesure de sobriété « ferait perdre de facto l’intérêt en gain de temps de l’A69″, dénonce la tribune parue dans l’Obs. En effet, l’un des principaux arguments soutenant la construction de l’A69 est le gain de temps engendré. Au total, vingt minutes sur un trajet d’1h30. “Du point de vue de l’intérêt – par ailleurs très discutable – du temps de trajet diminué, une éventuelle limitation des vitesses sur l’autoroute ferait perdre tout bénéfice à ce nouvel aménagement”, détaille l’Acétopol.
N°2 – L’A69 va davantage polariser les territoires
Les deux collectifs se basent également sur les recherches dans les domaines de la géographie, de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire de ces quarante dernières années. Celles-ci montrent que le lien entre l’arrivée de nouvelles infrastructures autoroutières et le développement des territoires qu’elles traversent n’est pas automatique. Les conséquences peuvent même parfois être négatifs.
“Les infrastructures autoroutières, en exacerbant la compétition entre territoires, ont surtout pour effet d’amplifier les dynamiques existantes, ces dernières dépendant plus des projets de territoire que des infrastructures elles-mêmes”, précise l’Atécopol. Contrairement à ce que promet le projet de construction, l’A69 ne serait donc pas une opportunité de désenclavement pour Castres. L’autoroute deviendrait plutôt un soutien au développement de la métropole toulousaine et accentuerait la polarisation du territoire.
N°3 – La priorité doit être au développement des transports en communs
En voiture thermique, le trajet Toulouse-Castres émet trois fois plus de CO2 qu’en TER et huit fois plus qu’en car. Si la ligne ferroviaire existante entre les deux villes était électrifiée, un voyage en train émettrait 25 fois moins de CO2 qu’à bord d’un véhicule thermique. “Réduire les émissions de gaz à effet de serre françaises au rythme prévu sera difficile, et développer le transport routier même électrique va à l’encontre de ces objectifs” rappelle la tribune lancée par Scientifiques en rébellion.
Lire aussi : Décarbonation : des médailles pour afficher son ambition
Le collectif Acétopol, composé de scientifiques de la région toulousaine signale le manque de transports en commun sur ce trajet. “En tant qu’habitant·es de la région toulousaine, nous vivons quotidiennement les insuffisances du réseau de transport en commun régional : autocars complets, trains régulièrement annulés et insuffisants” témoigne-t-il. Le développement du réseau de transports en commun entre Toulouse et Castres est donc préférable et nécessaire selon les scientifiques.
N°4 – Les atteintes à la biodiversité ne peuvent pas être compensées
Même en admettant que “cette autoroute ait un quelconque effet sur la croissance économique de Castres”, ce qui n’est pas garantit par les études, les scientifiques estiment “que cela ne justifie pas les pertes de terres agricoles, l’artificialisation d’espaces sauvages, les dommages sur la santé des populations induits par les centrales à enrobés, les expropriations, les dizaines de milliers de tonnes de CO2 qui seront émises au cours de la construction et les milliers par an supplémentaires lors de l’utilisation”.
La compensation environnementale, présentée comme un moyen d’effacer les répercussions négatives du projet, ne convainc pas les deux collectifs. “Le principe même de la compensation écologique est largement contesté dans la littérature scientifique. Notamment parce que des arbres centenaires et des écosystèmes ne sont pas remplaçables par des plantations plus jeunes ou par la protection d’autres zones”, explique la tribune lancée par Scientifiques en rébellion.
Lire aussi : Préserver ou détruire la nature ? La grande complexité de la compensation carbone
Malgré la décision du gouvernement, les manifestations contre ce projet continuent. L’association La voie est libre organise par exemple un week-end de mobilisation les 21 et 22 octobre. Avec son « Ramdam sur le Macadam », elle demande à ce que le chantier soit “suspendu le temps d’une expertise indépendante et d’une consultation populaire”.