Depuis 2010, la forêt amazonienne rejette plus de CO2 qu’elle n’en absorbe. Un triste basculement mis en évidence dans la revue Nature Climate Change par une équipe internationale.
« C’est la première fois qu’on a des chiffres qui montrent qu’on a basculé et que l’Amazonie brésilienne est émettrice” nette de carbone, explique Jean-Pierre Wigneron, l’un des auteurs de l’étude parue dans la revue Nature Climate Change. Pour l’instant, a priori, « les autres pays compensent les pertes de l’Amazonie brésilienne » et ainsi « l’ensemble de l’Amazonie n’a pas encore basculé, mais elle pourrait le faire bientôt », poursuit-il. La forêt amazonienne représente la moitié des forêts tropicales de la planète et l’Amazonie brésilienne représente 60% de cette forêt primaire.
Les chercheurs ont sondé l’ensemble de la végétation sur toute sa hauteur et non uniquement la canopée. Des dégradations de la forêt – arbres fragilisés, coupes sélectives, petits incendies, etc. – ont contribué à 73% des pertes de carbone, contre 27% pour la déforestation, pourtant de grande ampleur. Résultat : entre 2010 et 2019, les pertes globales de carbone en Amazonie sont environ 18% supérieures aux gains, nous apprend l’Inrae.
Bientôt un point de rupture climatique ?
Les forêts, en particulier les forêts tropicales, jouent un rôle de protection en permettant de freiner le réchauffement. « Mais notre dernier rempart, l’Amazonie, est en train de basculer », met en garde le chercheur. Et « on ne sait pas à quel moment le basculement pourrait être irréversible ». Avec la fonte des calottes glaciaires, le dégel du permafrost ou la disparition des récifs coralliens, le dépérissement de la forêt amazonienne fait partie des « points de rupture » ou « points de bascule » identifiés par les scientifiques comme des éléments-clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement dramatique et irrémédiable.
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L’étude montre également l’explosion de la déforestation en Amazonie brésilienne en 2019, année de l’arrivée au pouvoir du président Jair Bolsonaro. C’était aussi l’année d’une sécheresse importante : 3,9 millions d’hectares perdus, soit 30% de plus qu’en 2015. Et près de quatre fois plus qu’en 2017 et 2018. L’étude s’arrêtant en 2019, les auteurs appellent à poursuivre les recherches. Ils souhaitent faire la part entre l’impact des sécheresses et celle des politiques du gouvernement brésilien, « qui favorise l’expansion de l’élevage au détriment de la conservation de la forêt ».
La déforestation s’amplifie, Jair Bolsonaro peine à convaincre
En avril 2021, lors du Sommet climatique organisé à l’initiative de Joe Biden, Jair Bolsonaro s’est engagé à stopper la déforestation illégale d’ici 2030. Cet engagement peine à convaincre la communauté internationale, alors que la situation se dégrade rapidement sur le terrain. En 2012, la déforestation au Brésil avait atteint un plancher historique, avec 4.100 km2 déboisés. Mais cela a bien changé durant les deux premières années du mandat du président Bolsonaro. La surface de forêt rayée de la carte a atteint 10.700 km2 en 2019, et 9.800 km2 en 2020. Il s’agit là des pires chiffres depuis 2008.
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Matthieu Combe avec AFP