Dans l’élan de la Journée mondiale des océans célébrée le 8 juin, l’Aquarium tropical du Palais de la Porte dorée à Paris organise ce week-end la Fête de l’océan. L’occasion de sensibiliser petits et grands au rôle clef que joue ce dernier dans la lutte contre le changement climatique. Gabriel Picot, chargé du développement culturel et pédagogique de l’aquarium nous l’explique.
300 espèces qui s’épanouissent dans plus de 80 aquariums et terrariums. Le tout, en pleine capitale. Depuis le siècle dernier, l’Aquarium tropical du Palais de la Porte dorée à Paris participe à protéger les écosystèmes marins tout en sensibilisant un public urbain à leur existence.
Ce week-end, il prolonge la Journée mondiale des océans qui a eu lieu mercredi 8 juin avec une Fête de l’océan. L’évènement, organisé depuis six ans, devrait accueillir près de 10.000 visiteurs. Petits et grands sont invités à découvrir des ateliers, spectacles et informations autour de la thématique « L’océan des solutions ». Gabriel Picot, chargé du développement culturel et pédagogique de l’aquarium revient sur le rôle clef que jouent les océans dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Natura Sciences : Quel rôle joue l’océan dans la lutte contre le changement climatique ?
Gabriel Picot : Les scientifiques constatent que l’océan est primordial dans la machine climatique. Tout d’abord, il joue un rôle de transporteur. Il a une capacité d’absorption de la chaleur supérieure à celle de l’air. Il la transporte des zones équatoriales vers les zones polaires. Ainsi, il évite des modifications trop importantes de températures dans l’atmosphère. On considère que l’océan a absorbé environ 93% de la chaleur émise par l’Homme dans le cadre de ses activités industrielles depuis le milieu du XIXème siècle. Si l’océan n’était pas présent, cette chaleur anthropique aurait été stockée dans l’atmosphère et les températures à l’échelle de la planète seraient invivables.
Il joue aussi un rôle très important dans le cycle du carbone. Il a absorbé environ 30% du CO2 émis par les activités humaines depuis le milieu du XIXème siècle. L’augmentation de la quantité de CO2 dans l’air entraîne une augmentation de la quantité de CO2 dissout par diffusion chimique et donc forcément une acidification des eaux. Cette absorption se fait aussi de manière biologique. Des organismes notamment végétaux absorbent le carbone dans leurs tissus. Ce sont des pompes biologiques. Ensuite, les organismes marins se mangent entre eux et une grosse partie de ce carbone organique finit au fond des océans ; ce qui est à l’origine des roches calcaires.
On note que cette pompe à carbone a tendance à ralentir parce que la capacité d’absorption des océans n’est pas infinie. Il capte de moins en moins bien le carbone. Donc l’océan va être de moins en moins capable de tenir son rôle de régulateur du climat. Le CO2 va davantage s’accumuler dans l’atmosphère. Sans l’océan, nous aurions grillé depuis longtemps. Certains imaginent donc des techniques de bioingénierie afin d’augmenter la présence de plancton végétal, mais ce peut être extrêmement risqué.
La Fête de l’océan est donc un levier de sensibilisation à ce rôle clef ?
Il y a de quoi s’informer sur l’état de l’océan et essayer d’agir à l’échelle individuelle. Il y a notamment le Forum des solutions où il sera question de consommation de produits durables et de pêche responsable. C’est intéressant même si on est pêcheur occasionnel pendant les vacances. Il y a aussi toute la partie pollution, ce que l’on rejette de façon consciente ou non dans la mer.
De plus, nos discours s’adaptent aux visiteurs : enfants, parents, grands-parents … Avec des contes, des spectacles, des animations plus étoffées en termes d’informations, des partenaires pour présenter des actions concrètes. Notamment en termes de pêche, de consommation de produits de la mer, de pollution plastique, de préservation des littoraux. Par exemple, des organismes scientifiques comme l’Institut de recherches pour le développement interviendront sur la préservation du corail.
Le reste de l’année, quelles sont les missions de l’Aquarium tropical du Palais de la Porte dorée ?
Nous avons tout d’abord, une mission de sensibilisation des publics à la préservation du milieu et des espèces. Nous abordons les écosystèmes, les espèces, la diversité à l’intérieur même des espèces. Nous évoquons tout ce qui est écosystèmes proches de la surfaces, récifs coralliens, mangroves. Des millions d’espèces prospèrent dans les océans. Et on estime qu’on ignore encore plus d’un million d’entre elles. C’est un réservoir de biodiversité encore mal connu, notamment quand on pense à ce que l’on peut trouver dans les grands fonds ou tout ce qui relève du plancton.
Nous avons aussi un rôle de support de la recherche scientifique et un rôle de préservation des espèces, partagé avec tous les aquariums et zoos. Nous préservons des espèces qui peuvent être menacées voire éteintes dans leur milieu naturel, afin notamment d’assurer leur reproduction. Un peu comme une arche de Noé des espèces déjà disparues.
L’océan est au cœur de l’agenda diplomatique cette année. Observez-vous également un regain d’intérêt du côté du grand public ?
L’océan reste très peu connu. Nous tournons le dos à la mer. C’est un univers qui incite à la rêverie, à l’évasion. La France a une histoire d’explorateurs, nous sommes une grande puissance maritime. Pour autant, si nous bénéficions de plus en plus de connaissances scientifiques, le grand public reste trop peu informé. Nous nous sommes récemment entretenus avec le Ministère de l’Éducation nationale et le Comité national d’éducation durable pour la mer et les océans à ce sujet. Puisque les océans n’irriguent pour l’instant pas tellement les programmes scolaires.
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Nous notons toutefois un regain d’intérêt certain de la part des décideurs. L’océan était à l’agenda du One ocean summit en février, il est question de création d’une COP des océans … La presse s’empare également davantage de ce sujet. Nous notons beaucoup plus d’initiatives comme la Fête de l’océan en France et dans le monde. Ces actions permettent de faire rayonner ce sujet. Cela va forcément ruisseler sur la population. Les gens commencent à assimiler de nombreuses informations sur l’état de la planète, les préoccupations environnementales prennent de plus en plus de place. C’est un sujet qui a le vent en poupe et c’est nécessaire parce qu’il y a un manque de culture océanique, surtout chez les gens qui n’habitent pas en bord de mer.