Et si l’on produisait de l’électricité en recouvrant les routes de cellules photovoltaïques ? C’est le défi de l’entreprise Colas qui teste sa route solaire sous diverses conditions climatiques dans le monde. L’entreprise continue ses tests pour améliorer sa technologie.
En moyenne, une route reste exposée au ciel 90 % de son temps. Colas souhaite donc donner une nouvelle fonction à la chaussée : produire de l’électricité lorsque le soleil brille. Après cinq années de recherche et développement, Colas a dévoilé la première version de son produit en 2015 et a été récompensé aux Trophées Solutions Climat lors de la COP21.
Des tests sous différents ensoleillements
En trois ans, le produit a été amélioré et est désormais en tests en conditions réelles grâce à 23 démonstrateurs dans le monde. Quatre sont installés aux Etats-Unis, au Canada, au Japon et aux Pays-Bas. 17 sont situées en France métropolitaine, sur des surfaces de 24 à 100 m2. Le plus grand test est mené sur la RD 5 à Tourouvre (61), avec 2 800 m2,soit 1 km de route. Mais la route produit deux fois moins que prévu et les résultats déçoivent.
Un autre démonstrateur de 25 m2 se trouve sur l’île de La Réunion, au siège de GTOI filiale de Colas dédiée aux grands travaux de l’Océan Indien. « L’objectif est de multiplier les tests pour voir comment la route solaire se comporte suivant les climats », prévient Patrick Polverelli, directeur technique routes et laboratoire chez GTOI. L’intérêt de ce démonstrateur situé dans la ville Le Port est notamment de tester la solution pour l’Océan Indien et les zones non interconnectées.
Des dalles solaires qui se collent sur la chaussée
Une chaussée présente traditionnellement deux caractéristiques principales : son revêtement et sa structure. Le revêtement est choisi pour des raisons de sécurité de roulement, la structure dimensionnée pour supporter les sollicitations. « Chaque route est dimensionnée pour supporter des sollicitations particulières par rapport à son utilisation, résume Patrick Polverelli. Un parking privatif, une quatre voie ou une entrée portuaire avec des sollicitations de poids lourds importantes n’auront bien évidemment pas la même structure de chaussée. »
Les dalles Wattway sont directement collées sur le revêtement existant des routes, pistes cyclables ou parking. Mais une cellule photovoltaïque est très fragile et cassante. Le premier axe de recherche en collaboration avec l’Institut national de l’énergie solaire (Ines) a donc été de trouver un revêtement innovant qui laisserait passer les rayons solaires et sur lequel il serait possible de rouler. Le revêtement comprend ainsi des cellules photovoltaïques en silicium polycristallin de quelques millimètres assez solides pour résister aux voitures et aux camions. Ces cellules sont ensuite enrobées dans un substrat multicouche, composé de résines polymères composites et de granulés transparents. Au bout du compte, le matériau rugueux assure robustesse et l’adhérence du pneu sur la chaussée.
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Des résultats insuffisants, même dans l’Océan Indien
Les résultats de la route solaire sont en dessous des attentes : production plus faible que prévue, prix du kWh très élevé, temps de retour énergétique élevé, mauvaise utilisation des fonds publics, bruit important… La production moyenne journalière pour la route normande se situe à 0,14 kilowattheure par mètre carré (kWh/m2).
La route solaire est en tests à La Réunion depuis février 2017. Ce démonstrateur de Wattway alimente une borne de recharge pour véhicule électrique. La production du démonstrateur est trois fois supérieure à la route normande : environ 0,4 kWh. Les 25 m2 produisent 9,9 kWh par jour, 3600 kWh par an.
Un foyer français standard consomme en moyenne 4 710 kWh d’électricité chaque année, soit 12,9 kWh par jour. Il faudrait donc près de 34 m2 de route solaire réunionnaise pour fournir l’électricité annuelle à un foyer français. Selon l’agence régionale énergie réunion (arer), environ 8 m2 de capteurs photovoltaïque produisent en moyenne 1300 kWh par an. 29 m2 de toitures photovoltaïques suffiraient donc pour alimenter un foyer en électricité. C’est 5 m2 de moins que pour la route solaire.
La cinquième version de Wattway en cours de tests
Puisque la route solaire coûte plus chère et produit moins d’électricité que des panneaux photovoltaïques installés sur toiture, il semble peu probable que cette première devienne une solution globale pour répondre aux besoins électriques français. La route solaire servira plutôt localement pour alimenter en électricité des bornes électriques, de l’éclairage public, du mobilier urbain ou des zones isolées. Elle pourrait également servir à recharger les véhicules électriques par induction dynamique.
Depuis janvier 2019, GTOI teste la cinquième version de la technologie Wattway. Nouveau substrat multicouche, composé de résines polymères composites et de granulés transparents, réduction du bruit, amélioration du câblage électrique… L’entreprise promet des améliorations substantielles et espère entrer en phase de commercialisation en 2019. Affaire à suivre…
Auteur : Matthieu Combe, fondateur du webzine Natura-sciences.com