Arroser le blé maintenant ou garder de l’eau pour le maïs, telle est la question. Dans le département du Loiret, comme ailleurs dans la région Centre-Val de Loire, les agriculteurs subissent la sécheresse printanière et s’inquiètent des difficiles choix à venir si la pluie n’arrive pas.

Dans le Loiret, il a plu deux fois moins que d’habitude sur les cinq premiers mois de 2022. En conséquence, les agriculteurs subissent la sécheresse printanière de plein fouet. Alors que la période est déterminante pour la qualité des rendements, les agriculteurs s’époumonent contre des évènements qui les dépassent.
Pas d’eau, pas de grain
Dans son champ de Sully-sur-Loire (Loiret), Robin Lachaux, casquette orange vissée sur la tête, manœuvre son tracteur pour placer l’arroseur au bon endroit. Il oriente l’enrouleur et tire le canon à eau 450 mètres plus loin, au bout de sa parcelle. Il faut environ 24 heures pour que le canon à eau, tiré par le tuyau, revienne à l’enrouleur et termine d’arroser une bande de 450 mètres de long sur 70 large.
Pour irriguer l’ensemble du champ, il devra recommencer la manœuvre cinq jours de suite. « Si on n’arrose pas aujourd’hui, c’est 50% de la récolte qui part », assure le trentenaire. « Normalement, on n’arrose pas à cette saison, mais (…) les épisodes de sécheresse commencent de plus en plus tôt. »
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Ce manque de précipitations arrive à un très mauvais moment. « Le blé est monté. On va arriver dans la floraison et le remplissage du grain. C’est donc la période la plus importante pour les rendements à venir. Pas d’eau, pas de grain », résume-t-il.
Un danger majeur pour les fermes
Robin Lachaux est avant tout éleveur. Son exploitation tire ses revenus de ses 90 vaches laitières, 300 chèvres et 8 000 volailles. Blé, orge et maïs servent essentiellement à nourrir les bêtes.
« Ce qu’on craint, c’est que la sécheresse continue. J’ai une capacité d’irrigation d’environ deux mois. Au bout d’un moment, le débit des forages réduit. Donc, si j’arrose correctement les blés, je crains de ne pas avoir assez pour arroser correctement les maïs jusqu’à fin août », raconte-t-il.
Et si le maïs pousse mal, la ferme ne pourra pas nourrir ses vaches l’hiver prochain. Il faudra donc acheter des aliments. Mais, « au vu du cours mondial des céréales », ces dépenses auront « un impact direct sur la trésorerie ». Et il ne faudra pas compter sur ses parcelles d’orge pour compenser : non irriguées, elles devraient connaître un « rendement catastrophique ».
Des territoires abandonnés
À l’autre extrémité de Sully-sur-Loire, Jean-Louis Lefaucheux aussi surveille son arroseur. Le secrétaire général de la FNSEA Loiret exploite 175 hectares, pour un cheptel d’une soixantaine de laitières. « On est sur des terres sableuses, les premières impactées par le manque d’eau », explique le syndicaliste, alors qu’aucune pluie n’est prévue pour les dix prochains jours.
« Il faudrait absolument généraliser le stockage de l’eau partout où c’est possible. Sinon, (…) certains territoires vont carrément être abandonnés », assure-t-il. Il précise : « on ne demande pas d’irriguer à tout crin, (…) on demande de pouvoir apporter l’eau au bon moment quand on en a besoin ».
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Le cultivateur plaide pour des petites rétentions d’eau, partagées entre quelques exploitations, loin des grands projets contestés par les associations écologiques et certains syndicats paysans. Le gouvernement a récemment débloqué une enveloppe d’une centaines de millions d’euros dans ce sens. Le dérèglement climatique a rendu l’utilisation des « bassines » fondamentales, selon le syndicaliste : « la souveraineté alimentaire passera par la gestion de l’eau ».
Léo Sanmarty avec AFP