La militante Lamya Essemlali, à la tête de l’antenne française de Sea Shepherd, l’organisation écologiste radicale fondée par le « pirate » Paul Watson, nous parle son parcours et des projets de l’association. Entretien.
Ces derniers mois, Sea Sheperd a été au cœur de l’actualité. En septembre, l’association était à la manœuvre du sauvetage d’un rorqual en Bretagne, qui a malheureusement échoué. Toujours en septembre, l’ONG était l’une des associations récompensée par le Z Event, un évènement caritatif majeur de streamers français.
Risquer sa vie pour préserver les océans et les espèces qui y vivent, telle est la quête de la « pirate » Lamya Essemlali de l’ONG Sea Shepherd. Fondatrice et présidente de l’antenne française depuis 2006, elle nous raconte son parcours au sein de l’association et ses futurs projets.
Natura Sciences : Comment avez-vous intégré Sea Shepherd ?
Lamya Essemlali : J’ai intégré Sea Shepherd suite à ma rencontre avec le capitaine Paul Watson (fondateur de Sea Shepherd Conservation Society, NDLR). Il était de passage à Paris en janvier 2005, pour une conférence de l’association. Nous n’étions qu’une trentaine dans la salle mais cette conférence à été un déclic pour moi. Je savais que c’était la seule ONG qui s’interposait entre les baleiniers et les baleines. J’ai tout de suite aimé le discours et le mode opératoire de cette association. Je voulais lutter face à l’impunité qui sévit en mer.
Comment êtes-vous devenue présidente de l’antenne française ?
Dans un premier temps, j’ai réalisé ma première mission en juillet 2005, dans l’archipel des Galápagos. Et puis je suis allée l’hiver suivant en Antarctique. Ensuite les choses se sont accélérées : en 2006, j’ai créé l’antenne française. De fil en aiguille, on a monté une équipe. Nous participions d’abord aux campagnes internationales, puis nous avons travaillé sur nos propres campagnes en France.
En janvier prochain, cela fera 18 ans que je suis ici et l’antenne française est devenue un pilier de Sea Shepherd. Je n’imaginais pas cela dans le paysage associatif français, car au début nous n’étions pas nombreux à défendre ces causes à la différence des pays anglo-saxons. Aujourd’hui nos actions sont importantes pour les Français. Notre pays est la deuxième surface maritime mondiale. Nous avons 11 millions de km2 sous notre juridiction. En termes de protection des océans, la France est une pierre angulaire.
Lire aussi : L’ONU déclare un « État d’urgence des océans »
Pour s’investir dans Sea Sheperd, faut-il être prêt à risquer sa vie ?
Il faut s’y résoudre si vous voulez rejoindre les missions de terrain. Sur le terrain, il est vrai qu’on peut se retrouver face à des gens qui n’ont pas de scrupules, pas de limites. Donc la notion de risque existe, elle est réelle. Il faut l’avoir en tête, et ce n’est pas forcément pour tout le monde. Il faut s’engager en connaissance de cause.
Mais il n’y a pas de hiérarchie dans l’engagement.Il y a plusieurs façons de rejoindre Sea Shepherd, sans obligatoirement partir en mer. Il est possible de s’investir près de chez soi. De nombreuses personnes s’investissent en mettant leurs savoir-faire à disposition de l’organisation.
Partir en mission est-il un sacrifice pour sa vie personnelle ?
En missions, nous sommes parfois au milieu des icebergs, en pleine nature. La vie devient soudainement plus intense. Oui nous sommes loin de notre famille, mais l’expérience nous le rend au centuple. Ce sont des expériences de vie qui n’ont pas de prix. En plus de cela, le fait qu’on soit prêt à risquer nos vies pour les océans interroge et fait que les projecteurs sont braqués sur la cause. Protéger les océans ne peut être perçu comme un sacrifice.
Quelles sont aujourd’hui vos relations avec Paul Watson ?
Paul a démissionné de l’antenne américaine. Selon lui, la direction que prenait Sea Shepherd ne lui convenait pas. Nous étions en train de nous éloigner des actions sur le terrain. Pourtant les actions fortes en mer sont la marque de fabrique de notre association et nous devons conserver cette spécificité. Sea Shepherd a destitué Paul Watson. Je suis la seule à avoir voté contre sa destitution. Ensuite, on l’a invité à rejoindre le conseil d’administration de Sea Shepherd France. Puis il a fondé sa fondation, avec laquelle Sea Shepherd va travailler.
Ce que je peux vous dire c’est qu’il y aura une évolution dans la façon dont Sea Shepherd est organisée. Dans les mois qui viennent il y aura une évolution sur laquelle je ne peux pas m’exprimer aujourd’hui. Mais ce que nous voulons c’est préserver notre originalité et nos actions sur le terrain. C’est ce qui fait de nous quelque chose d’unique, et qui inspire les gens.
Revenons sur l’actualité récente de votre association et sur le Z Event. Comment avez-vous vécu l’événement ?
Pour être honnête je ne connaissais pas du tout le Z Event avant. Mon équipe m’a parlé de la polémique de la Fondation GoodPlanet et voulait absolument participer à l’événement. En me renseignant je trouvais l’idée géniale. Je savais que l’année dernière les streamers avaient récolté 10 millions d’euros. Cette année ils ont fait mieux, un record, qui plus est pour l’environnement. (10.182.126 millions, NDLR). Cela a été intense, nous avons pu présenter l’association à un autre public. Je n’avais pas d’angoisse sur la réussite ou non de l’évènement, car pour moi la cause de l’écologie est tellement importante. Mon entourage est également très investi alors pour moi ce Z Event ne pouvait que bien se passer.
Quels sont les projets de l’association avec l’argent récolté ?
Dans un premier temps, j’aimerais rappeler que l’idée était de diviser les gains en cinq associations, puis en quatre puisque Time For The Planet a dû se retirer car l’entreprise n’avait pas le statut d’association. Nous voulions absolument un nouveau bateau pour l’antenne française et nous l’avons trouvé. Sur les 2,5 millions d’euros récoltés lors du Z Event, 1,2 million iront dans ce nouveau bateau.
Il nous fallait un bateau plus grand, de taille intermédiaire, pour aller près des côtes et faire de la surveillance des pêches. Nous pourrons aussi nous rapprocher des gros navire-usine. Ce bateau, d’une fabrication finlandaise, pourra commencer ses premières missions avant l’été prochain avec à son bord 10 personnes. Jusqu’à maintenant nous ne pouvions être qu’à cinq maximum sur nos petits bateaux.
Cet argent doit aussi nous permettre de mener à bien un nouveau projet. Il s’agira du premier centre de soins pour animaux marins de Sea Shepherd. Le coût de ce projet est estimé à 600.000 euros. Nous ferons des annonces à ce propos dans les prochains mois.
Propos recueillis par Léo Sanmarty