Les rendements des cultures sont impactés par le dérèglement climatique, montre une étude de chercheurs de l’université de Stanford, qui dresse un constat des cinquante dernières années. Riz, blé, orge, soja et maïs… pourra-t-on encore en manger demain ?

L’agriculture est en première ligne de la fièvre qui agite la planète. Pour mesurer l’ampleur des symptômes, des chercheurs de l’université de Stanford se sont penchés sur les cinq cultures les plus courantes dans le monde : le riz, le blé, l’orge, le soja et le maïs. Ils se sont intéressés au rendement agricole – autrement dit, la quantité de récolte obtenue sur une surface donnée, par exemple une tonne de blé par hectare. C’est un indicateur clé pour savoir si une terre agricole produit plus, ou moins, qu’avant.
« Sur les cinquante dernières années, nous observons une baisse mondiale de rendement moyenne de 1,2% des cultures par rapport à un monde sans émissions de gaz à effet de serre », explique David Lobell, écologue agricole et auteur principal de l’étude. Ce chiffre cache de nombreuses nuances. Sur les cinquante dernières années, la perte de rendement moyenne est de – 3,6% pour le blé, – 4,2% pour le maïs et – 6,4% pour l’orge.
Plus de nourriture pour les cultures, mais des impacts dévastateurs
Rejeter du CO2 dans l’atmosphère en brûlant du pétrole ou du charbon, n’a pas pour premier effet de baisser les rendements. Au contraire. « Plus de carbone dans l’air, c’est plus de nourriture pour les plantes, et en général plus de production », explique Denis Fabre, écophysiologiste au Cirad à Montpellier. Par exemple, le rendement du blé serait 6,4% plus important ces 50 dernières années « grâce » à l’augmentation de concentration de CO2 dans l’air. Pour le soja, le bond en avant va même jusqu’à 10%.
Sauf que les émissions humaines de gaz à effet de serre ont aussi la fâcheuse tendance de modifier le climat. Exacerbation des évènements extrêmes, incendies, perte de biodiversité… autant de problèmes engendrés qui au contraire réduisent les rendements. « Il y a énormément de mécanismes qui font que le dérèglement climatique impacte les cultures, explique Denis Fabre. Par exemple, plus il fait chaud, moins les plantes peuvent transpirer. Leurs stomates – l’équivalent de nos pores de peau – se ferment et ne permettent plus d’évacuer la chaleur. Pour le blé, le maïs et l’orge, la perte de rendement due au dérèglement du climat est plus importante que la hausse de rendement permise par l’apport de CO2.
Le riz et le soja ont vu leur rendement augmenter
Au contraire, pour le riz et le soja, le boost de rendement grâce au CO2 supplémentaire surpasse pour l’instant les effets climatiques. + 5,5 % pour le riz, + 4,7 % pour le soja. Cela ne les empêche pas pour autant de subir d’autres problèmes environnementaux, notamment la pollution. Une récente étude a ainsi montré que le dérèglement climatique augmentait la concentration d’arsenic dans le riz.
Aussi, pour ces deux cultures, la situation bénéfique n’est sûrement que temporaire, prévient Denis Fabre. La période étudiée s’étalait de 1974 à 2023. À l’avenir, le dérèglement climatique frappera d’autant plus les exploitations, et il est peu probable que la hausse de CO2 renforce certains rendements pendant encore longtemps.
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Des continents frappés de manière inégale
Dérèglement climatique partout, justice nulle part. Encore une fois, les territoires sont inégaux face à l’impact du dérèglement climatique. Le continent nord-américain, bien que premier émetteur de gaz à effet de serre historique, est particulièrement épargné par les phénomènes d’assèchement de l’air et la perte de rendement du blé. Au contraire, les espaces les plus touchés sont l’Europe centrale et les pays tropicaux.
Mais les auteurs remarquent que le danger guette tous les pays, du fait d’un système agricole mondialisé. « La perte de rendement dans le futur sera bien plus importante que les cinquante dernières années », prévient David Lobell, écologue agricole et auteur principal de l’étude. Pour lui, le modèle agricole financiarisé peut en payer le prix. « Des estimations montrent qu’un choc de 5 % de l’offre totale de calories entraîne une augmentation de 30 % des prix. »