L’INRAE et l’Ifremer dévoilent aujourd’hui leur rapport portant sur le rôle des pesticides dans le déclin de la biodiversité. Verdict : la pollution des écosystèmes est généralisée, mais le rapport soulève plusieurs leviers d’action.
Quels sont les impacts des produits phytopharmaceutiques sur les écosystèmes ? Les ministères de la transition écologique, de l’agriculture et de la recherche ont ainsi questionné l’INRAE et l’Ifremer en 2020, dans le cadre du plan Ecophyto II+. Celui-ci vise à réduire de moitié l’utilisation des pesticides dans l’agriculture française d’ici 2025.
Pendant deux ans, 46 experts de 19 organismes de recherche ont ainsi analysé plus de 4000 études scientifiques. Leur objectif : dresser un « état des lieux des connaissances existantes » sur la contamination des milieux par les produits phytopharmaceutiques en France, explique Sophie Leenhardt, chercheuse à l’INRAE, et coordinatrice de l’étude.
Une contamination généralisée de l’environnement
Les produits phytopharmaceutiques sont les pesticides qui protègent les plantes contre les « organismes nuisibles » ou luttent contre les mauvaises herbes. Les chercheurs se sont intéressés aux zones agricoles et non agricoles en France, sur terre et en mer. « Les produits phytopharmaceutiques contaminent l’ensemble des milieux terrestres, aquatiques et marins – notamment côtiers », confirment-ils.
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Cette contamination se retrouve à des centaines, voire des milliers de kilomètres de leur zone d’application. Et ce jusqu’aux « zones proches des pôles et les grands fonds marins » , pour des polluants persistants comme le DDT ou le lindane. L’étude relève « un pic de contamination dans les espaces agricoles – dans les sols, les petits cours d’eau et l’air », là où les produits phytopharmaceutiques sont majoritairement appliqués.
Les pesticides, facteur important de recul de la biodiversité
En 2019, le rapport de l’IPBES identifiait la pollution comme quatrième cause principale de la crise de la biodiversité. Derrière les changements d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certains organismes et le changement climatique.
L’Ifremer et l’INRAE confirment que les produits phytopharmaceutiques jouent un rôle dans le déclin des populations d’invertébrés terrestres et aquatiques. Ils nuisent aussi aux populations d’oiseaux communs, d’amphibiens et de chauve-souris. Plus précisément, l’expertise collective identifie des effets directs et indirects sur les individus. « Les modifications comportementales peuvent impacter différents processus importants pour la survie interne des populations comme par exemple la reproduction, l’alimentation ou la capacité à fuir les prédateurs », détaille Wilfried Sanchez, directeur scientifique adjoint de l’Ifremer, et pilote scientifique de l’étude.
Des services écosystémiques fragilisés
L’étude de l’Ifremer et de l’INRAE documente notamment l’exposition des oiseaux aux produits phytopharmaceutiques présents dans les espaces agricoles. On découvre ainsi que leur façon de se nourrir influence fortement leur mode d’exposition. « Les oiseaux qui se nourrissent des graines qui se trouvent au sol sont contaminés directement si elles ont été traitées par des produits phytopharmaceutiques, explique Wilfried Sanchez. Les oiseaux insectivores sont eux indirectement impactés par le déclin des populations d’insectes du fait de l’utilisation d’insecticides. »
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L’Ifremer et l’INRAE mentionnent également l’impact négatif de certains pesticides sur la pollinisation et sur la régulation naturelle des ravageurs. Wilfried Sanchez détaille : « La disparition de ces deux services écosystémiques laissent entrevoir une dégradation de la production végétale cultivée, qui affectera à terme le bien-être humain ». En mer, les travaux étudiés recensent des impacts à l’échelle des individus. Ils ne permettent pas encore de savoir à quel point les produits phytopharmaceutiques constituent une menace importante pour la biodiversité.
Des leviers d’action pour atténuer les impacts
Par ailleurs, ce rapport mentionne des leviers d’atténuation des impacts négatifs des pesticides. Parmi les pistes de réflexion, il est question d’un meilleur encadrement du traitement des parcelles, le changement du matériel agricole, une meilleure couverture végétale du sol ou le développement de la phytoremédiation… « Aucun de ces leviers pris indépendamment ne permet de garantir un risque zéro de transfert des pesticides », prévient Sophie Sophie Leenhardt.
Par ailleurs, l’étude alerte sur l’utilisation des produits de biocontrôle, potentiels alternatives aux pesticides. Il tendent à être moins persistants dans l’environnement et avoir des « impacts plus faibles » que d’autres produits. Mais l’expertise note la persistance dans l’environnement de certains microorganismes insecticides ou « une écotoxicité équivalente, voire supérieure à certains produits de synthèse ». Le développement de ces solutions devra donc s’accompagner d’études afin de mieux évaluer leurs impacts environnementaux.