Entre législation nationale et européenne, la France pourrait s’appuyer sur de nombreux textes pour protéger ses sols. Malheureusement, le bétonnage l’emporte toujours et la résistance au changement demeure importante, malgré les alertes de l’Europe.
La France est davantage touchée par l’artificialisation des sols que d’autres pays européens. L’artificialisation de la France et de l’Europe inquiète la Commission européenne qui a proposé, dans son rapport de mai 2011, trois grandes mesures :
– Développer une approche axée essentiellement sur la limitation de la progression de l’imperméabilisation des sols « par une amélioration de l’aménagement du territoire ».
– L’atténuation de ses effets « lorsque l’imperméabilisation des sols ne peut être évitée ».
– La compensation des pertes de sols de grande valeur par l’adoption de mesures dans d’autres secteurs. « Ces mesures peuvent se présenter sous la forme de paiements, comme dans la République tchèque et en Slovaquie, ou d’actions de remise en état de sols déjà imperméabilisés ».
Toutefois l’Europe se trouve confrontée à la réticence de certains pays dont la France, opposés, depuis 2006, à la directive cadre sur les sols. Ce texte prévoit que les États membres recensent les zones dans lesquelles il existe un risque d’érosion, de diminution des teneurs en matières organiques, de tassement, de salinisation ou de glissement de terrain. Les pays devront ensuite fixer des objectifs et adopter des programmes pour réduire ces risques. Ils doivent également prévoir des mesures permettant de limiter l’imperméabilisation des sols, notamment en réhabilitant les sites désaffectés, ou, lorsque l’imperméabilisation est nécessaire, en atténuer les effets. Depuis lors, le projet de loi est suspendu.
La France ne ménage plus ses sols. Les lois de décentralisation ont confié aux élus locaux la planification urbaine et donc la rédaction des Plans locaux d’urbanismes (PLU). Il est ainsi de leur responsabilité de bétonner les surfaces agricoles, ou autres, de leur commune. La Fédération nationale de SAFER tente de sensibiliser les conseils municipaux pour inciter à un meilleur respect du zonage des PLU. La Fédération veut pour cela permettre aux SAFER locales de mieux user de leur droit de préemption foncière défini par l’article 143-2 du Code rural.
Signe d’une incohérence totale, la loi Grenelle II du 12 juillet 2010 a modifié plusieurs aspects environnementaux du PLU dont la prise en compte de la trame verte et bleue, censée garantir la continuité écologique des territoires. Mais la fragmentation continue, à coups de routes et de zones pavillonnaires. Sur les côtes, le PLU entre parfois en contradiction avec la loi littorale et les mairies accordent, comme en Corse, des permis de construire sur des zones protégées, violant la loi.
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Nul n’est censé appliquer la loi
L’avenir ne présage rien de bon puisque le Président Nicolas Sarkozy vient de promettre un relèvement de 30% des droits à construire sur les terrains et habitations, afin de répondre à un besoin croissant de logements. France Nature Environnement, la Ligue pour la Protection des Oiseaux et la Ligue ROC dénoncent une mesure incapable de répondre correctement aux objectifs de création de logements et de densification.
Les associations demandent l’application des lois existantes, qui permettraient d’augmenter le droit à construire sous condition de réalisation de logements locatifs sociaux avec dépassement possible du COS de 50%. C’est la loi Boutin de 2009 qui a synthétisé ce dispositif mis en place antérieurement.
La loi POPE (Loi Programme des orientations de la politique énergétique) de 2005 prévoit quant à elle la possibilité d’un dépassement de COS, dans la limite de 20%, pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique ou comportant des équipements de production d’énergie renouvelable.
Ces deux mesures, si elles étaient appliquées, permettraient de proposer des logements tout en préservant relativement les zones agricoles et naturelles.
Autre faille de l’arsenal législatif : la loi de Solidarité et Renouvellement Urbains (SRU) qui impose aux communes de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux mais qui reste ignorée par certaines communes. L’impératif agro-écologique de sauvegarde des sols se heurte ici à une réticence sociale d’une population qui ne veut pas en côtoyer une autre sur son territoire.
Enfin, il existe, selon l’INSEE, plus de deux millions de logements vacants en France. Par leur réhabilitation, associée à une revitalisation des centres-villes, il serait possible de loger plus de personnes sans déborder sur la campagne.
Les associations susvisées demandent par ailleurs au gouvernement de protéger les sols en deux points : atteindre zéro artificialisation nette du territoire à l’horizon 2025 et mettre fin à l’irréversibilité de l’artificialisation. Pour tout hectare artificialisé, un hectare serait renaturalisé (friches industrielles, friches commerciales, friches militaires, zones Seveso…)
Dernière initiative malheureuse : le chantier « Vers un urbanisme de projet », initié en juin 2010 par Benoist Apparu, Secrétaire d’Etat chargé du Logement. Le projet de texte allège les procédures d’évolution des PLU pour permettre un mitage allant jusqu’à 5% des zones agricoles ou naturelles. Par ailleurs, le dispositif, sur son volet fiscal, permettrait de mobiliser les terrains constructibles non bâtis dont une bonne part se situe en périphérie des villes, donc dans les champs et les terrains boisés.
Il apparaît donc clairement un manque d’organisation des lois et réglementations qui s’additionnent au gré des vents politiques sans tenir compte de la cohérence de leur application.
Aides anti-biodiversité
Le Centre d’analyse stratégique (CAS) a publié un rapport, en octobre 2011, qui tente de recenser de manière exhaustive l’ensemble des aides nuisibles à la biodiversité. Parmi elles, figurent les aides à l’acquisition de l’habitation principale. Le rapport indique que: « Le prêt à taux zéro […] est un prêt dont les intérêts sont pris en charge par l’État pour l’achat d’une première résidence principale ». « Le zonage du prêt à taux zéro + (PTZ+), défini par l’arrêté du 29 avril 2009 modifié relatif au classement des communes par zone applicable à certaines aides au logement, est un découpage géographique en fonction des prix de marché, non pas en fonction des impératifs sur l’occupation des espaces et l’étalement urbain ». Il est précisé « De plus, la variation du montant du PTZ en fonction de la performance énergétique encourage l’acquisition de logements neufs et par suite leur construction, au détriment de la réhabilitation : or la réhabilitation n’entraîne pas une consommation d’espaces naturels ».
S’ajoutent à cela les aides pour la construction de logements neufs comme la loi Scellier et autres dispositifs fiscaux qui incitent à l’étalement.
Auteur : Christofer Jauneau, contribution volontaire
Bravo pour cette article dénonçant les mesures existantes antibiodiversité comme la fameuse loi SRU que les maires brandissent à tour de bras sous le prétexte de logements sociaux (et qui n’occupent en réalité qu’un tiers de ces programmes) ce qui leur permet de détruire en toute légalité les zones NATURELLES souvent déclassées lors de demande simplifiée de modification du PLU qui n’est qu’une simple formalité! On voit ainsi se développer des projets de logements là, dans des zones « inondables » en limite de zone NATURA 2000, des parcs d’activités et un golf en zone NATURA 2000, ailleurs dans un parc « site inscrit » entourant un château du 18e: tout ceci dans la CUB de Bordeaux: mais il n’est jamais question de réhabiliter les logements existants ni de transformer les immeubles à bureaux « à louer » depuis X années en logements: Comme autre justification de ces projets c’est aussi, outre la loi SRU, la réalisation d’éco-quartiers! Et c’est ainsi qu’est en train de sortir de terre « Ginko » écoquartier sur 25ha d’espaces naturels boisés qui nous pollue également la vue par ses panneaux publicitaires immenses nous incitant à investir pour ceux qui ont des sous! dans ce programme gigantesque!
Françoise de Naturjalles