La France veut accélérer sur le nucléaire. Alors que le gouvernement compte lancer la construction de six nouveaux réacteurs, EDF a saisi la Commission Nationale du Débat Public. Le débat qui s’ouvre ce jeudi 27 octobre pose question tant les décisions semblent déjà prises.

Le 10 février dernier, Emmanuel Macron a annoncé, lors d’un discours à Belfort, la construction de six nouveaux nucléaires de type « EPR2 ». Il s’agit une version « optimisée » du réacteur nucléaire EPR (Réacteur pressurisé européen). Il se veut moins coûteux à construire que ce dernier. Ce projet coûterait environ 50 milliards d’euros, et les deux premiers réacteurs seraient situés à Penly, en Normandie.
Au lendemain de cette annonce, EDF a saisi la Commission Nationale du Débat Public (CNDP). Ce débat public intitulé « Nouveaux réacteurs nucléaires et projet Penly » s’ouvre donc ce jeudi 27 octobre et court jusqu’au 27 février 2023. Il concernera la construction des six premiers réacteurs nucléaires EPR annoncés par Emmanuel Macron en février dernier à Belfort. Et il se penchera sur le choix du site de la centrale de Penly, situé au bord de la Manche, pour accueillir les deux premiers réacteurs. La concertation organisée par la CNDP posera plus largement la question de la relance du nucléaire en France. Alors que la France accélère sur les EPR et sur son mix énergétique, ce débat est-il susceptible de peser dans les décisions ?
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Pour la Commission Nationale du Débat Public c’est oui
La CNDP est « totalement indépendante », explique Chantal Jouanno, sa présidente. Ainsi, la CNDP s’empare du sujet et lance un débat public sur ce sujet. « Parce que la question du nucléaire est une question sujette à la défiance démocratique », explique-t-elle. Présente lors d’une conférence de presse organisée par l’Association des journalistes de l’environnement (AJE), Chantal Jouanno appuie sur l’importance d’un tel débat. « Le débat public c’est un droit, qu’ont toutes les personnes qui vivent en France, de participer à l’élaboration des décisions. Et cela compte, c’est dans la Constitution », le nucléaire ne faisant pas exception.
Un message, que la CNDP et tous ceux qui défendent l’intérêt de cette commission, veulent faire passer aux parlementaires. Ce sont eux qui voteront les lois. En effet, ce débat public a lieu avant le projet de loi de programmation énergie-climat. Cette loi doit être adoptée d’ici juillet 2023, elle précisera la trajectoire énergétique de la France pour les années à venir. Pour la CNDP, dans ce contexte, le débat public doit peser dans les réflexion des décideurs.
« Ce débat est aussi celui du nucléaire en général. Le public veut comprendre quel est le sujet, comprendre ce qu’est un EPR », explique Chantal Jouanno. C’est donc à toute la France que s’adresse ce débat, notamment les générations futures. Selon la présidente de La CNDP, les décideurs ne peuvent s’extraire de la Constitution ni du droit. Ils ont une « obligation », à l’issue de ce débat, celle d’écouter les conclusions. En somme, « le maître d’ouvrage doit répondre au débat », explique Michel Dabré, président de la Commission particulière du débat particulier (CPDP), et ce quelques soient ses velléités.
Un débat accessible à tous
Le calendrier du débat public est dense. Il sera accessible pour tous sur une plateforme numérique. Il débute le 27 octobre 2022 à Paris et à Dieppe. Pendant quatre mois, lors de séances plénières, plusieurs thèmes seront traités, et ce dans plusieurs villes. La question : « Qu’est-ce que l’EPR2, et peut-on en faire du nucléaire autrement ? », sera abordée à Saclay le 22 novembre. Ou encore « Quelle prise en compte des incertitudes climatiques et géopolitiques ?« , à Lyon le 2 février 2023. « Le but est de débattre dans des villes dans lesquelles on trouve des sites nucléaires », explique Michel Badré. Durant ces quatre mois, le débat public passera par Paris et Dieppe, Saclay, Caen (le 1 décembre 2022), Petit Caux (Le 12 décembre 2022), Le Tréport (le 12 janvier 2023), à Lille (le 19 et 26 janvier 2023), Lyon, Tours (le 16 février 2023), puis de nouveau à Paris et à Rouen pour la clôture.
« Les collectifs pourront organiser leur propre débat. Nous allons impliquer les étudiants et les plus jeunes. On va débattre de l’opportunité ou non de relancer le nucléaire en France », affirme Chantal Jouanno. « L’essentiel est que tout cela arrive au Parlement », ajoute-t-elle. « Ce débat est aussi celui du nucléaire en général. Le public veut comprendre quel est le sujet, comprendre ce qu’est un EPR ».
Certaines associations montent au créneau
Mais pour certaines associations anti-nucléaires, ce débat public frôle le simulacre démocratique. Emmanuel Macron « confirme son intention de tenir pour quantité négligeable les procédures délibératives censées précéder une décision officielle de construction, qu’il s’agisse du débat public sur les projets d’EPR, à Penly, ou du vote des parlementaires sur la future loi de programmation énergie-climat », estime le Réseau Sortir du nucléaire. « Cela fait plusieurs années que les projets de réacteurs sont dans les tuyaux et Emmanuel Macron considère déjà cela comme acquis. Il considère que le débat n’a pas vocation à remettre en question la constructions de ces réacteurs », nous confie l’association.
« Mais fouler aux pieds le droit et la démocratie ne fera pas disparaître d’un coup de baguette magique les problèmes d’une filière minée par le manque de compétence et d’une technologie trop lente et trop lourde pour répondre à l’urgence climatique », avertit la fédération d’associations opposées au nucléaire dans un communiqué.
Le débat public a déjà fait ses preuves
Pour défendre leur position, les défenseurs du débat public s’appuient sur plusieurs exemples. Parmi eux, l’annulation d’un projet de mine d’or en Guyane en 2018. Le débat public, alors mené sur ce territoire d’outre-mer autour du projet industriel de mine aurifère Montagne d’Or, a mis en évidence « la profondeur de la fracture que celui-ci provoque au sein de la société guyanaise », soulignait ainsi la Commission particulière du débat public dans un rapport.
Plus récemment en avril 2022, le projet éolien offshore au large de l’île d’Oléron à été rejeté par la population, suite à un débat public. Cette conclusion a poussé les maîtres d’ouvrages à changer de site du parc éolien, plus loin en mer. Pour participer au débat, la CNDP invite les intéressés à se rendre sur la plateforme participative du débat.