Dans un avis publié le 7 juin, l’Autorité de sûreté du nucléaire souligne que l’entreposage de longue durée des déchets radioactifs « ne peut pas constituer une solution définitive ». Le projet d’enfouissement de déchets radioactifs Cigéo pourrait être une des solutions à ce problème, mais les recherches doivent se poursuivre.
Il y a quelques semaines, l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) publiait son rapport annuel. Le 7 juin, une note d’information spécifique à la gestion des matières et déchets radioactifs voit le jour. Elle y « souligne notamment le fait que des décisions seront nécessaires, à court terme, afin que des filières de gestion sûres soient disponibles pour tous les types de déchets radioactifs dans les 15 à 20 ans à venir« . La publication du document arrive en préparation du cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). L’autorité y « insiste sur l’importance d’anticiper les choix de gestion des matières et des déchets radioactifs« .
Depuis plusieurs mois, l’ASN multiplie les alertes sur cette question. Dans un rapport remis récemment à des parlementaires, elle estimait déjà « qu’à défaut de décision prise dans les cinq prochaines années, aucune filière de gestion ne serait opérationnelle dans les vingt qui viennent. Les besoins capacitaires de stockage des déchets ne seront [alors] pas assurés« . Dans cette nouvelle note, elle souligne que pour les déchets les plus dangereux, dits à haute activité à vie longue, « l’entreposage de longue durée ne peut pas constituer une solution définitive« .
Le projet Cigéo en cours d’autorisation
Pour ne pas garder de déchets radioactifs dangereux en surface, la France prévoit de les enfouir à 500 mètres sous terre à Bure (Meuse). Ce stockage devrait commencer en 2035 et durer 100 ans. C’est le projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) piloté par l’Andra. Pour obtenir une autorisation de construction, Cigéo doit obtenir le feu vert des autorités pour une déclaration d’utilité publique (DUP) et une demande d’autorisation de création (DAC).
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L’Andra a déjà instruit le dossier pour la DUP. Son approbation reste soumise à une enquête publique organisée par la Meuse. Sa date n’a pas encore été fixée. L’ASN devrait instruire le dossier concernant la DAC d’ici le début d’année prochaine. Son examen devrait prendre entre 3 et 5 ans. Ensuite commencera la construction du centre, prévue pour durer trois ans. Une phase pilote industrielle de 15 à 25 ans débutera à la fin des travaux. Les premiers colis de déchets de moyenne activité arriveront vers 2035 selon l’Andra.
Pas crédible de miser sur la transmutation
Parmi ses recommandations, l’ASN écrit dans sa note que « la transmutation des déchets déjà conditionnés de l’inventaire de réserve de Cigéo n’est pas une perspective crédible à l’échelle industrielle« . La transmutation désigne la transformation, suite à une réaction nucléaire provoquée ou spontanée, d’un élément à un autre élément. C’est une voie étudiée pour l’élimination de certains radioéléments contenus dans les déchets radioactifs.
Pour déterminer les déchets à stocker si Cigéo voit le jour, l’Andra a mis en place un « inventaire de réserve« . Or la transmutation ne concernerait qu’une partie de l’inventaire des radionucléides à vie longue contenus dans les déchets. Ainsi, elle ne s’appliquerait pas aux déchets déjà vitrifiés, lesquels ont vocation à finir leur vie en couche géologique profonde.
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L’ASN ajoute que « si des études crédibles devaient se poursuivre sur le sujet, il conviendrait de les faire porter sur la transmutation des substances radioactives actuellement qualifiées de matières ou sur la transmutation des déchets produits par un futur parc de réacteurs« .
Les recherches doivent se poursuivre
L’ASN écrit aussi que « les producteurs doivent mettre en œuvre un programme ambitieux de caractérisation des colis de déchets bitumés, indispensable pour démontrer que tout ou partie de ces colis pourrait être stocké avec un haut niveau de sûreté dans le centre de stockage Cigéo, sans traitement préalable« . Près de 80.000 colis de déchets nucléaires ont été traités par bitumage depuis 1966. 50.000 de ces colis de déchets bitumés devraient a priori finir stockés à Cigéo. L’ASN estime que des expérimentations complémentaires permettraient de conforter les conclusions des travaux antérieurs du CEA quant aux températures à partir desquelles peuvent se produire des réactions énergétiques.
L’Andra comptabilisait 1,67 million de mètres cubes de déchets radioactifs en France à la fin 2019. Parmi ces déchets, environ 4000 mètres cubes sont à haute activité. Le projet Cigéo, estimé à 25 milliards d’euros, suscite une forte opposition de la part des acteurs locaux et environnementaux. Il a récemment été au cœur d’un procès en correctionnelle à Bar-le-Duc (Meuse). La justice poursuit sept opposants au projet pour des faits survenus lors d’une manifestation. Le parquet a requis un an de prison ferme contre l’un d’eux.
Jérémy Hernando