Un nouveau rapport de Greenpeace, intitulé « Vers le crash climatique ? Analyse des sept plus grosses compagnies aériennes européennes », passe à la loupe les performances et les engagements environnementaux des sept plus grosses compagnies aériennes européennes. Conclusion : le secteur aérien n’est « toujours pas à la hauteur' » de ses ambitions climatiques.
En 2020, alors que la Covid-19 clouait les avions au sol, le Ministère de l’économie et des finances injectait 41,9 milliards d’euros dans le secteur aéronautique. Cette aide aurait pu être l’occasion d’un verdissement pour les compagnies aériennes. Mais selon Greenpeace, cette résolution environnementale est un échec, ces dernières ratant « le coche de la crise climatique ». Dans un nouveau rapport intitulé « Vers le crash climatique ? Analyse des sept plus grosses compagnies aériennes européennes », l’ONG a examiné leurs responsabilités, engagements et performances environnementales. Les annonces et pratiques de Lufthansa, Air France-KLM, International Airlines Group (IAG), Ryanair, EasyJet, SAS et TAP Air Portugal ont été passées au crible par l’institut de recherche Observatorio de Responsabilidad Social Corporativa.
Ce dernier a comparé leurs performances avant et après les aides financières apportées lors de la pandémie de Covid-19. Les compagnies aériennes se sont vues attribuer un score pour quatre catégories différentes. Leurs engagements pour lutter contre le changement climatique, leur responsabilité employeur, leur politique en matière de dividendes et de mesures incitatives et leurs pratiques de lobbying.
Greenpeace constate « de mauvaises performances » climatiques
Le rapport relève un manque d’améliorations en matière « d’environnement, de transparence et de conditions de travail dans le secteur aérien ». Et ce, malgré les 30 milliards d’euros d’aides versées aux plus grosses compagnies aériennes européennes il y a deux ans. Néanmoins, le document témoigne d’une « marge d’amélioration substantielle concernant [leurs] engagements et performances en matière de responsabilité environnementale ». Sur l’ensemble des critères évalués, l’institut de recherches a établi un score d’ensemble de 39% en moyenne. Un résultat « médiocre » selon Greenpeace. L’ONG conclut à de « mauvaises performances en matière climatique, sociale et de responsabilité employeur ».
Pourtant, l’Association internationale du transport aérien, qui revendique 290 compagnies membres, s’est engagée en octobre dernier à atteindre « zéro émission nette de CO2 » d’ici à 2050 pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour cela, les compagnies misent notamment sur les carburants renouvelables. Elles soulignent leur volonté d’investir dans de nouvelles technologies aéronautiques, tout en décarbonant leurs opérations.
Le 8 décembre dernier, Ryanair a indiqué dans un communiqué avoir obtenu la note « B » sur la protection du climat. Note attribuée par le Carbon Disclaure Project, qui publie des données sur l’impact environnemental des plus grandes entreprises. La compagnie avait obtenu la note « B- » l’année précédente. « Au fil des ans, nous avons réduit notre empreinte environnementale, ce qui nous a permis d’être l’une des compagnies aériennes les plus efficaces sur ce plan », avait déclaré Thomas Fowler, directeur du développement durable de Ryanair. L’entreprise vise une note CDP globale de « A » au cours des deux prochaines années.
Et un manque d’engagement à court terme
Mais les solutions revendiquées par les compagnies aériennes, telles que la compensation carbone ou les « carburants durables », sont « fausses ou inefficaces » selon Greenpeace. « Les fausses solutions et le greenwashing sont toujours de mise« , a commenté Sarah Fayolle, chargée de campagne transports chez Greenpeace France. Pour limiter l’impact du changement climatique, l’association appelle à la réduction du trafic aérien.
« Les technologies de suppression totale des émissions ne sont pas disponibles et les carburants durables restent rares », reconnaît EasyJet sur son site Internet. Pour limiter leur impact climatique, la compagnie a choisi de compenser « toutes les émissions carbone issues des carburants utilisés ». En parallèle, l’entreprise affirme son soutien dans des projets de lutte contre la déforestation. Mais aussi de plantation d’arbres ou de développement d’énergies renouvelables.
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Selon Greenpeace, les sept compagnies aériennes européennes majeures émettaient 170 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Soit « plus que les émissions annuelles de la Norvège, de la Suède, du Danemark et de la Finlande réunies ». Malgré ces chiffres, une seule de ces compagnies vise une réduction absolue de ses émissions d’ici 2025. « D’ici 2025, nous aurons réduit le total des émissions de CO2 ayant un impact sur le climat de 25 % en comparaison à 2005 », affirme la société Scandinavian Airlines – SAS dans leur rubrique « Durabilité ». Contrairement à elle, la compagnie TAP Air Portugal n’affiche aucun engagement climatique.
Des objectifs de décarbonation jugés incomplets
Le secteur aérien serait responsable de plus de 3% des émissions mondiales, selon les chiffres 2021 du Parlement européen. Pourtant, selon Greenpeace, il s’agirait du transport « le plus nocif pour le climat en kilomètre par passager ». C’est pourquoi l’association appelle à la réduction de nombre de vols d’au moins 2% par an, afin de limiter le réchauffement à 1,5°C . « L’Union européenne et les gouvernements nationaux doivent accélérer la réduction du trafic aérien en commençant par la suppression progressive des vols courts et des vols d’affaires », réclame l’ONG dans une synthèse du rapport. Elle compte également parmi eux les vols de correspondance, « notamment quand il existe déjà une alternative ferroviaire ou maritime convenable ».
Parmi les sept compagnies passées au crible, aucune n’a « adopté d’objectifs annuels de réductions des émissions de GES ». Trois d’entre elles (International Airlines Group ; Ryanair et SAS) ont pourtant déclaré des objectifs climat pour les cinq prochaines années. Mais seule SAS vise une réduction absolue de 10% des émissions par passager-kilomètre. Autre observation de l’institut : si la majorité – sauf la TAP – s’engagent à la neutralité carbone en 2050, « aucune ne s’est engagée sur un objectif de décarbonation complète et réelle », soulève Greenpeace.
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Les compagnies privilégient les « carburants d’aviation durable »
En plus d’une réduction du trafic, Greenpeace perçoit un autre axe de décarbonation du secteur. « [Cela] passe d’autre part [par] le développement de carburants alternatifs basés sur 100% d’énergies renouvelables ». Seule Lufthansa a déclaré investir dans le développement de carburants de synthèse « durables », produits à partir d’électricité renouvelable. Ce qui, pour Greenpeace, « souligne la faiblesse actuelle des compagnies sur ce levier pour réduire leurs émissions ».
Au lieu d’adopter cette mesure, cinq compagnies utilisent des « carburants d’aviation durable » (Sustainable Aviation Fuels, SAF) produits principalement de biomasse. « Cependant, les SAF peuvent s’avérer très problématiques, voire entraîner des dommages environnementaux », rappelle Greenpeace. Ces dégâts concerneraient l’accélération de la déforestations ou des pénuries alimentaires. « Cette évolution de l’utilisation des SAF n’est clairement pas assez ambitieuse pour mettre le secteur aérien en conformité avec l’accord de Paris sur le climat », a conclu l’ONG.