L’eau de couleur rouge, larguée par les canadairs, permet de ralentir les incendies. Plutôt que de les éteindre, ce produit empêche les flammes de se propager davantage. Si il est efficace, est-il pour autant sans risque sur l’environnement ?
Depuis plusieurs jours, les incendies ravagent l’ouest du Canada. Les pompiers redoublent d’efforts dans la province d’Alberta pour contenir l’avancée de ces feux “sans précédents”. Parmi les moyens déployés, les canadairs s’occupent d’inonder les incendies par les airs. Pourtant, certains d’entre eux ne déversent pas seulement de l’eau, mais également un produit de couleur rouge. Ce dernier est un “retardant” qui a pour but de ralentir les incendies en empêchant la flore de prendre feu. Ce produit est également utilisé en France par les pompiers sur les feux estivaux.
Créer une barrière entre l’incendie et la flore
La substance clé du retardant est le phosphate d’ammonium, un sel ignifugeant, qui protège la flore des incendies en augmentant la température de combustion de 300°C à 700°C. Pour une utilisation optimale, les pompiers dispersent un tiers du retardant sur le feu et les deux tiers restants sur la végétation. Il permet ainsi de créer une barrière entre l‘incendie et le reste de la flore. La couleur vive du produit permet aux pompiers de voir d’un coup d’œil les zones déjà protégées. Ils peuvent alors larguer plus précisément le retardant sans laisser de trous dans cette barrière protectrice.
Sa couleur lui vient de l’oxyde de fer, un colorant se retrouvant également dans l’alimentation sous le nom d’ “E 172”. Selon le Centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard, cette substance ne pose pas de dangers pour l’homme, à condition de respecter “un apport journalier acceptable”. “Compte tenu de l’état actuel des connaissances, l’E172 ne présente pas de toxicité pour l’homme”, explique-t-il dans sa fiche sur le Fer et ses composés.
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80% d’eau, 20% d’autres substances
Le retardant contient environ 80% d’eau. Les 20% restants comportent du phosphate d’ammonium, de l’oxyde de fer, de la gomme ou de l’argile et d’autres composants en faible quantité. La gomme, ou l’argile, servent d’épaississant, et permettent aux pompiers de larguer le retardant avec plus de précision.
D’après l’Observatoire de la Forêt Méditerranéenne (OFME), la composition du retardant “lui permet d’être entièrement biodégradable par les microorganismes”. Frédérique Giroud, directeur scientifique du CEREN (Centre d’Essais et de Recherche de l’ENtente, liée à la Sécurité Civile) explique à l’ASP mag : “Bien sûr, nous retrouvons des seuils de toxicité sur tous les produits chimiques mais les concentrations d’additif utilisées lors de l’extinction des feux de forêt n’atteignent jamais ce seuil”. En France, le CEREN se charge d’évaluer les différents retardants sur le marché et de vérifier leur conformité avec les normes sanitaires européennes.
D’après les expérimentations du CEREN, le retardant se comporte de manière similaire à un engrais. “Nous avons observé un retard de croissance de la flore si le seuil est dépassé ou une croissance supplémentaire si ce n’est pas le cas car l’additif agit comme un engrais quand le seuil est faible”, poursuit Frédérique Giroud auprès d’ASP mag.
Des effets trop importants sur la flore ?
Selon, l’American Chemical Society, l’utilisation de retardant pourrait causer des “blooms algaux” dans les plans d’eaux se trouvant aux alentours. L’augmentation rapide des algues dans ces plans d’eau pourraient être néfastes pour la faune aquatique. Les expérimentations du CEREN ont montré l’augmentation massive d’ions ammonium, de nitrates et de phosphore et d’ions potassium dans les plans d’eau, suite à l’utilisation du retardant. Toutefois, ces concentrations diminuent au fur et à mesure des “lessivages successifs”. En somme, pour les forêts, les précipitations suivant l’incendie permettent d’évacuer le retardant.
“Dans le cas exceptionnel d’un largage accidentel sur un plan d’eau ou une rivière, bien que la faune aquatique soit potentiellement menacée, les microorganismes autochtones contribuent à diminuer les effets polluants” conclut l’OFME, d’après une étude du CEREN sur ce sujet.