Certaines marques s’attribuent une image écoresponsable, sans réellement agir à la hauteur de la crise écologique. Natura Sciences vous donne quelques astuces pour reconnaître une publicité pratiquant le greenwashing.
Les entreprises qui s’autoproclament « éco-responsable » sans vraiment agir à la hauteur du défi écologique existent toujours. « On n’a jamais autant parlé de greenwashing depuis 2020″, affirme Valérie Martin, cheffe du service Mobilisation citoyenne et médias à l’Ademe. Selon l’experte, c’est cette année-là que les interpellations de Valérie Masson-Delmotte, climatologue et auteure du GIEC, se multiplient contre des publicités utilisant le greenwashing.
En plus, les « réseaux de citoyens » commencent à appeler les Français à dénoncer le greenwashing des entreprises. « On assiste aussi à un phénomène de judiciarisation, ajoute Valérie Martin. Des plaintes sont déposées contre des organisations pour pratique de greenwashing ». Si les ONG se chargent particulièrement de ce rôle, les consommateurs peuvent également saisir le Jury de déontologie publicitaire (JDP).
Les ONG attaquent le greenwashing de TotalEnergies
En mars dernier, plusieurs ONG, dont Greenpeace France, les Amis de la Terre France et Notre Affaire à Tous ont assigné en justice TotalEnergies. Les associations reprochaient à la firme pétrolière des « pratiques commerciales trompeuses ». Dans un communiqué, Greenpeace explique avoir attaqué le groupe pour sa campagne publicitaire liée au nouveau nom de l’entreprise. Celle-ci aurait laissé entendre que le groupe pétrolier était « sur la bonne voie pour lutter contre les changements climatiques ».
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Plus récemment, en juin, l’association Zero Waste France a porté une plainte semblable contre les marques Adidas et New Balance. L’association reprochait la « communication mensongère » des deux marques. « Quand les marques entendent sauver la planète en vendant des baskets, Zero Waste France sort le carton rouge », assure l’ONG sur son site.
Un vocabulaire flou, facilement reconnaissable
Alors, comment reconnaitre une publicité mensongère ? Il suffit de repérer certains mots-clés. Les marques utilisant le greenwashing ne se targuent pas de grands discours sur l’écologie. Elles placent les termes « écoresponsable », « matière naturelle », « neutre en carbone » sans expliquer les engagements réels de l’entreprise. « Il y a beaucoup de mots, de phrases dans les arguments de vente qui restent assez flous et qui ne désignent pas d’action développée par la marque, affirme Alice Elfassi, juriste pour Zero Waste France. Ils induisent le consommateur en erreur sur son impact environnemental et sur l’engagement de la marque ».
Prochainement, les entreprises pratiquant ce type de publicités pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires. À partir du 1er janvier 2023, les allégations « neutre en carbone », « zéro carbone », « climatiquement neutre », « 100 % compensé » ou toute formulation de signification ou de portée équivalente seront encadrées par un décret paru le 13 avril 2022. Elles ne pourront être utilisées qu’à la seule condition que l’entreprise rende aisément accessible au public un bilan carbone complet du produit ou service, assorti d’explications détaillées sur la façon dont les émissions de CO2 sont « prioritairement évitées, puis réduites et enfin compensées. » En cas d’infraction, l’entreprise est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 100.000 euros. Les personnes physiques sont elles aussi concernées. Un tel contrevenant s’exposera à une amende d’un montant maximal de 20.000 euros.
Un manque de précisions sur la durabilité du produit
Selon Alice Elfassi, ce type de publicité mensongère se retrouverait en priorité dans le domaine de la fast-fashion. À titre d’exemple, la juriste revient sur le cas d’Adidas. La marque promouvait une paire de baskets réutilisable et mettant « fin aux déchets plastiques ». Une aberration pour l’ONG qui promeut le zéro déchet. « La marque fait croire au consommateur qu’en achetant cette basket, il va pouvoir améliorer son impact carbone comme si l’achat d’un produit neuf de ce style pouvait réduire un impact environnemental. C’est totalement absurde », déplore Alice Elfassi.
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Ainsi, une publicité usant du greenwashing induit le consommateur en erreur. Dans le même temps, l’entreprise en profite pour exagérer son implication environnementale. C’est ce que l’Ademe nomme « la promesse excessive » .« Le produit est présenté comme totalement écologique alors que seul un de ses éléments l’est », détaille l’organisme dans son guide « Anti Greenwashing ». L’Ademe précise également que les pratiques trompeuses peuvent se reconnaître grâce à un visuel dit « confus ». Ces images servent à rappeler un lien avec l’écologie : des éoliennes, un packaging vert…
Selon Zero Waste France, la précision des arguments marketing diffère entre les marques sincèrement vertueuses et celles ayant recours au greenwashing. « On voit bien la différence avec une marque qui va vraiment mettre en avant le sourcing de ses produits et sa démarche de durabilité », développe Alice Elfassi. Une bonne pratique consiste par exemple à donner des conseils pour augmenter la durée de vie d’un produit. Au contraire, une publicité pratiquant le greenwashing va taire le cycle de vie du produit, ajoute Zero Waste France.
Reconnaître les labels sérieux
En plus des mots à résonance écologique, les marques peuvent utiliser des labels qui induisent encore plus le consommateur en erreur. « Il y a des logos qui ressemblent à des labels mais qui ne le sont pas », alerte Alice Elfassi. C’est par exemple le cas de l’anneau de Möbius. Il est composé de trois flèches repliées sur elles-mêmes qui forment un triangle. Ce logo indique qu’un produit est recyclable, mais pas forcément qu’il est recyclé. Idem pour le « Tidy man ». Ce personnage jetant un déchet à la poubelle est juste là pour inciter les consommateurs à ne pas jeter leurs détritus dans la nature.
À l’inverse, les labels certifiés par l’État sont nombreux. Zero Waste France reconnaît que là aussi, le consommateur peut être confus. Toutefois, l’Ademe en recommande 400, jugés« très bons » ou « excellents ». Parmi eux, l’écolabel européen. Il existe depuis 30 ans.
Des recommandations « méconnues » ?
L’organisme va jusqu’à aider les régies publicitaires des grandes chaînes de télévision, comme TF1 ou France Télévisions, à promouvoir des produits écologiques grâce à ces labels. « Les mettre en avant permet de renforcer une connaissance de ces labels qui sont des référentiels forts et des guides pour une consommation plus responsable », estime Valérie Martin. À l’inverse, créer son propre label représenterait un risque. « Il y a des marques qui jouent avec le feu en inventant elles-mêmes une image de marque avec certains produits », alerte Alice Elfassi.
Au total, l’Ademe et l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) notent plus de 10% de manquements par rapport à la recommandation développement durable. C’est-à-dire un non-respect des normes en vigueur pour une publicité. « Cela montre très clairement aujourd’hui que l’on a des recommandations et des règles d’autorégulation qui restent largement méconnues », déplore Valérie Martin. Méconnaissance ou acte volontaire, le bilan 2019 « Publicité et environnement » de l’Ademe est clair. Le greenwashing concerne la majorité des non-conformités publicitaires.