Time for the Planet, l’entreprise qui finance des innovations à même de réduire à grande échelle les émissions de gaz à effet de serre, vient passer le cap des 100.000 actionnaires. Denis Galha Garcia, cofondateur de Time for the Planet, nous explique l’intérêt de devenir actionnaire du mouvement.

Créée en 2019, l’entreprise à but non lucratif Time for the planet repose sur un principe ambitieux : lever 1 milliard d’euros pour financer 100 entreprises qui développent des innovations à même de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre. Du 27 au 31 décembre 2022, la société s’était fixé pour objectif de dépasser les 100.000 actionnaires lors d’une d’une opération spéciale sur les réseaux sociaux, baptisée « l’opération des 100K ». En cinq jours, elle est passée de 72.000 à plus de 100.000 actionnaires et a levé plus de 2 millions d’euros. Et le mouvement continue. Le 20 janvier 2023, le compteur indique plus de 107.000 actionnaires pour 16,2 millions d’euros rassemblés.
Il y a un an, nous vous présentions le crowdfunding géant de Time For the Planet avec son cofondateur Arthur Auboeuf. Aujourd’hui, Denis Galha Garcia cofondateur de Time for the Planet, directeur innovation de l’entreprise, revient pour Natura Sciences sur la réussite de cette opération et le fonctionnement unique de Time for The Planet.
Natura Sciences : Vous avez atteint votre objectif, comment accueillez-vous ce succès ?
Denis Galha Garcia : L’opération a été une vraie réussite ! Durant cette fin d’année, nous avons accueilli chaque jour, en moyenne, 5.500 nouveaux actionnaires. Au moins 10.000 actionnaires se sont activement engagés dans la réussite de cette campagne en convaincant leur réseau de nous rejoindre.
Nous avons dépassé notre objectif, les actionnaires continuent d’affluer et nous avons levé plus de 15 millions d’euros. Durant cette opération spéciale, lorsqu’un citoyen investissait 1 euro, une entreprise [Advens, spécialisée dans la cybersécurité et la maison de champagne Piper Heidsieck, NDLR] abondait d’un euro supplémentaire.
Comment est-ce que les actionnaires interviennent concrètement dans Time for The planet ?
Il y a différents niveaux d’engagement et plusieurs façons d’agir : l’engagement n’est pas uniquement financier. Il y a quelques actions très simples. Chacun peut intervenir, partager des communications, parler de Time for the Planet autour de soi, mettre en avant sur les réseaux sociaux le fait qu’il est devenu actionnaire.
En devenant associés, les actionnaires sont invités aux assemblées générales (AG) et participent au choix des entreprises et innovations dans lesquelles nous investissons. Time for the Planet est une société en commandite par actions (SCA). Cela fait qu’on a un petit groupe de gérants, un conseil de surveillance qui représente les actionnaires et l’ensemble des actionnaires votent aux AG.
Le nombre de voix d’un associé lors d’une AG dépend de son nombre d’actions. Mais en tant que cofondateur, nous avons un droit de veto. On l’applique si l’on n’a pas une double majorité : en termes de voix et en nombre de personnes. Au final, chaque vote a la même valeur, qu’il soit fait par un actionnaire qui a investi un euro ou un million d’euros.
Enfin, plus de 7.000 membres actifs nous aident dans l’évaluation collective des projets. Cela fait ressortir les projets les plus prometteurs. Ensuite, nous faisons une double analyse scientifique et économique. Si tout cela passe, on propose de valider l’investissement à nos associés en assemblée générale. Nous avons reçu plus de 1.000 projets du monde entier. Près de la moitié ont été évalués, cinq ont été financés et deux sont sur le point de l’être. On commence à accélérer. Si on fait entre 5 et 10 investissements supplémentaires sur l’année 2023, ce serait un bon résultat.
Quelles sont justement les entreprises retenues et les investissements consentis ?
Aujourd’hui, nous avons concrètement fait cinq investissements pour près de 5 millions d’euros. Nous avons déjà investi 1,85 million dans Leviathan Dynamics, un système de climatisation sans gaz, uniquement avec de l’eau ; 1,5 million d’euros dans Carbon Time, un procédé de stockage de CO2 grâce à un minéral volcanique. Nous avons aussi investi 1 million dans Beyond The Sea, un kite qui s’ajoute à tous les bateaux et réduit leur consommation de carburant de 20%. Nous avons investi 500.000 euros dans Cool Roof, une peinture blanche dont la formulation intègre des coquilles d’huître. Elle s’applique sur les toits des bâtiments de façon à réfléchir la lumière et limiter les besoins de climatisation. Enfin, nous avons investi 100.000 euros dans Shyva. Cette entreprise propose une électrode qui permettrait d’avoir un meilleur rendement pour la production d’hydrogène vert par électrolyse de l’eau.
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L’argent levé nous donne les moyens d’être ambitieux. Nous pouvons sélectionner de nouvelles innovations à financer et réinvestir dans des innovations déjà soutenues quand il y a de nouveaux besoins. Nous avons voté deux investissements supplémentaires en décembre 2022 : Elow, une solution d’effacement électrique et C.I.A. qui développe le « CompactCarbonCatcher« . Les discussions sont toujours en cours, mais on devrait débloquer 2,5 millions d’euros pour C.I.A., avec une première étape à 500.000 euros pour sécuriser l’investissement.
Il y a un dernier investissement entre parenthèses pour le moment pour Aredox, voté en assemblée générale. Il est d’un montant de 2,5 millions d’euros mais on n’a pas encore réussi à se mettre d’accord sur le pacte d’actionnaires.
Comment se fait l’investissement ? Qu’est-ce qui peut bloquer la conclusion d’un accord ?
Dans le cas de Carbon Time, nous avons créé la société, car l’invention restait cantonnée aux laboratoires. Mais la plupart du temps, notre investissement se fait en échange de parts à leur capital.
Quand nous sommes minoritaires, nous avons toujours des droits particuliers pour nous assurer que l’on a la main sur le recrutement d’un CEO [directeur général, NDLR], pour avoir un entrepreneur ou quelqu’un qui peut gérer la partie business. Nous demandons aussi à faire remonter des dividendes climat, un système de valorisation des émissions de gaz à effet de serre évitées grâce aux investissements réalisés dans les innovations soutenues.
Enfin, il y a une partie importante sur la notion autour de l’open-source. Nous avons un regard sur le modèle économique et la propriété intellectuelle pour nous assurer que l’on va tenter un modèle de licence libre pour déployer au maximum l’innovation.
Vous avez également lancé récemment votre compteur d’empreinte carbone. Comment fonctionne-t-il ?
L’idée est d’estimer concrètement le CO₂ non-émis ou capté grâce à nos investissements. Pour l’instant, il intègre le prototype de Leviathan Dynamics et la peinture Cool Roof et retire notre propre empreinte carbone. Nous avons ainsi permis d’éviter l’émission de près de 9.500 tonnes de CO2 cette année. Cela reste faible, mais on a hâte que cela explose ! Au moins, on est désormais en capacité de mesurer notre impact.
Propos recueillis par Matthieu Combe