L’artificialisation se faisant majoritairement aux dépens des terres agricoles, elle pose un problème évident de capacité de production alimentaire. En France métropolitaine, les sols les plus fertiles représentaient 34,8 % des surfaces agricoles artificialisées entre 2000 et 2006. Dans environ la moitié des régions, les sols qui présentent le meilleur potentiel agronomique sont les plus touchés par cette artificialisation.
Jusqu’au début du XXème siècle, la France comptait encore la moitié de la population actuelle. Les constructions se faisaient sur les plus mauvaises terres pour préserver les ressources alimentaires. Aujourd’hui, alors que l’effectif national se dirige joyeusement vers les 70 millions d’habitants, les terres agricoles sont prises d’assaut par les promoteurs et les « fameux » rurbains, de plus en plus nombreux à vouloir leur maison à la campagne avec toutes les commodités de la ville. Aux abords des grandes villes, ce sont aussi les prix des loyers qui poussent les gens vers la lointaine périphérie, les proches banlieues étant, depuis des années, délaissées à cause de la dégradation des conditions de vie.
Pendant longtemps, les ceintures des villes étaient constituées de terres maraîchères destinées à alimenter la cité. Elles sont aujourd’hui recouvertes de béton pour y construire notamment des supermarchés qui vendent de la nourriture provenant de pays lointains.
L’avenir alimentaire de la France s’annonce difficile. C’est ce que souligne le président de la Fédération nationale des SAFER en rappelant que « l’agriculture en zone urbaine représente pourtant de véritables atouts comme capacité de production alimentaire proche des villes, essor des circuits courts, sauvegarde des paysages et mixité sociale ». Les SAFER interviennent sur le marché foncier, à l’origine pour aider à la création d’exploitations agricoles, puis finalement dans toutes les missions d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Elles tentent notamment d’enrayer le recul des terres agricoles.
Après 50 ans de PAC, la Commission européenne s’inquiète, , de voir ainsi la France perdre son potentiel agricole. Le 23 mai 2011, elle a publié un rapport qui rappelle que l’artificialisation des sols européens progresse à un rythme inquiétant de 3 % par an, ce qui équivaut à l’artificialisation annuelle d’une superficie plus grande que celle de la ville de Berlin. « Entre 1990 et 2000, 275 hectares au moins de sols ont été perdus chaque jour dans l’UE, soit 1000 km2 par an. Cette tendance s’est ralentie et a été ramenée à 252 hectares par jour au cours de ces dernières années. » Malgré tout, « le rythme de consommation des terres demeure préoccupant », notamment parce que l’artificialisation des sols « met en péril la disponibilité de sols fertiles et de nappes aquifères pour les générations futures. » S’il souligne les impacts du phénomène sur les écosystèmes et l’augmentation du risque d’inondations, le rapport insiste particulièrement sur la perte irréversible de capacité de production agricole, les terres artificialisées n’étant jamais rendues à la nature. Le rapport évalue la perte annuelle de production agricole imputable à l’artificialisation des sols à 4 millions de tonnes de blé.
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Fragments de nature morte
Les constructions se font rarement sur la forêt, mais la nature pâtit fortement du phénomène de fragmentation écologique, induit par la multiplication exponentielle des voies de communication, routes et rails. Chaque nouvelle zone résidentielle, commerciale ou industrielle, doit être pourvue de voies d’accès, ce qui conduit à un maillage très serré du réseau routier. Fort de près d’un million de kilomètres de voies, le réseau routier français est, avec le réseau allemand, le plus dense d’Europe par rapport à sa superficie. La nature ne subsiste que dans quelques parcelles isolées. Les échanges inter-espèces sont perturbés, voire impossibles. La reproduction entre effectifs réduits contribue à un appauvrissement génétique et à une perte de services rendus à l’homme par la nature. Les habitats naturels, quand ils ne sont pas fragmentés, sont simplement détruits.
L’artificialisation des sols est également responsable de l’imperméabilisation de la terre, qui favorise le ruissellement de l’eau au gré des pentes, au détriment de son infiltration. Additionnée au changement climatique, l’imperméabilisation de la surface du sol explique le niveau historiquement bas des cours d’eau et des nappes souterraines. Favorisée par l’artificialisation, l’érosion des sols l’est aussi par le manque de végétation des grandes monocultures intensives, fers de lance de l’agriculture industrielle. Labourée et mise à nu, la terre est victime de lixiviation, car le système racinaire des végétaux n’est plus là pour la retenir. Enfin, l’artificialisation entraîne des coulées de boue et des inondations. Par ailleurs, le ruissellement d’eaux chargées d’engrais azotés ou phosphatés, d’hydrocarbures, de métaux lourds et de produits phytosanitaires, issues de l’agriculture et des égouts, intensifie la contamination des sols.
L’artificialisation suppose enfin une augmentation de la chaleur au sol. Qui n’a jamais observé les mirages qui oscillent au ras des routes par grande chaleur ? La végétation rafraîchit l’air. Le béton et l’asphalte le réchauffent, d’où l’îlot de chaleur parisien qui maintient la capitale au moins 4°C au dessus des campagnes alentour. Outre les usines et les systèmes de chaudière et de climatisation, l’excès de chaleur des grandes villes provient aussi de la circulation automobile : des voitures elles-mêmes ainsi que des routes.
Le béton, la bagnole, le blé et nous1
La voiture, symbole de liberté, contribue largement à la pollution atmosphérique. Son usage systématique dans certains ménages, rendu obligatoire par l’étalement urbain, témoigne également d’un échec d’urbanisme. Des gens habitent loin de leur travail et des commodités. Par conséquent, tous leurs déplacements se font en voiture. Une automobile a besoin de routes mais aussi d’une place devant la maison, d’une place sur lieu de travail, d’une autre au supermarché, sans compter les loisirs. La voiture induit un grignotage d’espace insoupçonné. Les immenses parkings d’hypermarchés n’en sont qu’une infime partie. Ils imperméabilisent des hectares de sol et se transforment accessoirement en fournaise l’été. À force de nouvelles constructions, le maillage routier n’en finit plus de se resserrer pour connecter des morceaux de villes isolés.
L’augmentation drastique du prix des carburants est inéluctable à long terme. Elle devrait contraindre les pouvoirs publics à revoir en profondeur les règles d’urbanisation, à réintégrer la population dans les centres-villes et à céder les voiries aux transports en commun. Promettre des aides à ceux qui ne peuvent plus payer leurs déplacements va à l’encontre de l’évolution indispensable des modes de transport. Les collectivités doivent permettre à la population de se passer de ces énergies en raccourcissant les distances et en substituant les transports en commun aux voitures.
1 D’après le titre du livre La faim, la bagnole, le blé et nous de Fabrice Nicolino
Auteur : Christofer Jauneau, contribution volontaire
Ca fait froid dans le dos…
A ce rythme-là, j’entrevois la France de mes futurs petits-enfants, sans herbe ni forêt, noyée sous le béton et l’asphalte. Et j’en ai mal au ventre…