L’ONG Ifaw publie un rapport révélant le rôle de fournisseur de l’Union Européenne alors que plusieurs espèces de requins sont menacés d’extinction. La France est classée quatrième importateur d’ailerons de requins, derrière l’Espagne, le Portugal et les Pays-Bas.

C’est un constat dévoilé ce mardi 1er mars. Le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) révèle dans un rapport le rôle de l’Union Européenne (UE) dans le commerce mondial de requins. Intitulée « L’offre et la demande : Le rôle de l’UE dans le commerce mondial de requins », l’étude bat en brèche l’idée selon laquelle les marchés asiatiques seraient les seuls responsables. Ce commerce incontrôlé menace d’extinction de nombreuses espèces. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) compte à ce jour 37% des requins et raies sur sa liste rouge des espèces menacées.
L’Union Européenne, grand fournisseur de viande de requin
Le rapport fournit une vision approfondie du rôle de l’Union Européenne. L’IFAW s’est pour cela appuyé sur l’analyse de données douanières. Parmi elles, la région administrative spéciale de Hong Kong, de Singapour et de la province chinoise de Taïwan. Celles-ci recouvrent les importations et exportations d’ailerons et de viande de requin sur la période de 2003 à 2020. Au total, 188.368 tonnes de produits à base d’ailerons de requins ont été importés sur ces territoires. 28% de ces importations proviennent de l’Union européenne avec un total de 53.407 tonnes. Depuis 2017, le rôle de l’Union Européenne s’est intensifié. En 2020, le continent représente désormais près la moitié des importations d’ailerons de requin (45%).
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Le rapport révèle par ailleurs le classement des cinq principaux pays qui prennent le plus part à ce commerce d’ailerons de requin. L’Espagne occupe la première place avec 51.795 tonnes d’ailerons,très loin devant le Portugal (642), les Pays-Bas (621), la France (295). L’Italie, en cinquième position (25), joue en revanche un rôle important dans les exportations en direction de l’Asie. Le pays y a envoyé 4.245 tonnes sur la période étudiée. Mais alors que les exportations mondiales d’ailerons de requin vers Hong Kong, Singapour et la province de Taïwan ont diminué, le rapport montre que les exportations de l’UE ont augmenté en proportion.
Hormis l’Union Européenne, la viande de requin reste aussi fortement « consommée en Amérique du Sud et en Corée du Sud », selon le rapport. Toutefois, ces pays n’ont pas été analysés dans le cadre de l »étude.
La population de requins en déclin dans le monde
Les requins comptent plusieurs espèces menacée d’extinction. Le rapport indique que 50% des espèces de requins sont menacées ou quasi menacées d’extinction. Par exemple, les requins pélagiques on vu leurs populations « diminuer de plus de 70% en seulement 50 ans », précise un communiqué d’IFAW. Selon une étude récente, environ 20 % des récifs sont dépourvus de requins. « Les espèces de requins disparaissent car les efforts de gestion fragmentaires déployés jusqu’à présent ne parviennent pas à enrayer leur déclin », indique Barbara Slee, co-autrice du rapport et responsable CITES UE – Conservation Marine à IFAW.
L’IFAW accuse principalement « la demande internationale d’ailerons et de viande de requin », ainsi que « l’absence généralisée de gestion des captures et du commerce des espèces de requins » d’être à l’origine de tels résultats. « Il a pourtant été démontré qu’une gestion efficace permet de reconstituer les populations de requins », réaffirme l’IFAW dans un communiqué. C’est ce que prétend également la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Depuis 2003, le nombre d’espèces inscrites par l’organisme en Annexe II ont augmenté. Sur 400 espèces de requins existantes, la CITES en comptait deux en 2003 puis huit en 2014. L’annexe II correspond à la liste des espèces pouvant être menacées « si le commerce de leurs spécimens n’était pas étroitement contrôlé ».
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L’Union Européenne appelée à mieux gérer « son rôle dans le commerce mondial des requins »
Suite à ces observations, l’IFAW a établi des recommandations à l’UE pour que celle-ci « gère mieux son rôle dans le commerce mondial des requins ». L’ONG demande notamment une amélioration de l’enregistrement des données « grâce à une révision des codes de marchandises du système harmonisé « .

Elle exige également que toute espèce de requin marchandée soit inscrite à l’Annexe II de la CITES. « L’UE a une responsabilité importante pour garantir l’exactitude des registres commerciaux, insiste Barbara Slee. Assumer un tel rôle de leader encouragerait sans aucun doute d’autres acteurs à en faire autant, ce qui participerait à un avenir meilleur et durable pour les requins ».
Des mesures adoptées dans d’autres pays
Alors que les soupçons de ce commerce se tournent plus globalement vers les pays consommateurs en Asie, IFAW tient à rappeler le rôle de l’Europe dans le déclin mondial des populations de requins. « Tous les pays disposant de flottes de pêche qui opèrent au niveau international et qui commercialisent des produits à base de requin ont leur part de responsabilité dans le déclin des populations de requins », indique Stan Shea, directeur du programme marin de l’association Bloom et également co-auteur du rapport.
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Le document remis par IFAW rappelle également que d’autres gouvernements, principalement le Canada et le Royaume-Uni, ont « pris des mesures de précaution importantes ces dernières années pour interdire leur commerce d’ailerons ». Ces décisions surviendraient en raison de « préoccupations fondées en matière de durabilité ». L’ONG appelle alors l’UE à « respecter ses ambitions en matière de biodiversité et de durabilité ». « Une action de l’UE visant à mieux surveiller et contrôler le commerce des produits à base de requin et à plaider pour des limites de commerce durable (…) permettrait de faire évoluer les marchés mondiaux en faveur d’un meilleur avenir durable pour les requins », avertit à son tour le rapport.