Le directeur de campagne du candidat Europe Écologie Les Verts (EELV), Mounir Satouri, a annoncé samedi à l’AFP la mise en retrait de Matthieu Orphelin « de ses responsabilités de porte-parole dans la campagne présidentielle écologiste » de Yannick Jadot. Cette décision intervient deux jours après l’enquête journaliste menée par l’émission Envoyé Spécial, divulguant une série de témoignages, d’accusations d’agressions sexuelles et de viol portées contre Nicolas Hulot, ancien ministre de la transition écologique et solidaire.
Pagaille chez les écologistes. Le député Matthieu Orphelin, un proche de Nicolas Hulot, a dit avoir été informé par Yannick Jadot de sa « mise en retrait d’office », une heure avant que l’information ne soit rendue publique. « La sérénité nécessaire à l’exercice de ses fonctions n’est plus possible suite aux révélations d’Envoyé spécial », a expliqué Mounir Satouri dans un communiqué.
Toutefois, Mathieu Orphelin a clairement évoqué dans un communiqué des « tensions internes ». « Je ne suis pas dupe », a-t-il ajouté. Il a expliqué avoir « signifié à Yannick Jadot cette semaine » son souhait de « mettre fin » à ses fonctions. Cette décision serait intervenue « compte tenu des difficultés de la campagne et de (sa) non-adhésion à ses choix stratégiques ». Il regrette notamment une « absence de mobilisation sur les jeunes, absence de considération pour la dynamique de la primaire populaire« . Concernant Nicolas Hulot, Mathieu Orphelin insiste. « Je redis que je n’ai jamais couvert le moindre agissement répréhensible de Nicolas Hulot. Mon soutien est entier pour ses victimes ».
L’heure des comptes pour EELV et Matthieu Orphelin
Les témoignages révélés par l’émission Envoyé spécial alimentent « plein d’interrogations sur l’état de la réalité de ce que savaient les proches de Nicolas Hulot », a précisé Mounir Satouri à l’AFP. C’est pourquoi il a été jugé « opportun de libérer » Matthieu Orphelin de ses responsabilités. EELV préfère alors « le laisser libre de ses réponses et de sa communication ». Le parquet de Paris a ouvert vendredi une enquête préliminaire après la diffusion d’une enquête de France 2. Nicolas Hulot avait annoncé dès mercredi quitter « définitivement » la vie publique. Au total, au moins six femmes mettent en cause l’ancien ministre.
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Parmi les interviewées, l’enquête télévisée comprend le témoignage de la militante écologiste Claire Nouvian. Cette dernière revient sur la plainte pour viol déposée en 2008 par Pascale Mitterrand, petite-fille de l’ancien président. La plainte a été classée sans suite en raison de prescription des faits. Témoignage supplémentaire : une ex-militante d’EELV, Pauline Lavaud, a raconté vendredi sur BFMTV son exclusion de la campagne de Nicolas Hulot pour la primaire interne du parti en 2011 parce qu’elle « l’excitait trop ». Dans le sillage de ces déclarations, le collectif Pourvoir féministe a demandé des comptes via Twitter à EELV sur « l’identité des personnes qui ont écarté Pauline Lavaud ». Mais aussi à Matthieu Orphelin pour savoir s’il « ignorait » cela. Claire Nouvian a raconté dans Envoyé Spécial avoir été mise en garde par l’entourage « politique » de Nicolas Hulot en 2008, sur son comportement vis-à-vis des femmes. Elle n’a cependant cité personne nommément.
Série de réactions chez les écologistes
Cette mise à l’écart de Matthieu Oprhelin à cinq mois de la présidentielle est un coup dur pour Yannick Jadot. Le candidat écologiste reste sous les 10% dans les sondages. Il ne parvient pas à prendre le large face à ses concurrents à gauche, Jean-Luc Mélenchon (LFI) et Anne Hidalgo (PS). Samedi soir, il a réaffirmé son « total soutien aux victimes » et salué « le courage extraordinaire des femmes qui ont témoigné ».
La classe politique EELV a réagi à la mise en retrait de Matthieu Orphelin. Julien Bayou, secrétaire national du parti, dément tout d’abord les affirmations écrites par le député (avant de revenir sur ses propos). Interrogé sur Public Sénat, il a réaffirmé que personne au sein du parti n’avait eu connaissance de possibles agressions de Nicolas Hulot. Sandrine Rousseau, elle, salue le départ de Matthieu Orphelin. « C’est la première fois que, dans une campagne électorale, les violences sexistes et sexuelles sont prises avec tant de sérieux », s’est-elle exprimée ce matin sur Twitter.
Grand invité d’RTL en début de matinée, Yannick Jadot a quant à lui justifié ce retrait. « Il doit retrouver sa liberté de parole, il doit porter sa propre parole et il ne peut plus être porteur de ma parole commune », a-t-il déclaré. Le candidat écologiste a dit vouloir agir contre les « Nicolas Hulot qu’on trouve partout« . S’il était élu, « ce sera impunité zéro parce que nous créerons les conditions d’un changement de vision pour sortir de ces logiques où des mecs qui se pensent puissants arrivent en permanence à contraindre, et où les femmes n’arrivent pas à parler ».
« Je m’en veux de l’avoir cru »
Suite à cette série de réactions, Matthieu Orphelin a réaffirmé dans un tweet ignorer les « attitudes violentes de Nicolas Hulot ». Il a réitéré son « soutien total » aux femmes qui ont témoigné. « Je m’en veux de l’avoir cru », a expliqué dans Ouest-France Matthieu Orphelin quand il a interrogé l’ex-ministre à deux reprises sur des accusations ou rumeurs le concernant. « Ce que j’ai vu, et que tout le monde a vu (…), c’est que c’était un dragueur, un dragueur lourd, avec une attirance pour les femmes », a-t-il ajouté.
Quant à de possibles divergences stratégiques avec Yannick Jadot, le député s’est là aussi exprimé. « J’avais dit à Yannick Jadot que je partirais le 20 décembre au plus tard, pour cause de divergences. Les difficultés de la campagne, tout le monde les connaît… », confirme-t-il.
Sophie Cayuela avec AFP