Les aires marines protégées pourraient devenir un outil incontournable des politiques d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Selon une nouvelle étude, la protection d’écosystèmes océaniques pourrait en effet avoir de nombreux avantages écologiques et sociétaux.
Les aires marines protégées (AMP) contribuent efficacement à l’atténuation des effets du changement climatique et à l’adaptation écologique et sociale. La démonstration est apportée par une nouvelle étude parue dans One Earth ce 21 octobre. « Les AMP permettent d’avoir une séquestration du carbone supérieure à une situation sans aire marine protégée », assure Joachim Claudet, co-auteur de cette étude, directeur de recherche CNRS au Criobe et président du conseil scientifique de la plate-forme Océan et Climat. Il poursuit. « La protection des habitats permet en plus d’avoir une meilleure protection des côtes en atténuant la puissance des vagues et donc l’érosion. Cela permet en plus d’avoir plus de biodiversité, plus de biomasse et d’augmenter la capacité de reproduction des organismes marins. En plus, et c’est la première synthèse qui le montre : les AMP permettent d’augmenter les captures et surtout les revenus des pêcheurs. »
Mais pour atteindre ces résultats, les AMP doivent être intégralement ou hautement protégées, montre l’étude. « On s’intéresse de plus en plus à développer des AMP qui soient « climate smart », c’est-à-dire qu’elles puissent s’adapter intelligemment au changement climatique, explique Joachim Claudet. On entend par là qu’elles soient aux bons endroits, même quand les populations animales se déplaceront à cause du changement climatique, poursuit le chercheur. C’est très bien de réfléchir à cela, mais il faut augmenter le niveau de protection des AMP existantes plutôt que de chercher à les mettre dans des endroits qui seront résilients au changement climatique. »
Réviser les engagements climatiques des pays
Pour démontrer ces résultats, des scientifiques du Criobe, au sein d’une équipe internationale, ont analysé 22.403 articles de recherche consacrés aux AMP. En utilisant deux approches statistiques complémentaires, ils ont pu aboutir à des évaluations qualitatives et quantitatives.
Ces résultats pourraient être utilisés dans le cadre des négociations climatiques et de l’Accord de Paris pour mettre à jour les engagements des pays qualifiées de « contributions déterminées au niveau national » (CDN). Car aujourd’hui les CDN ne prennent en compte que les écosystèmes de carbone bleu. Il s’agit des marais salants, des herbiers et des mangroves pour la partie océanique. « Les écosystèmes de carbone bleu sont reconnus par la convention des nations unies pour le changement climatique et par le GIEC comme des écosystèmes à fort pouvoir de séquestration, c’est pour cela qu’ils sont comptabilisés dans les NDC des pays », explique Joachim Claudet.
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Un potentiel de séquestration mondial sous-exploité
Actuellement, les pays comptent faire beaucoup avec de faibles étendues. L’étude recense notamment le potentiel de séquestration de ces différents écosystèmes. Ainsi, les 83.495 km2 mangroves pourraient séquestrer plus de 6 milliards de tonnes de carbone au niveau mondial. Les 128.000 km2 de marais salants pourraient en séquestrer plus de 5 milliards. Les 266.562 km2 d’herbiers auraient un potentiel de séquestration jusqu’à 4 milliards de tonnes.
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Les sédiments ont un pouvoir de séquestration du sédiment par unité de surface bien moindre que la mangrove ou les herbiers. Mais leur étendue à l’échelle océanique est bien plus considérable. Selon l’étude, les 348 millions de km2 de sédiments pourraient ainsi séquestrer plus de 3.000 milliards de tonnes de carbone. Mais ce chiffre s’accompagne d’énormes incertitudes.
Des incertitudes à lever sur le potentiel de séquestration des sédiments
Le chercheur insiste : les incertitudes restent considérables. Et les besoins en recherche demeurent importants pour évaluer plus précisément le potentiel de séquestration de carbone mondial des sédiments. « Le pouvoir de séquestration du sédiment très variable selon le type de sédiments, la latitude et la profondeur, avance Joachim Claudet. Il faut lancer plusieurs études pour étudier les potentiels de séquestrations dans davantage de conditions différentes. »
En attendant, « le fait d’empêcher le chalutage à large échelle pourrait avoir un impact conséquent sur la séquestration du carbone », prévient le chercheur. Et puisque 64 % de l’océan se trouve en dehors de juridictions nationales, l’étude souligne l’importance que les négociations en cours sur un traité pour la haute mer aboutissent et permettent la création d’outils de gestion comme les AMP.