En plein cœur de l’été, les grands festivals de musique attirent des festivaliers toujours plus nombreux. Dans une tribune publiée le 17 juillet dans Le Monde, cinq consultants et militants appellent à arrêter cette course au gigantisme. En effet, en augmentant leurs jauges, les festivals augmentent de façon exponentielle leurs émissions de gaz à effet de serre.
37 degrés en plein cœur du Hellfest, festival de métal organisé à Clisson (Loire-Atlantique) en juin dernier. Même température durant le pont du 14 juillet, à l’occasion des Vieilles Charrues, mythique festival basé à Carhaix (Finistère). Et toujours, ces murs d’eau, brumisateurs géants ou agents de sécurité aspergeant la foule à l’aide de tuyaux d’arrosage … Bien loin de la sobriété de mise en période de sécheresse et de vagues de chaleur records en France.
Mais ce qui inquiète surtout cinq consultants et militants pour la transition écologique du secteur culturel, dans une tribune publiée le 17 juillet dans Le Monde, c’est la course au gigantisme engagée par ces festivals de musique. « Pour sa première édition du ‘monde d’après’, le Hellfest s’est organisé sur deux week-ends d’affilée, et sa fréquentation [environ 420 000 entrées payantes] a plus que doublé par rapport à 2019 […] celui des Vieilles Charrues est passé de 100 000 places vendues en 1998 à plus de 250 000 en 2019, les Eurockéennes de Belfort de 80 000 en 2003 à 130 000 en 2019 », soulignent-ils. Dans son rapport Décarbonons la culture, publié en novembre dernier, le think tank The Shift Project alertait pourtant : « Cette croissance des jauges apparaît donc comme le principal vecteur de croissance incontrôlée des émissions de CO2 ».
Toujours plus grands, toujours plus polluants, toujours moins résilients
En effet, qui dit plus de spectateurs dit aussi des spectateurs venant de plus loin. Or, comme le souligne le Shift Project, les déplacements des festivaliers sont la principale source d’émissions de CO2 d’un festival. Le think tank relève ainsi que le déplacement des festivaliers pour ce type d’évènement génère environ 8.000 tonnes équivalent CO2. Par ailleurs, des jauges plus importantes riment également avec des festivals plus gourmands en énergie. Ben Barbaud, directeur du Hellfest s’est ainsi enorgueilli de créer pour l’édition 2022 « le plus gros chantier électrique éphémère de France ». Un chantier qui dépend des énergies fossiles puisque 300.000 litres de fioul ont été nécessaires pour alimenter les groupes électrogènes.
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Tout comme les auteurs du Shift Project, les cinq auteurs de la tribune publiée dans Le Monde notent une « course à l’armement » des festivals de musique.« Les festivals augmentent chaque année leur jauge. Qu’ils doivent remplir en faisant venir du public toujours plus lointain. Qui ne se déplace qu’à la venue de stars internationales. Qui exigent des cachets croissants et les justifient par une technique toujours plus importante … », note le Shift Project.
Face à ce constat et dans un contexte de crise climatique, la résilience des festivals semble menacée. « Cette croissance effrénée accroît la vulnérabilité économique des événements et augmente les probabilités que certains ne disparaissent de façon brutale, à cause de facteurs que le changement climatique renforce », témoignent les auteurs de la tribune. Le 4 juin, We Love Green a dû annuler les concerts prévus dans le Bois de Vincennes à cause des orages. Et rebelote fin juin aux Eurockéennes de Belfort : le festival a dû annuler ses deux premières journées à cause d’un violent orage.
La solution : réduire les jauges
Afin de limiter l’impact écologique des grands festivals et de favoriser leur résilience, le Shift project préconise de réduire leurs jauges. « Nos premières estimations nous montrent ainsi que diviser la taille d’un festival par dix divise ses émissions par environ trente », explique-t-il. Par ailleurs, le think tank estime qu’organiser dix évènements réunissant 28.000 festivaliers plutôt qu’un évènement réunissant 280.000 festivalier permettrait de réduire ses émissions CO2 de 16,5%.
Loin d’encourager l’arrêt des grands festivals de musiques, les signataires de la tribune, suggèrent une remise en question du secteur. « Il paraît indispensable d’engager une réflexion sectorielle à tous les niveaux (État, collectivités territoriales, organisateurs, producteurs, tourneurs, artistes…). Pour repenser les pratiques et renforcer ce secteur et ces événements qui nous sont si essentiels », expliquent-ils. Surtout, ils soulignent que l’hypercroissance ne sera pas viable économiquement ni écologiquement.
*Contactés, les équipes des festivals cités n’ont, au moment de la publication de cet article, pas donné suite à nos sollicitations.