L’Anses confirme l’impossibilité de garantir la dégradation totale des produits en plastique dits « biodégradables », « biosourcés » ou « compostables » en compost domestique ou collectif avec les normes actuelles. L’agence sanitaire demande leur exclusion pure et simple et leur redirection vers des composteurs industriels. Explications.
Plus d’un Français sur trois composte ses déchets dans des composteurs domestiques ou collectifs. Ils y valorisent leurs épluchures, marc de café, feuilles de thé, fleurs fanées, tontes de gazon, végétaux frais… Et certains y placent même leurs sacs et autres emballages en plastique qualifiés de « biodégradables » ou « compostables ». Mais cette dernière pratique serait à exclure, selon une nouvelle expertise de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Cet avis s’avère d’autant plus important que la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire prévoit l’obligation du tri des biodéchets à domicile, ou en points d’apports volontaires, à partir du 1er janvier 2024.
L’agence sanitaire conclut à la nécessaire exclusion de tout produit plastique des composteurs domestiques ou collectifs. Elle recommande leur réorientation vers les composteurs industriels. L’Anses préconise aussi de revoir la réglementation encadrant le compostage. Il faudrait y « interdire toute allusion voire incitation à mettre des matières plastiques dans un compost domestique » et revoir les normes entourant la biodégradabilité avec notamment des critères plus contraignants, estime-t-elle.
Plastique compostable, biosourcé ou biodégradable ?
L’Anses confirme l’impossibilité de garantir la dégradation totale des plastiques dits « biodégradables », « biosourcés » ou « compostables » dans un compost domestique ou collectif. Pour bien appréhender cette difficulté, il faut comprendre la différence entre ces types de plastique. D’abord, les plastiques qualifiés de « biodégradables » sont censés disparaître sous l’action de microorganismes, sans critère de temps. « La propriété de biodégradable se réfère à un polymère ou un matériau qui peut être métabolisé par la microfaune et la microflore de l’environnement, explique Emmanuelle Gastaldi, professeure associée à l’Université de Montpellier. En clair, les microorganismes vont manger le plastique et utiliser le carbone qu’il contient pour croître. « Il est important de préciser les conditions [d’humidité et de températures, ndlr] associées à cette biodégradation », ajoute la chimiste pour s’assurer qu’il va réellement disparaître en conditions réelles. Le souci est que les emballages ne mentionnent pas ces conditions.
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Ainsi, les industriels ont développé des plastiques dits « compostables ». « Le mot compostable se réfère à un objet qui va se biodégrader dans des conditions de compostage normalisées », prévient Emmanuelle Gastaldi. Il existe deux normes : la NF EN 13432 pour le compostage industriel et la NF T51800 pour le compostage domestique. Les plastiques vont en plus « répondre à des exigences spécifiques en termes de désintégration, de composition et d’écotoxicité de ses produits de biodégradation », précise-t-elle. Selon ces deux normes, les plastiques doivent notamment se dégrader à plus de 90 %. Ce résultat doit arriver dans un délai de 6 mois maximum en conditions industrielles, 12 mois en conditions domestiques. Dans les composteurs toutefois, difficile de vérifier que les critères nécessaires pour atteindre ces résultats sont bien respectés, souligne l’Anses.
Les plastiques biosourcés sont pour leur part fabriqués à partir de matières issues de la biomasse. D’un point de vue chimique, ces plastiques peuvent être en tous points identiques à des molécules d’origine pétrochimique. Il n’y a alors aucune raison qu’ils soient davantage compostables que les plastiques traditionnels.
Vers une norme unique qui abaisse le risque sanitaire ?
Pour y voir plus clair, l’Anses propose d’instaurer une norme unique. Celle-ci évaluerait la biodégradabilité dans tous les milieux de l’environnement et non pas seulement dans un compost, en conditions contrôlées. Cette nouvelle norme s’appliquerait à tous produits et articles en matières plastiques se revendiquant biodégradables ou compostables. L’agence propose aussi de fixer des critères plus contraignants pour réduire les risques sanitaires et environnementaux des plastiques compostables. Elle recommande ainsi des critères portant sur l’absence de perturbateurs endocriniens, de substances cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques.
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Ainsi, les produits de dégradation de ces plastiques peuvent « présenter un risque » pour les populations ou l’environnement. La réutilisation de ces composts, par exemple dans les potagers, peut engendrer une contamination de l’environnement et des cultures locales. « Cette contamination peut provenir des différents constituants de matériaux » comme les polymères, des monomères résiduels, des additifs ou des charges organiques « présentant des dangers potentiels aussi bien pour la santé humaine que pour l’environnement », souligne Stéphane Leconte, coordonnateur de l’expertise à l’Anses.