La pénurie de carburants aurait pu les rebuter, mais il n’en est rien. En dépit de la crise des carburants qui les enquiquine, les Français restent attachés à leur voiture. Malgré une prise de conscience écologique, les alternatives de mobilité manquent, et font les affaires de l’automobile.

Les voitures, ça pollue. Beaucoup. En témoigne la fumée aux abords des stations-essence prises d’assaut en cette période de pénurie des carburants. Selon le ministère de la Transition écologique, le transport routier représente 24 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il est même la troisième plus grosse source d’émissions mondiales de gaz à effet de serre. Les deux seules activités plus polluantes sont la production d’énergie et l’industrie. Du fait des gaz d’échappement des véhicules thermiques, le transport routier engendre des conséquences néfastes sur la santé. Santé Publique France indique que 48.000 décès pourraient être attribués chaque année à la pollution aux particules fines PM2,5. Or, leur concentration dans l’air augmente fortement aux abords des axes routiers.
Logiquement, ces chiffres devraient inquiéter les Français. Mais paradoxalement, lorsqu’il s’agit de voiture, leurs préoccupations écologiques s’envolent. En effet, selon l’édition 2019 du rapport de l’Observatoire Cetelem de l’automobile intitulé “Le mystère de la voiture électrique”, 66% des automobilistes de 16 pays du monde entier interrogés désignent la voiture comme principale coupable de la pollution. Les conducteurs français, eux, ne sont que 46% à le penser.
75 % des conducteurs Français ne se voient pas vivre sans voiture
En dépit de cette incohérence, les Français assurent que leur conscience écologique est grandissante. Selon une analyse du Commissariat général au développement durable sur le mode de vie et les pratiques environnementales (CGDD), 80% d’entre eux se disent très sensibles aux questions écologiques. Malgré cela, Flavien Neuvy, directeur de l’Observatoire Cetelem, craint que les automobilistes hexagonaux persistent à conserver leur véhicule. « La dimension environnementale n’est citée que par 8% des personnes qui ont abandonné la voiture », explique-t-il. En clair, l’écologie ne semble pas être un argument suffisant pour laisser définitivement Titine au garage.
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Laurent Fouillé, sociologue urbaniste indépendant et auteur d’une thèse sur l’attachement à l’automobile, partage cet avis. « Il y a longtemps eu l’espoir d’une nouvelle génération consciente du réchauffement climatique, qui bousculerait les habitudes pour utiliser moins la voiture. Mais les problématiques étaient, et sont toujours, les mêmes. Beaucoup d’offres d’emploi demandent obligatoirement le permis B. On a beau dire que la voiture c’est mal, que ça pollue, mais pour beaucoup ça reste indispensable », rappelle l’expert.
En effet selon le dernier rapport de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, la voiture est toujours perçue comme étant incontournable. 75 % des conducteurs français déclarent ne pas se voir vivre sans. Cet attachement fort à l’auto dépasse nos frontières nationales. Aux Pays-Bas par exemple, pourtant nation du vélo, cette proportion est de 82 %. En revanche en Norvège, le ratio s’inverse. L’étude indique que dans ce pays scandinave, 65% des automobilistes se disent prêts à se séparer de leur véhicule.
Les mobilités douces ne sont pas partout
Le premier argument avancé par les automobilistes pour conserver leur voiture est l’impossibilité de se déplacer autrement. Si des solutions de mobilité existent dans les grandes agglomérations, ce n’est pas le cas partout. « Beaucoup de gens habitent en zone rurale ou périurbaine où il n’y a pas d’alternative concrète à la voiture. Elle y est donc un besoin absolu. S’ils n’ont plus de voiture ils ne peuvent plus vivre, confirme Flavien Neuvy. Il y a deux France qui ne vivent pas la même chose : il y a la France des territoires, de la ruralité, et la France des villes. Cette fracture territoriale va vraiment en s’accélérant. Plus on aura des villes riches en mobilités alternatives plus la place de la voiture reculera. À l’inverse, dans les zones rurales et périurbaines, la voiture restera reine.”
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Selon des chiffres Padam Mobility, une entreprise française spécialiste des solutions de mobilité partagée, 70% des déplacements en zone rurale française sont effectués en voiture et 22% à pied. Cela signifie que seulement 8% de la population rurale utilise les transports collectifs pour effectuer les trajets du quotidien. Il y a ainsi une nette césure entre le monde rural et le monde urbain. Le dernier rapport de l’Observatoire Cetelem indique que dans les campagnes françaises, l’usage quotidien de la voiture est perçu comme incontournable pour 64% des trajets. Dans les villes, cette proportion tombe à 36%.