L’aquarium Océanopolis accueille un nouvel espace depuis ce printemps, l’Océanolab. Le lieu accueille pour la première fois une équipe de scientifiques qui étudie l’impact de la hausse de la température océanique et de l’explosion de la pollution plastique sur l’huître plate, une espèce endémique de la rade de Brest. Ce lieu de recherche est aussi un lieu de rencontre. Le public y est invité à rencontrer les chercheurs et à découvrir « la science en train de se faire ».
À Brest, la sortie à Océanopolis devient prétexte à la découverte de la science. Depuis ce printemps, un nouvel espace a ouvert à l’aquarium situé à l’entrée de la rade. Placé à quelques pas à peine de l’entrée, l’Océanolab ne peut échapper aux visiteurs. Sur les façades de ce bâtiment blanc, de grands panneaux présentent le nouveau projet qui se déroule à l’intérieur. Des mots, désormais familiers pour le grand public, se détachent : « effets du changement climatique sur l’océan », « érosion de la biodiversité », « pollutions ». D’autres dévoilent les promesses du lieu : « découvrir la démarche scientifique » et « partager la science en train de se faire ».
Ce dernier point est la raison d’être principale de ce laboratoire de recherche d’un genre nouveau. C’est la première fois au monde qu’une telle structure prend place au sein d’un espace initialement pensé pour accueillir le grand public. Désormais, chaque année des scientifiques occuperont l’Océanolab pour effectuer des travaux de recherche autour de l’impact du dérèglement climatique sur la faune locale.
L’Océanolab, un lieu pour faire renaître la confiance
Dans le même temps, une quarantaine de visiteurs – à la fois – pourra découvrir le temps de la recherche scientifique, bien différent du rythme effréné qu’impose insidieusement notre quotidien. « Nous avons voulu que ce laboratoire soit ouvert car il est essentiel de montrer comment les scientifiques travaillent dans le contexte de perte de confiance en la science connu ces dernières années », explique fièrement Céline Liret, docteur en océanologie biologique et directrice scientifique d’Océanopolis.
Le sondage Les Français et la science daté de 2021 indique que depuis Fukushima, la proportion de concitoyens qui estiment que « la science apporte à l’homme plus de bien que de mal » baisse d’au moins 10% dans toutes les catégories d’âge. « Notre mission est d’expliquer comment fonctionne la recherche », ajoute Marie Lhuillery, médiatrice scientifique de l’Océanolab.
À l’Océanolab, l’huître plate aussi sexy que le corail
Céline Liret, chercheuse passionnée par le monde océanique, a œuvré durant dix années à la création de ce lieu. Pour permettre son ouverture, plus d’un million d’euros d’investissements ont été nécessaires. Brest métropole, l’Université de Bretagne occidentale et la région Bretagne sont les trois principaux financeurs du projet. Grâce à ces fonds, l’espace de 160m² peut accueillir depuis janvier 2023 un premier programme de recherche, le projet MicroCO2sme. Ce dernier porte sur l’huître plate, espèce endémique de l’Atlantique nord, naturellement présente dans la rade de Brest.
Selon les biologistes, les hommes ont surexploité l’huître plate, engendrant son sérieux déclin dès la moitié du XIXème siècle. Au XXème siècle, la prise de conscience de l’homme a fini par accorder un répit à l’espèce en danger. Mais si aujourd’hui la surpêche ne la menace plus, le dérèglement climatique et la pollution pourraient sérieusement mettre en péril l’avenir de l’huître plate. C’est justement ce que veut mettre en évidence l’équipe que dirige Carole Di Poi, chargée de recherche à l’Ifremer. L’objectif de l’année pour ces chercheurs est de mettre en évidence l’impact de la hausse des températures, de la pollution plastique et de l’acidification de l’océan sur l’huître plate.
Ces recherches sont d’autant plus importantes que ce coquillage est essentiel pour le maintien de son écosystème. « L’huître plate joue le même rôle que le corail dans les espaces tempérés. On parle beaucoup des récifs coralliens parce que c’est sexy, mais l’huître plate est confrontée aux mêmes problématiques », assure Carole Di Poi.
Eau plus chaude, plus acide et prolifération d’algues rouges
Au sein de l’Océanolab, les huîtres plates baignent dans trois rangées identiques de quatre aquariums dans lesquels se trouvent des huîtres. Cette précaution sert à valider les observations de l’équipe de recherche. Le premier bassin contient de l’eau directement puisée dans la rade, celle dans laquelle évoluent actuellement les huîtres plates. Le second simule un milieu où la concentration en microplastiques serait cinquante fois supérieure à celle d’aujourd’hui. Ce taux reflète l’accélération prévue de la pollution plastique dans les océans d’ici la fin du siècle. Le troisième contient une eau plus acide de 0,03 point et 2°C plus chaude, telle qu’elle pourrait l’être en 2100. Le dernier combine les deux précédents.
Si les résultats de l’étude ne feront l’objet d’une publication dans une revue scientifique qu’à la fin de l’année, les visiteurs peuvent d’ores et déjà constater que la prolifération d’algues rouges est plus importante lorsque l’eau est plus chaude. « L’un des enjeux majeurs pour nous est également d’évaluer l’impact des différentes variations sur la reproduction des huîtres. Nous étudierons ce point à partir de cet été », explique Émilien Pousse, post-doctorant à l’Ifremer.
365 jours par an
Le jeune homme travaille à l’Océanolab à temps plein. Lui et le reste de l’équipe se relaient au laboratoire 365 jours par an. « C’est ça de travailler sur le vivant. C’est une condition sine qua non pour avoir en permanence au moins un chercheur sur le projet », déclare Émilien Pousse.
Grâce à cette présence quotidienne, les visiteurs sont pratiquement assurés de rencontrer un membre de l’équipe lors de leur visite. La médiatrice scientifique Marie Lhuillery est également présente pour faciliter le contact entre le public et la science. Grâce au « Minilab », un bureau composé d’une vitrine renfermant du matériel scientifique et une huître plate, deux microscopes, un mini aquarium et un écran tactile, elle prend le temps d’expliquer aux petits et grands curieux ce que font les scientifiques. Durant les vacances d’été, il sera possible de profiter de la fraîcheur de l’Océanolab tous les jours. Jusqu’au 9 juillet, le lieu est ouvert au public les mercredis, samedis et dimanches.