30 organisations écologistes et 28 députés de la Nupes déposent un recours au Conseil d’État pour carences dans l’homologation des pesticides. Ils dénoncent notamment l’absence d’analyses de toxicité à long terme des pesticides commercialisés.
Le débat autour de la toxicité des pesticides ne faiblit pas au niveau européen et lorsque la Cour de Justice de l’Union Européenne publie des arrêts qui leur donnent raison, cela renforce les ONG dans leurs combats. Sur la base d’une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne rendue en 2019, 30 organisations écologistes, dont Générations Futures, la Confédération paysanne et l’ Union Nationale de l’Apiculture Français, ainsi que 28 députés de la Nupes déposent un recours devant le Conseil d’État. Cette institution publique tranche les litiges opposant, entre autres, les associations aux administrations. Les requérants demandent l’instauration de tests au niveau national pour s’assurer de l’innocuité à long terme des pesticides commercialisés en France.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et la Commission nationale de déontologie d’alerte en santé en environnement ont en effet confirmé l’absence d’étude de toxicité à long terme sur les formulations complètes, affirme Andy Battentier, directeur de campagne de la coalition d’associations Secrets Toxiques.
Comment se fait l’évaluation de la formulation des pesticides?
Rappelons qu’un pesticide résulte globalement de l’association de deux types de substances : une ou plusieurs matières actives qui confèrent au produit l’effet désiré et plusieurs additifs qui renforcent l’efficacité de ce même produit.
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L’autorisation de mise sur le marché des pesticides se fait en deux phases. Au niveau européen, l’Efsa évalue les substances actives déclarées par les industriels. Elle doit aussi prendre en compte son comportement dans au moins une formulation comprenant à la fois la matière active associée à des additifs. Revient ensuite à chaque agence sanitaire des États membres la charge de délivrer les autorisations de mises sur le marché de l’ensemble des formulations commerciales autorisées à la vente dans le pays. Mais « il n’y a aucune évaluation sur le produit complet à long terme », dénonce Guillaume Tumerelle, avocat de la campagne Secrets Toxiques.
« Que ce soit au niveau européen ou français, à aucun moment il n’y a de données expérimentale qui porte sur la toxicité à long terme de la formulation », abonde Andy Battentier. Il alerte : « Les agences de sécurité sanitaires se basent sur une extrapolation de la toxicité : elles estiment pouvoir déduire la toxicité du mélange de molécules présentes dans la formule à partir de la toxicité connue de chacun des composés qui sont présents dans la formule. » Cela revient à ignorer l’effet cocktail des perturbateurs endocriniens.
Que dit la décision de la Cour de Justice?
Dans son arrêt du 1er octobre 2019, la Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle que le règlement n°1107/2009 qui encadre la mise sur le marché des pesticides sur le territoire européen ne demande que des « tests sommaires ». « Ce règlement ne prévoit pas de manière détaillée la nature des essais, des analyses et des études auxquels les produits phytopharmaceutiques doivent être soumis avant de pouvoir bénéficier d’une autorisation », reconnait toutefois la Cour. En ce sens, elle précise qu’ « il ne saurait être conclu que le règlement n°1107/2009 dispense le demandeur de fournir des tests de carcinogénicité [pour savoir s’il peut provoquer ou favoriser un cancer, ndlr] et de toxicité à long terme ».
Sur la base du principe du précaution, les agences sanitaires nationales devraient donc vérifier que les dossiers présentés permettent d’ « écarter […] le risque que ce produit présente une telle carcinogénicité ou toxicité », assure la Cour de Justice de l’Union européenne. Dans ce contexte, elle reconnait que les tests sommaires « ne sauraient suffire à mener à bien cette vérification ». Dans ces conditions, Philippe Piard, co-président de Secrets Toxiques et président du groupe Nature & Progrès Aveyron explique « porter ce recours pour demander une réelle application de la réglementation et donc une étude correcte, complète, suffisante, scientifique, des formulations complètes ». Car au final, ce sont bien ces formulations qui se retrouvent dans les champs et en traces dans nos assiettes.