Face aux différentes pathologies dont ils souffrent, les Français font exploser la consommation de compléments alimentaires. Selon le syndicat national du secteur, le marché a dépassé les 2 milliards d’euros en 2021. Mais sans surveillance, la consommation de ces petites gélules d’apparence anodine peut avoir des effets délétères sur la santé. Explications.

Nez qui coule, froid qui pique, tonus en berne. Pour lutter contre les maux de l’hiver, pour nombre de Français, le remède est dans la gélule. Et il en va de même pour ceux que les tracas du quotidien empêchent de dormir sereinement. Depuis la crise sanitaire, la tendance se confirme : la consommation de compléments alimentaires explose. « Je me dis que ça ne peut pas me faire de mal, il n’y a que des bonnes choses dedans, assure Célia, 42 ans, infirmière adepte de de compléments. Elle n’est pas la seule. De plus en plus, la formulation naturelle et française des compléments séduit. Tout bon laboratoire de compléments alimentaires le comprend et met cet argument en avant, à l’instar du Laboratoire Lescuyer depuis 1994.
Les Français consomment des compléments alimentaires pour faire face à un quotidien harassant. Selon les données de Synadiet, 70% des personnes qui ont recours à ces aides nutritionnelles sont dans la vie active. Et ces adeptes ne recherchent plus les mêmes bienfaits qu’auparavant. Par exemple, les aides à la minceur rencontrent un moindre succès qu’il y a quelques années. « On observe une certaine tendance à l’acceptation de soi, au rééquilibrage alimentaire plutôt qu’aux régimes drastiques, et à une montée en flèche de la considération de l’activité physique », déclare Synadiet pour expliquer cette perte de vitesse.
Les compléments alimentaires doivent être qualitatifs
Malgré cela, en France, le marché des compléments alimentaires est florissant et jouit d’un terreau fertile. Selon le Syndicat national des compléments alimentaires (Synadiet) 9 Français sur 10 ne se sentent pas en bonne santé. Et un Français sur deux déclare que son niveau de stress augmente depuis le début de la crise sanitaire.
Pour combler leurs faiblesses, 59% d’entre eux assurent faire confiance aux produits de santé naturels. « Avec la pollution qu’on se prend tous les jours, c’est important de faire attention à ce que l’on consomme. Que ce soit sur internet ou en pharmacie, je n’achète que des compléments alimentaires bio », explique Martin, 56 ans, chauffeur de bus. Pour 53% des consommateurs, le bio est un paramètre important pour les compléments alimentaires. Et 52% des usagers déclarent veiller à l’impact environnemental du produit qu’ils consomment.
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Un marché encore « loin de son plein potentiel »
Ainsi, en promettant d’apporter des remèdes miracles, les groupes pharmaceutiques qui les commercialisent ont réalisé une belle année 2021. « Le marché des complémentaires alimentaires vole de record en record », déclare même l’institut d’analyse privé Xerfi. L’année dernière, selon Synadiet, le chiffre d’affaires du secteur s’est élevé à 2,3 milliards d’euros. C’est 6% de plus qu’en 2020, marquée par la pandémie de covid.
Et cette dynamique n’est pas près de s’inverser. Le syndicat estime qu’à l’horizon 2024, le chiffre d’affaires annuel du secteur pourrait s’élever à 2,5 milliards d’euros. Mais pour y parvenir, le secteur devra s’adapter aux portefeuilles des ménages. Xerfi prévoit « des Français en mode défensif face aux tensions inflationnistes », et cela pourra avoir un impact sur le panier moyen des compléments alimentaires.
Malgré cette donnée, Synadiet est confiant pour l’avenir du secteur car le marché européen serait « encore loin d’avoir atteint son plein potentiel ». Le syndicat révèle qu’un Français achète chaque année 29 euros de compléments alimentaires. En Australie et aux États-Unis, le panier moyen s’élève plutôt à 76 euros.
Risques en cas de surdosage de compléments alimentaires
Dans la conquête de nouvelles parts de marché, les meilleurs alliés des laboratoires pourraient être les médecins. Le Baromètre 2022 de la consommation de compléments alimentaires en France indique que 55% des consommateurs de compléments alimentaires consultent leur professionnel de santé avant achat. « J’ai commencé à prendre des vitamines à la suite d’une recommandation de mon gynécologue. Il m’a dit que ça pourrait m’aider à lutter contre certains désagréments menstruels », raconte Héloïse, 26 ans. Dans d’autres cas, la supplémentation devient pratiquement un réflexe. « Je conseille systématiquement aux couples souffrant d’infertilité de prendre des compléments alimentaires. Aussi bien aux hommes qu’aux femmes », indique Audrey Bourion, diététicienne.
Néanmoins, la consommation de compléments alimentaires ne doit pas toujours être automatisée.« La plupart des déficits sont légers et transitoires. Ils passent inaperçus et ne nécessitent pas de complémentation », déclare à Santé Magazine Aymeric Dopter, chef de l’unité de nutrition de l’Anses. Parfois, la prise inutile ou abusive peut avoir des effets dévastateurs. En juillet dernier, Le Parisien rapportait qu’un bébé s’était retrouvé en réanimation. La cause : un grave surdosage de vitamines.
Pour prévenir les abus, l’Anses rappelle que les compléments alimentaires n’ont pas d’effets magiques. « L’immunité ne peut s’accroître indéfiniment. À trop vouloir la renforcer, le risque est de réveiller une maladie auto-immune », met en garde Aymeric Dopter. L’expert ajoute que les plantes qui entrent dans la composition des compléments alimentaires « sont toutes susceptibles de perturber la réponse immunitaire et la réaction inflammatoire ». C’est pourquoi l’Anses préconise d’éviter les prises prolongées, de demander l’avis à un professionnel de santé et de se méfier des produits présentés comme miraculeux. De son côté, le ministère de la Santé rappelle que les compléments alimentaires ne doivent pas remplacer une alimentation variée et équilibrée.