Ce 25 avril, la Commission européenne a publié une feuille de route concernant la réglementation des produits chimiques. Les associations saluent une avancée concernant l’interdiction de produits dangereux pour la santé et l’environnement mais restent prudentes. Point sur la situation en cinq questions clefs.
Biberons, jouets, crème solaire … La composition de ces produits du quotidien pourrait être revue d’ici 2030. Ce lundi 25 avril, la Commission européenne a en effet dévoilé une nouvelle feuille de route concernant la réglementation des substances chimiques dangereuses pour la santé et l’environnement. Décryptage en cinq points de cette avancée relativement saluée par les associations.
Qui encadre les produits chimiques que fabrique et importe l’UE ?
L’Union européenne (UE) fabrique chaque année plus de 300 millions de tonnes de produits chimiques. Entré en vigueur en 2007, le règlement Reach (Regulation on registration, evaluation, authorisation and restriction of chemicals) impose de recenser, évaluer et contrôler ces substances fabriquées, importées et mises sur le marché européen. Les industriels doivent ainsi systématiquement enregistrer leurs substances auprès de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques). Au début des années 2000, il s’agissait d’une des réglementations les plus ambitieuse au monde.
Toutefois, au fil des ans, cette réglementation s’est révélée limitée. Notamment, en décembre, l’ECHA révélait que la majorité des produits vendus en ligne ne respectent pas les exigences de Reach. Surtout « Reach ne s’adresse qu’à des produits dans certains tonnages et il n’y a pas de système d’autorisation de mise sur le marché préalable », explique François Veillerette, porte-parole de l’ONG Générations futures.
Que va changer la nouvelle feuille de route de la Commission européenne ?
Publiée ce 25 avril, la nouvelle feuille de route de la Commission européenne concernant la réglementation des produits chimiques s’inscrit dans le cadre d’une stratégie pour plus de durabilité dans le domaine et dans le contexte du Pacte vert européen.
La modification majeure annoncée concerne le passage d’une évaluation des risques par substance à une évaluation par famille. « Traditionnellement, l’UE réglemente les produits chimiques un par un, une approche qui n’a pas réussi à suivre le développement industriel d’un nouveau produit chimique toute les 1 à 4 secondes », estime le Bureau européen de l’environnement. François Veillerette précise : « La commission veut changer de stratégie, elle va restreindre fortement ou bannir des familles de produits entières et plus seulement des substances. C’est une approche plus réaliste ». Cette approche permettra également de réduire le risque de substitution de substances dangereuses par une autre de la même famille. En 2010, de nouveaux bisphénols avait remplacé le bisphénol A après son interdiction.
Quels produits chimiques sont concernés ?
Au cours des treize dernières années, l’Union européenne a interdit près de 2 000 produits chimiques dangereux. Le Bureau européen de l’environnement estime que cette nouvelle réglementation conduira à l’interdiction de 5 000 à 7 000 produits chimiques à l’horizon 2030. « Jusqu’à présent, les interdictions prenaient surtout en compte les propriétés cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Là, la commission insiste aussi sur les perturbateurs endocriniens, ce qui concerne des milliers de substance », explique François Veillerette.
Ainsi, les phtalates, bisphénols, PVC, parabens, éthers de glycols, PFAS et retardateurs de flammes sont dans le viseur de la Commission. Ils se trouvent actuellement dans de nombreux produits du quotidien : jouets, emballages alimentaires, biberons, crèmes solaires … Les travaux sont « très avancés » pour six familles de substances examinées par l’ECHA, les États et la Commission en vue d’un projet d’interdiction progressive, indique l’AFP.
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Quand cette réglementation entrera-t-elle en vigueur ?
Cette feuille de route de la Commission européenne prévoit une révision du règlement Reach en profondeur d’ici 2027. Elle indique ensuite vouloir éliminer les substances chimiques les plus dangereuses pour la santé et l’environnement dans les produits de grande consommation à l’horizon 2030.
Est-ce une avancée suffisante ?
« Nous ne boudons pas le plaisir de voir une feuille de route correcte mais nous restons prudents« , tempère François Veillerette. En effet, le porte-parole de Générations futures met en garde contre l’introduction de dérogations selon le concept « d’utilisation essentielle ». Celle-ci implique que la Commission pourrait exceptionnellement autoriser certains produits chimiques dangereux. « On demande que les systèmes dérogatoires soient les plus fermés possibles et limités dans le temps. On veut que l’exception de la dérogation reste une exception », martèle-t-il.
Par ailleurs, le porte-parole souligne que la mise en œuvre de cette réglementation ne pourra pas avoir lieu sans le concours des états membres. « Nous appelons les états membres à être partenaires de cette mise en acte et pas forces de résistance, explique-t-il. Emmanuel Macron nous a promis un nouveau quinquennat plus écologique. Il a là l’occasion de le prouver ».