L’État français a-t-il pris les mesures permettant de respecter les engagements climatiques du pays? Non, selon les activistes. Ces derniers espéraient que le délai fixé au gouvernement pour se justifier place l’environnement au centre de la campagne présidentielle. Mais cela, avant l’arrivé de la guerre en Ukraine. L’État avait alors jusqu’au 31 mars pour répondre à sa condamnation émise par le Conseil d’État.
Saisi par Grande-Synthe, commune du littoral du Nord, le Conseil d’État avait donné en juillet neuf mois au gouvernement français pour « prendre toutes mesures utiles » afin de ramener les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, à un niveau compatible avec les objectifs de la France. Soit une baisse de 40% d’ici 2030 par rapport à 1990.
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Une absence de réponse
À quelques jours de l’échéance, le gouvernement n’avait pas transmis de dossier exposant les mesures prises pour respecter l’injonction de la justice. Toutefois le gouvernement peut légalement ne pas justifier de ses actions. Contacté par Natura Sciences, le Ministère de la Transition écologique a apporté des éléments d’informations. « À notre connaissance, nous n’avons pas été sollicités par les plaignants », a indiqué le cabinet de Barbara Pompili. S’ils ne demandent pas formellement au Conseil d’État l’apport de preuves par l’État lui-même, ce dernier n’est pas censé en apporter ».
Le Conseil examine de son propre chef la situation. Le dossier judiciaire ne connaîtra donc pas a priori de rebondissement jeudi. Une fois les actions du gouvernement examinées, le Conseil d’État pourra rouvrir l’instruction du dossier et convoquer une nouvelle audience entre les parties. Le tout devrait durer plusieurs mois.
De son côté, Corinne Lepage, avocate de la commune et elle-même ancienne ministre de l’Environnement, entend demander au Conseil de constater la carence de l’État et prononcer à son encontre une astreinte financière. « Je suis dubitative » sur la possibilité pour le gouvernement de répondre à l’injonction, dit-elle. D’autant qu’il avait par avance inclus dans son argumentation les effets attendus de la loi « Climat et résilience », adoptée en août. Loi qui porterait « dans le meilleur des cas » la réduction des émissions à 38%, souligne l’avocate. Et de résumer: « S’il n’y a rien de plus, ils sont complètement dans les choux ».
Une procédure judiciaire inachevée
À défaut d’imposer le climat dans la campagne, les procédures de Grande-Synthe et de l’Affaire du Siècle auront servi d’angle d’attaque sur le bilan écologique contesté du président sortant Emmanuel Macron. « Il a été condamné deux fois pour inaction climatique », ont lancé tour à tour ses concurrents Yannick Jadot, Anne Hidalgo ou Valérie Pécresse. Une simplification juridiquement fausse, soulignent des juristes, puisque c’est l’État « personne morale » qui est en cause. Une partie des périodes visées précède l’actuel quinquennat.
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Le gouvernement n’avait d’ailleurs pas contesté, lors de la procédure, qu’il n’avait pas atteint ses objectifs. Il a affiché après la décision du Conseil d’État « sa détermination à renforcer son action climatique ». Cette détermination risque d’être mise à rude épreuve, puisque les objectifs de la France vont se retrouver bientôt relevés. Pour cause : l’Union européenne a revu ses engagements à la hausse.
Les ONG de l’Affaire du siècle ont interrogé les candidats à l’Élysée sur les mesures qu’ils entendent prendre pour « sortir la France de l’illégalité climatique » et doivent prochainement rendre publiques leurs réponses. Le contrôle de la justice n’est pas près de s’arrêter, les procédures restant loin d’être achevées. « La stratégie du droit est là pour durer, pour en faire un outil à portée de tous les citoyens », souligne Justine Ripoll, chargée de campagnes à Notre affaire à tous, une des ONG de l’Affaire du siècle. Dans ce deuxième dossier, la justice a enjoint à l’État de « réparer » ses carences d’ici fin 2022.