Trois ONG ont mis en demeure neuf grands groupes de l’agro-alimentaire pour non-respect du « devoir de vigilance », lié à leur utilisation du plastique. Elles menacent de saisir la justice si elles ne dévoilent pas un plan précis de réduction de leur risque plastique sous trois mois. Explications.

C’est un nouveau chapitre dans la lutte contre le plastique à usage unique. Ce mercredi 28 septembre, les ONG Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France ont mis en demeure neuf géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution pour manquement à leur devoir de vigilance lié à leur utilisation de plastique. Cette action vise les entreprises Auchan, Carrefour, Casino, Danone, Lacatalis, McDonald’s, Les Mousquetaires, Picard et Nestlé.
Les trois ONG leur reprochent « une insuffisance de leurs actions » pour réduire les risques liés à la pollution plastique. « On demande à ce que ces entreprises identifient les risques de leur utilisation plastique, avec des mesures efficaces pour y remédier », indique Antidia Citores, porte-parole de Surfrider foundation Europe.
« En tant que leaders, [ces entreprises] doivent montrer l’exemple et s’engager dans une réduction importante de leur utilisation du plastique », a expliqué la coalition d’ONG dans un communiqué. Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France considèrent que les neuf groupes cités ont « le pouvoir de faire bouger tout un secteur d’activité ».
Des mesures jugées « incomplètes » pour réduire l’usage du plastique
Adoptée le 27 mars 2017, la loi du devoir de vigilance demande aux grandes entreprises, ayant plus de 5.000 salariés en France ou 10.000 salariés en France et dans leurs filiales situées à l’étranger, de publier chaque année un plan de vigilance identifiant les risques environnementaux et sociétaux résultant de leurs activités. Ce plan doit aussi identifier les risques de leurs filiales, et de leurs fournisseurs et sous-traitants. Or, les trois ONG jugent les mesures présentées par ces grands groupes« incomplètes et insatisfaisantes » sur la déplastification de leurs activités.
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Danone ou Auchan, n’évoquent même pas le plastique dans leur plan de vigilance. « À la place du plastique, elles utilisent du vocabulaire autour du recyclage », informe Antida Citores. D’autres encore n’ont pas publié de plan de vigilance du tout. C’est le cas des entreprises McDonald’s, Picard ou encore Nestlé. Face à cela, Surfrider Foundation Europe, ClientEarth et Zero Waste France demandent aux grands groupes un bilan plastique complet. Elles demandent notamment des objectifs chiffrés et datés, sur toutes leurs activités et leur chaîne de valeur.
Si ces grands groupes ne prennent pas les mesures adéquates dans un délai de trois mois pour réduire les risques touchant à l’environnement, aux droits humains et à la santé, ces ONG pourraient saisir le tribunal judiciaire de Paris. Mais elles restent, pour l’instant, à « une étape de précontentieux », rappelle la porte-parole de Surfrider. Pour l’instant, le choix consiste à adopter un ton plus ferme face à ces neuf entreprises, avant des contentieux éventuels.
La production de plastique en hausse selon l’OCDE
Selon les dernières estimations de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), 460 millions de tonnes de plastiques ont été produites en 2019 dans le monde. 353 millions de tonnes de déchets auraient ainsi été générées. Moins de 10% auraient été recyclées. 22% auraient été abandonnées dans des décharges sauvages, brûlées à ciel ouvert ou rejetées dans l’environnement.
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Selon Surfrider, ClientEarth et Zero Waste France, le recyclage est « trop mis en avant par les entreprises dans la lutte contre la pollution plastique ». Mais « au-delà de l’OCDE, ces entreprises indiquent elles-mêmes le problème de la pollution plastique », ajoute Antida Citores. La porte-parole évoque par exemple la marque Danone qui communique sur l’augmentation du recours au plastique recyclé. « D’ici 2025, nos emballages pastiques contiendront en moyenne 25% de matériaux recyclés », indique la marque sur son site Internet. Mais cela ne veut pas dire que cela diminuera les risques de pollution plastique en fin de vie des emballages.
Le recyclage pas assez efficace pour lutter contre la pollution plastique
Les ONG estiment que le recyclage n’est pas une solution pour supprimer les risques environnementaux liés à l’utilisation plastique. « Il ne peut être la seule solution à la consommation excessive de plastique », insiste la coalition. Selon l’OCDE, seuls 9% des déchets plastique ont été recyclés en 2019.
Dans les activités et chaînes de valeurs des entreprises, le plastique se trouve aussi bien dans les emballages que dans les processus industriels. Il est également utilisé dans le transport des marchandises et la fabrication des matières premières. Mais aussi pour la promotion des produits avec des goodies, papiers plastifiés et publicité sur les lieux de vente. « La production de déchets plastique dans le monde a quasi doublé entre 2000 et 2019 et pourrait tripler d’ici à 2060″, alertent les ONG.
Suite à cette mise en demeure « à chaud », les ONG attendent désormais la réponse des neufs groupes épinglés. « On espère obtenir des réponses et créer un choc de déplastification », a fait savoir Antida Citores.